Décryptage

Hors-site : la filière sèche comme levier d’optimisation de la rentabilité des résidences gérées

Si elle affiche encore un surcoût par rapport aux méthodes traditionnelles, la filière sèche devrait devenir de plus en plus compétitive sur un large éventail de programmes.

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Des délais raccourcis et une meilleure maîtrise des coûts constituent deux atouts pour une opération de construction hors site. Ici, le chantier d'une résidence de 88 logements à Sales (Haute-Savoie), opération portée par le groupe Pelletier.

En présentant, le 27 mai dernier, une étude comparative sur « l’immobilier géré », notamment fondée sur des modèles de bilans financiers, Zen Modular a voulu placer le hors-site sur le terrain de la rentabilité, tant côté promoteurs que côté investisseurs. Comme le note Emmanuelle Carlier de Bussy, directrice générale de cette start-up du Puy-de-Dôme spécialisée dans la construction modulaire (3D), « le coût final d’une résidence gérée construite sur site est rarement connu au moment de sa présentation en comité d’engagement et, dans un tiers des cas, le promoteur devra compenser le retard du lancement d’exploitation ».

Selon la jeune pousse, à projets identiques d’une résidence étudiante gérée, le modulaire remporte le match financier (sur la base de 150 lots en RE 2020 seuil 2025). Les économies sur le coût total sont ainsi estimées entre 3 et 4 %, grâce à un chantier écourté (baisse de 35 % des frais financiers et réduction des honoraires de maîtrise d’œuvre) et à l’absence de réserves sur la partie modulaire. Auteur d’une étude de Xerfi sur la construction hors site et modulaire à l’horizon 2026, Lauric Berthier estime que ce mode constructif « représente 8 à 10 % des logements et surfaces de locaux non résidentiels neufs construits chaque année. En massifiant la production pour réduire les surcoûts, elle a vocation à progresser vers des débouchés comme le logement social ou la résidence gérée. » Avec ses 10 usines de béton préfabriqué, d’ossatures bois 2D et 3D, et d’équipements de confort thermique, GA Smart Building confirme l’intérêt économique de la filière sèche pour les résidences gérées. « A condition de transformer un projet de construction en projet de flux industriel et de définir en amont le niveau de hors-site (chambres entièrement assemblées, éléments de façades…), la répétitivité des ouvrages est particulièrement adaptée à l’hôtellerie ou aux résidences étudiantes. Et cette solution ne coûte pas plus cher que la construction traditionnelle », explique Kader Guettou, directeur général de GA Smart Building.

Recycler les études d’un premier projet

Le graal reste le contrat-cadre, à l’instar de celui signé entre l’entreprise solidaire d’utilité sociale MonSenior et Ossabois (groupe GA) pour la réalisation de plusieurs dizaines de hameaux, ensembles de trois à quatre maisons reliées par un jardin. « En capitalisant sur la phase études, nous pouvons la recycler grâce à son effet de récurrence, met en avant Kader Guettou. Or, lorsque l’on réalise une deuxième fois le même bâtiment, l’expérience et la maîtrise des équipes permettent de réduire le coût de 20 %. » Autre bénéfice, cette fois pour l’investisseur : la quasi-absence de réserves à lever. Selon l’étude de Zen Modular, l’exploitation des chambres à 100 % dès la livraison, en Ehpad ou en résidence étudiante, améliore le cash-flow et le rendement annuel moyen. Nicolas Decloquement, directeur général adjoint du promoteur immobilier Redman, relativise cependant le gain associé à cet avantage du hors-site en matière de délais : « A la différence d’une résidence gérée qui peut être occupée à 100 % dès son ouverture si elle est correctement précommercialisée, l’hôtellerie - hors zones de tourisme de masse - fonctionne selon un modèle économique à la nuitée, avec une montée en charge progressive des réservations. » Le logement social constitue un autre domaine où l’industrialisation trouve sa place. Polylogis, qui gère un parc de 85 000 logements sociaux, s’est ainsi engagé à réaliser, d’ici 2030, une opération sur deux pour tout ou partie en hors-site. « La rapidité d’un chantier permet de gagner entre trois et sept mois d’exploitation, et donc des rentrées de loyers », souligne Christophe Roy, son directeur adjoint des activités construction.

La rénovation tient la corde.

Le hors-site peut aussi s’épanouir dans la rénovation. Directeur général de l’immobilier rénové chez GA Smart Building, Gilles de Jouvencel en est convaincu. « Que ce soit pour l’hôtellerie, le logement social, les immeubles tertiaires, la transformation de bureaux en logements, la portée de cette technique constructive en rénovation est vaste : habillage de façades, enveloppes triple vitrage avec store intégré et modules de traitement de l’air, surélévation en 2D ou 3D, capsules humides pour salles de bains… » énumère-t-il.

En neuf comme en rénovation, la rentabilité immédiate n’est pas le seul critère. Comme l’indique Céline Beaujolin, déléguée générale de l’association Filière hors-site France, « le retour d’expérience d’une démarche de préfabrication et d’industrialisation sur 2 000 logements d’Est Métropole Habitat [OPH de la métropole lyonnaise, NDLR] démontre que cette méthode peut permettre d’atteindre les objectifs de rénovation énergétique ». C’est aussi l’argument avancé par le promoteur Redman pour expliquer l’intérêt de la « rénovation intégrale en 2D hors site » de la façade de la tour Ariane La Défense dans les Hauts-de-Seine (voir « Le Moniteur » n° 6312 du 9 août 2024). Enfin, plus le seuil de la RE 2020 sera haut, plus la filière sèche va concurrencer le traditionnel. « Sur la base d’une dizaine de projets, nous observons qu’elle présente 8 % de surcoûts avec le seuil 2022, indique Pierric Martin, directeur général du cabinet Hors Site Conseil, chargé par Polylogis de mettre en place des indicateurs de faisabilité. Avec le seuil 2025 et une architecture adaptée, le surcoût varie entre 3 et 5 %, et les opérations sont à l’équilibre avec le palier 2028. »

Plus le seuil de la RE 2020 sera haut, plus le hors-site va concurrencer la construction traditionnelle.

Respecter les contraintes de chacun

Les marges de progression sont multiples. La plus importante semble porter sur la méthode. « Le hors-site n’est pas une martingale et peut n’être qu’une partie de la réponse », prévient Jean-Luc Porcedo, directeur général du pôle Transformation des territoires chez Nexity. Le promoteur déploie ce segment de production à travers sa marque Ywood (66 opérations en 2D livrées, 16 opérations en cours, soit 885 logements) et son partenariat avec Maître Cube, signé le 27 mars (au moins 500 lots hors site par an d’ici 2028). « Au-delà du ratio coût de construction par m2, les échanges entre bureau d’études, experts, architecte, constructeur et industriel permettent d’intégrer les contraintes de chacun », ajoute le dirigeant. Un exemple ? Un calepinage répondant aux exigences de l’industriel permet de réduire jusqu’à 15 % le coût d’une façade. L’équation économique optimisée du hors-site est encore en train de s’écrire.

« Un projet hors site engendre moins de réserves », Céline Beaujolin, déléguée générale de l'association Filière hors-site France

« Un projet hors site génère un gain de temps sur la phase chantier - de 30 à 50 % - et réduit l'importance de la base vie, de l'encadrement ainsi que du portage financier par le maître d'ouvrage. Bien que les données ne soient pas encore suffisamment étayées, il engendre moins de réserves à lever et de déclarations de dommages-ouvrage. Les coûts d'études réduits au-delà du premier usage et la nature industrielle des opérations constituent des atouts économiques. Pour autant, opter pour le hors-site sur un projet qui n'a pas été pensé comme tel à l'origine peut être financièrement défavorable. Il importe d'affiner le niveau d'aléas, la durée d'amortissement et le coût d'entretien en fonction du procédé constructif. »

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