Les projets de décentralisation d’entreprises franciliennes, en quête d’économies, se sont-ils réalisés ?
Il y a beaucoup de projets, mais peu de passages à l’acte. A part des start-up, je n’ai pas d’exemples à donner. Les grands groupes ayant des antennes régionales voire départementales se contentent pour l’instant d’espaces de coworking pour leurs quelques collaborateurs qui ont franchi le pas, en quête d’une meilleure qualité de vie en régions.
La systématisation du télétravail est synonyme de réduction des surfaces de bureaux. Dans quels territoires faut-il redouter une augmentation d’immeubles sous-occupés ?
Les grands groupes commencent à signé leur charte, qui porte sur un ou deux jours de télétravail par semaine, et pas deux ou trois comme annoncé avant l’été. Pour le moment, il n’y a pas de décisions de réduction massive des surfaces. Par ailleurs, il y a un cadre légal – le bail de neuf ans en général – à respecter. Un occupant peut sous-louer mais il ne peut pas faire une croix du jour au lendemain sur des espaces qui se retrouveraient inoccupés.
En Ile-de-France, le taux de vacance – de 7,3 % – n’a jamais été aussi haut depuis 2015…
Il y a eu des négociations avec les bailleurs pour faire des économies à court terme. Mais au bout de deux ans de pandémie, les interactions humaines sont nécessaires. Les rencontres clients vont plus vite en physique. Nous l’avons vu au Mipim. Les entreprises en sont conscientes. Sur les 55 millions de m² de bureaux en Ile-de-France, en prenant en considérations les livraisons et les libérations de surfaces, le taux de vacance montera à 8 % vers mi-2022. Il redescendra en 2023 ou 2024 vers 7,2 %, ce qui est un bon taux de rotation en Europe.
D’où la nécessité de transformer les bâtiments obsolètes…
D’un point de vu thermique, certains auront du mal à passer le décret tertiaire. Si en plus ils sont loin des transports et qu’il est impossible de les convertir au flex office, nous pourrons parler de friches tertiaires. Je pense aux immeubles en deuxième couronne francilienne qui ont toujours eu des difficultés à trouver preneurs. Il faudra alors des décisions législatives pour en faire des résidences de santé, du résidentiel pur ou de la logistique urbaine…
Le e-commerce en croissance fragilise le commerce physique, boudé par les investisseurs. Dans quels territoires faut-il craindre une augmentation des friches commerciales ?
Les zones industrielles en périphérie des villes moyennes sont les plus menacées, en raison de la mutation des usages avec le développement de la logistique du dernier kilomètre, le click and collect… Comme pour les bureaux à transformer, il faudra penser mixité des usages dans ces périphéries qui pourraient voir émerger des résidences étudiantes, seniors…
Quels commerces souffrent le plus ?
Les commerces traditionnels, dans le textile et l’équipement de la maison, ainsi que les magasins qui proposent des produits pas chers, de mauvaise qualité et fabriqués en masse à l’autre bout du monde. A l’inverse, les commerces de proximité, de bouche qui plaisent aux consommateurs, lassés par la surproduction, ont encore marqué des points depuis le début de la pandémie. Quant aux centres commerciaux, les clients les considèrent plus comme des lieux de loisirs que d’achat. Ces mutations d’usage vont davantage animer les cœurs de villes. Des magasins éphémères vont émerger pour faire vivre une nouvelle expérience aux clients.
Qui gagne le match entre Paris et les métropoles ?
Le résidentiel guide ce match. Avec la volonté d’avoir une vie différente, les grands gagnants sont Aix-Marseille, la Bretagne, Bordeaux et Lille. Les temps de trajets en transports vers Paris font la différence.