Adoptée afin de remédier au déséquilibre du marché locatif en « zone tendue », la loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024, dite « loi Le Meur », a profondément modifié la réglementation sur le changement d'usage (art. L. 631-7 et suivants du Code de la construction et de l'habitation [CCH]).
Consciente des implications des nouvelles règles pour les praticiens, la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) du ministère de la Transition écologique a publié, le 25 juin dernier, une « FAQ sur l'application dans le temps de la preuve de l'usage ».
Les principales modifications issues de la loi Le Meur
Pour mémoire, dans les communes en manque de logements, la transformation d'un local à « usage d'habitation » en un local à usage « autre que d'habitation » (par exemple en meublé de tourisme), est soumise à autorisation de la commune, à peine de sanctions.
Champ d'application géographique. Jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi Le Meur, le champ d'application géographique de cette réglementation était relativement disparate. Celle-ci s'appliquait de plein droit à Paris et sa proche banlieue, sur délibération des communes situées en zone tendue et avec l'accord du préfet dans les autres cas.
Le législateur a entendu doter les communes volontaristes, sur l'ensemble du territoire, de la possibilité de réglementer le changement d'usage sans passer par une autorisation préfectorale. Désormais, la décision de réglementer - ou non - le changement d'usage est prise par l'organe délibérant compétent - celui de l'établissement public de coopération intercommunale [EPCI] ou celui de la commune (art. L. 631-7 et L. 631-9 CCH). Ainsi, avant tout changement d'usage, il convient de prendre attache avec l'administration locale afin de déterminer si une autorisation est nécessaire ou non.
Champ d'application matériel. Avant l'entrée en vigueur de la loi Le Meur, le changement d'usage d'un local était soumis à autorisation s'il constituait un logement au 1er janvier 1970, la preuve que le local a été affecté à un usage d'habitation à une date postérieure par exemple étant en principe inopérante (Cass. 3e civ., 28 mai 2020, n° 18-26.366, publié au Bulletin).
Par exception, lorsque le local avait été construit ou avait fait l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination après le 1er janvier 1970, il était réputé avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux avaient été autorisés.
L'administration - à qui il incombe de démontrer l'irrégularité d'un changement d'usage - estimant une telle preuve impossible à recueillir, a obtenu du législateur qu'il supprime la date de référence du 1er janvier 1970.
Nouvelles périodes de référence. Désormais, un local qui n'a pas fait l'objet d'autorisation de changement d'usage est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage : - soit à une date comprise entre le 1er janvier 1970 et le 31 décembre 1976 inclus ; - soit à n'importe quel moment au cours des trente années précédant la demande d'autorisation de changement d'usage ou la date à laquelle l'administration conteste l'usage d'un local.
Cet usage peut être établi par tout moyen (fiche de révision foncière, bail…), la charge de la preuve incombant à celui qui veut démontrer un usage illicite.
Par exception, les locaux construits ou ayant fait l'objet de travaux après le 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux ont été autorisés, sauf si une autorisation ultérieure de changement d'usage, le cas échéant avec compensation, a été accordée. Dans ce cas, le local est réputé avoir l'usage mentionné par cette autorisation. En d'autres termes, « l'usage de droit [...] l'emporte sur l'usage de fait » (Hugues Périnet-Marquet, « Construction-urbanisme n° 3 », mars 2025).
A noter qu'une autorisation d'urbanisme ayant pour conséquence de changer la destination de locaux à usage d'habitation ne constitue un mode de preuve valable que si elle est accompagnée d'une autorisation de changement d'usage (art. L. 631-7 al. 5 CCH).
Le changement d'usage avant l'entrée en vigueur de la loi sera apprécié selon les critères antérieurs.
Autorisation tacite
En outre, lorsque le changement d'usage implique des travaux nécessitant une autorisation d'urbanisme, la demande de permis de construire ou la déclaration préalable vaut demande de changement d'usage (art. L. 631-8 CCH).
La DHUP considère qu'en pareil cas, l'« autorisation de changement d'usage n'a pas besoin d'avoir été explicitement demandée », et qu'elle peut s'acquérir « implicitement après expiration du délai de réponse, en cas de silence de l'administration ».
Aussi, un pétitionnaire ayant soumis une demande de permis de construire a intérêt à demander, à l'issue d'un délai de deux mois, une attestation de délivrance implicite d'une autorisation de changement d'usage, si l'administration ne s'est pas manifestée.
Une loi non rétroactive
La loi Le Meur ne comportant aucune disposition transitoire, la Cour de cassation a récemment précisé qu'elle n'était pas rétroactive et, en conséquence, qu'elle n'était pas opposable aux changements d'usage illicites intervenus avant son entrée en vigueur le 21 novembre 2024 (Cass. 3e civ., avis, 10 avril 2025, n° 25-70.002, publié au Recueil). Cela signifie que, lorsque le changement d'usage est intervenu avant cette date, sa régularité sera appréciée à l'aune des critères antérieurs.
Les praticiens se sont interrogés sur la portée de cette solution, s'agissant notamment des changements d'usage intervenus avant cette date, mais constatés et se perpétuant après. Tel est le cas lorsqu'un bail commercial a été conclu afin d'aménager un commerce dans un local avant cette date, et que celui-ci a été occupé par la gardienne de l'immeuble en 1973. Son renouvellement est alors compromis car ce local est dorénavant susceptible d'être qualifié de logement en application des nouveaux critères.
Infraction répétée. La DHUP a alors précisé que la loi Le Meur ne s'applique pas aux baux en cours d'exécution, mais elle est opposable aux renouvellements ou conclusions d'un nouveau bail : la circonstance que l'usage d'habitation d'un local ne puisse pas être démontré avant l'entrée en vigueur de la loi Le Meur « ne confère pas automatiquement le droit de continuer à [affecter ce local à un usage autre que d'habitation] après l'entrée en vigueur de la loi ».
La DHUP souligne enfin que « le changement d'usage peut être une infraction répétée ». Ainsi, tout nouveau bail conclu en méconnaissance de la réglementation peut faire l'objet de sanctions dans un délai de cinq ans à compter du jour où l'administration a connu ou aurait dû connaître le changement d'usage irrégulier d'un local (art. 2224 du Code civil).
Même si la loi Le Meur ne rétroagit pas, elle aura des incidences sur la valorisation économique et la liquidité de nombreux locaux qui étaient régulièrement affectés, jusqu'alors, à un usage « autre que d'habitation ».
Ce qu'il faut retenir
- La loi Le Meur du 19 novembre 2024 a modifié la réglementation du changement d'usage qui exige d'obtenir une autorisation pour transformer un local à usage d'habitation en local à usage autre que d'habitation.
- Désormais, un local, qui n'a fait l'objet d'aucune autorisation après le 1er janvier 1970 est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage soit à une date comprise entre le 1er janvier 1970 et le 31 décembre 1976, soit à n'importe quel moment au cours des trente dernières années.
- Lorsque le changement d'usage implique des travaux nécessitant une autorisation d'urbanisme, la demande vaut demande de changement d'usage.
- Ces nouvelles dispositions ne sont pas applicables aux changements d'usage illicites intervenus avant l'entrée en vigueur de la loi.