HLM : le Fonds national des aides à la pierre sera supprimé ou réformé

Ce fonds, qui stimule les opérations de construction neuve des bailleurs sociaux, ne dispose plus des financements nécessaires à compter de l’an prochain. Deux des trois scénarios mis sur la table parlent de sa suppression.

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Construction de logement
Depuis 2016, les aides à la pierre distribuées par le Fnap aux bailleurs sociaux jouent un effet levier sur la construction neuve.

Le groupe de travail relatif à l’avenir du Fonds national des aides à la pierre (Fnap), qui a tenu sa dernière réunion le 29 avril 2025, proposera trois types de scénarios au conseil d’administration du fonds mi-mai, avant de les soumettre à un arbitrage ministériel en juin, indique le président du Fnap, Jean-Paul Jeandon. La majorité de ses membres s’opposent à la suppression de cette instance, qualifiée de lieu d’échanges constructif et nécessaire, tout en avançant des pistes de réforme pour améliorer son fonctionnement.

Le groupe de travail chargé de travailler sur l’avenir du Fonds national des aides à la pierre a tracé trois chemins possibles pour ce fonds qui ne dispose plus des financements nécessaires à compter de 2026. Au-delà des réflexions sur l’équilibre économique du dispositif, les travaux menés du 31 janvier au 29 avril 2025 révèlent en creux différentes ambitions pour l’avenir du secteur HLM.

Vers la fin des aides à la pierre ?

Le premier chemin conduirait vers la suppression du Fnap et la fin des aides à la pierre, qui jouent aujourd’hui un effet levier important sur les opérations de construction neuve. Il resterait malgré tout à financer 1,5M€ d’autorisation d’engagement déjà émis par le Fnap pour des opérations qui devraient sortir dans les prochaines années (1,2M€ si on tient compte d’un taux de chute de 12%), possiblement via les cotisations dues à la due à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) que versent actuellement les bailleurs sociaux et via les amendes appliquées aux communes qui ne respectent pas la loi SRU.

La deuxième voie mènerait aussi à la fin du fonds national, tout en maintenant des aides à la pierre décentralisées aux collectivités locales. Les aides pourraient être restreintes aux logements très sociaux, dans le cadre du plan Logement d’abord, ce qui spécialiserait la production HLM autour d’une offre résiduelle, réservée aux ménages les plus pauvres.

La troisième option consisterait à conserver le Fnap en « améliorant à la fois ses types d’intervention, ses sources de financements et son mode de gestion, avec une régionalisation plus poussée », décrit son président, Jean-Paul Jeandon, le 29 avril.

L’idée de maintenir le Fnap est soutenue par une majorité des membres du groupe, rapporte son président. Car l’instance est unanimement reconnue comme « un lieu de dialogue important entre tous les partenaires qui interviennent sur le logement social, où s’opèrent les péréquations financières et où l’on essaie de répartir au mieux géographiquement les objectifs et le financement ». « Il faut un cadre collectif d’analyse de l’évolution de la programmation », abonde la directrice générale de l’Union sociale pour l’habitat (USH), Marianne Louis. Ce fonds n’est « pas qu’un distributeur d’argent », confirme le président de la fédération des Offices publics de l’habitat (FOPH), Marcel Rogemont, en saluant la qualité des échanges.

Pistes de réforme…

Pour autant, les participants ont aussi souligné des limites du fonctionnement actuel et proposé des pistes de réforme. La DG de l’USH a notamment proposé de travailler sur « un système d’agrément qui colle davantage à la réalité ». L’agrément pourrait intervenir plus tard, en vue de réduire le taux de chute entre l’agrément et la livraison, évitant ainsi de « bloquer des crédits qu’on aurait pu utiliser plus intelligemment ».

Le président de la FOPH propose d’élargir le fonds à « l’ensemble des investissements » HLM, incluant la « modernisation » du parc, qui comprend entre autres la réhabilitation thermique. Un objectif soutenu par l’USH, dans la mesure où, quand le Fnap a été créé en 2016, l’obligation de rénovation de la loi Climat et résilience n’existait pas encore. Marianne Louis y voit un moyen de pérenniser des plans de relance annoncés ponctuellement pour la rénovation du parc HLM, et parfois partiellement annulés, comme celui promis par l’ex-ministre du Logement Patrice Vergriete.

Thierry Debrand, président de la Fédération des associations et des acteurs pour la promotion et l’insertion par le logement (Fapil), appelle pour sa part à maintenir les financements relatifs à l’offre très sociale, car « il revient à l’État d’assurer cette solidarité » et que le plan Logement d’abord « fonctionne ». Mais « il faut aussi maintenir l’ensemble de la chaîne du logement social », défend-il, « pour permettre aux personnes qui sortent de résidence sociale ou de logement insertion de trouver des solutions ».

… et de moyens supplémentaires

Qu’il soit limité à la production neuve ou étendu, pour perdurer, ce fonds devra trouver des financements complémentaires. Les contributeurs du groupe de travail appellent à un retour de l’Etat… qui veut, au contraire, réduire ses dépenses dans le budget 2026. Les bailleurs sociaux ne veulent pas non plus augmenter leur contribution sans baisse de la Réduction de loyer de solidarité (RLS). Et Action logement estime qu’il ne peut plus mobiliser la Peec à cette fin.

L’idée d’augmenter les amendes collectées auprès des collectivités qui ne respectent pas la loi SRU (qui représentent actuellement 50M€ dans le budget du Fnap) a été évoquée. Tout comme celle de réduire la TVA appliquée sur les PLUS, pour encourager leur production en réduisant la fiscalité plutôt qu’en alourdissant les dépenses budgétaires. La DHUP s’est aussi interrogée sur la possibilité d’augmenter les ressources tirées des loyers, en produisant davantage de PLS, dont les loyers sont plus élevés. L’USH propose de mettre en place une taxe sur la vente des biens de grande valeur (au-delà de 12 000€/m2) pour « rechercher des éléments de solidarité au sein de la politique du logement ».

La fédération des ESH suggère, quant à elle, de prélever 450M€ sur les DMTO existants (sur un total d’environ 13Md€ par an), comme proposé par le député Éric Woerth (EPR, Oise) dans un rapport sur la décentralisation l’an dernier. Son directeur général, Didier Poussou, a aussi proposé que les fonds Feder soient recentralisés pour être ensuite distribués plus équitablement par les régions sur les territoires. De quoi faciliter le financement de la rénovation et anticiper de nouvelles aides que pourrait apporter la Commission européenne dans les prochaines années, propose-t-il.

Présentation à la ministre du Logement en juin

Le coût de chacune des options a été évalué, indique le président du Fnap sans donner les chiffres. Le groupe présentera ses conclusions au conseil d’administration du Fnap « mi-mai », avant une présentation à la ministre du Logement « en juin », ajoute Jean-Paul Jeandon. « Un peu tard pour le PLF 2026 », glissent plusieurs membres du groupe, qui espèrent que cela n’empêchera pas la ministre d’avancer d’ici là, en lien avec la DHUP qui participait aux travaux.

Il revient désormais au gouvernement de réaliser les principaux arbitrages politiques et financiers. Les différents scénarios étant maintenant posés, « chacun des acteurs sera mis devant ses responsabilités », affirme le président du Fnap, en rappelant l’urgence à trouver une solution. Les bailleurs sociaux ont besoin d’y voir clair rapidement sur le cadre dans lequel ils pourront projeter leurs opérations à partir de l’an prochain, indique Jean-Paul Jeandon.

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