Haute-Normandie Les entreprises refusent l’attentisme

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La région bénéficie, de façon contradictoire, d’avoir ressenti la crise depuis un an et demi. Cela lui a permis de mettre en place des outils de prévention qui s’avèrent aujourd’hui efficaces. Il n’empêche que l’avenir de cette région maritime dépend de son arrière-pays, c’est-à-dire d’autres que d’elle-même.

Économie régionale

Créations d’entreprises en baisse de 8,3 %, sept fois la moyenne nationale, mais défaillances également à la baisse. « On ne peut nier l’inquiétude, indique-t-on à la CRCI de Haute-Normandie, ni la volonté de refuser l’attentisme. On n’a jamais tant parlé d’innovation, notamment dans les métiers de l’informatique et de la communication, les ENR, le développement durable. Des gens ont des projets et ne refusent pas d’investir. »

Pas effondrement mais rupture de rythme

La Haute-Normandie ne s’abandonne pas à la morosité. Ses trois principaux moteurs économiques sont le commerce maritime, de Rouen au Havre, la pétrochimie de la basse vallée de la Seine, et l’industrie, 20 % de son économie. Le port du Havre a lourdement investi pour accroître l’accueil de conteneurs, une activité totalement liée au commerce mondial et au trafic maritime. La pétrochimie requiert quelque doigté quand le pétrole aura fait, en peu de mois, un aller et un retour entre 50 et 145 dollars le baril. Dans le secteur industriel, 30 000 emplois sont liés à l’automobile. Renault a annoncé la suppression de 1 000 postes dans son usine de Sandouville (Seine-Maritime). Les responsables consulaires s’appliquent à « anticiper le risque », conviennent de carnets de commandes « moins pleins », mais refusent de qualifier de catastrophique la situation. « Au premier semestre, nous avons eu l’activité d’une année pleine en projets de créations d’entreprises, d’investissements, d’innovation, indique Yann Pitollet, directeur de Seine-Maritime Expansion, agence départementale d’expansion économique. Après septembre, est apparu un phénomène nouveau : certains ont préféré différer un projet, d’autres se sont vu opposer une fin de non-recevoir des banques. Il n’y a pas effondrement, mais rupture de rythme. Pour certains, l’activité chute de 30 à 40 %. Les PME qui ont su innover rebondissent ; d’autres sont plus exposées sur leur marché, mais leur bonne structure financière leur permet de voir venir. La situation est plus grave pour celles qui sont dépendantes d’un donneur d’ordres, et financièrement fragiles. Deux choses rassurent : en premier, que le marché interbancaire soit reparti ; les banques sont à l’écoute, même en resserrant les conditions de crédit. Ensuite, tout le monde est vraiment mobilisé : élus, organisations consulaires. » çà et là, des bassins économiques ne semblent pas affectés : le pôle pharmaceutique, dans l’Eure, ou l’aéronautique, la Snecma, à Vernon, par exemple. L’axe majeur reste pourtant la basse vallée de la Seine, de Rouen au Havre. Deux ports en expansion, malgré les soubresauts sociaux du port havrais. Rouen est actif, notamment pour les vracs. La pétrochimie, autour de Port Jérôme, manque de place et doit jongler avec le poids d’un environnement magnifique et fragile. Le Havre se développe, en attendant les interrogations. L’investissement de Port 2000, pour accueillir les plus grands porte-conteneurs, a déjà permis d’atteindre 3 millions de conteneurs (EVP). D’ici à 2011, les places à quai seront doublées. La progression se poursuivra si l’hinterland havrais s’accroît jusqu’à 1 500 km. Pour Le Havre, c’est l’enjeu, qui passe par le développement massif du fluvial, seulement possible après la mise en service du canal Seine Nord le reliant au Bénélux ; par celui du rail, dont la liaison vers Amiens et Reims vient d’être électrifiée. Les autoroutes sont déjà en partie saturées. Dans tous les cas, les enjeux sont nationaux et européens.

Économie du BTP

On avance que « la situation se dégrade depuis 18 mois », les difficultés ne s’étant pas accrues depuis septembre. Ce temps normand plus long, ces « constats négatifs » antérieurs auraient permis à la région de « prévoir la diversification, d’aider les entreprises à gagner en compétitivité ». Bref, la Haute-Normandie a peut-être, sans le savoir alors, anticipé la crise. De fait, sans être au vert, beaucoup de voyants ne sont pas au rouge. L’activité ralentit, peut-être moins qu’ailleurs. Dans le logement, les mises en chantier fléchissent de 15 %, les permis de construire de 29 %. Les permis pour des bâtiments non résidentiels fléchissent (- 32 %), mais les mises en chantier ont augmenté de 13 %. « L’activité est un peu plus tendue qu’auparavant, les carnets en légère diminution, mais sans catastrophe, estime Pascal Dufour, secrétaire général de la Capeb régionale. Le neuf marque un net repli, et la situation est plus difficile pour les sous-traitants des pavillonneurs. Des collectivités mettent des projets en attente, mais augmentent leur demande en travaux d’entretien. On n’observe pas de problèmes de trésorerie, le travail se transfère du neuf vers la rénovation : des particuliers préfèrent dépenser leur épargne en travaux que de la perdre en Bourse. Nos adhérents indiquent un moindre niveau de demandes de devis, mais une bien meilleure rentabilité : presque tous les devis rentrent. » Selon la Banque de France, le gros œuvre régresse de 10 % au troisième trimestre 2008 par rapport au deuxième, avec des carnets à deux mois, et des prévisions à 0 ; le second œuvre de 1 %, des carnets à 9 mois, des prévisions d’activité à - 4 %. « L’activité n’est pas stoppée, et même soutenue en ENR, par des achats instantanés, constate Philippe Cailleret, président régional de la Fnas. Pour les gros programmes, l’activité baisse, les carnets ramenés à 6 mois, mais il n’y a pas de changement pour l’habitat diffus. Cela peut être dû au Grenelle, ou aux effets yo-yo du coût des énergies fossiles. Pour les ENR, on voit bien que les installateurs, petits et gros, subissent plus qu’ils ne pilotent le choix des clients. Ces derniers dirigent, ce qui rend la situation encore plus malaisée à maîtriser. »

« Jusqu’à fin octobre, le marché a bien tenu, croissant de 4 %. C’est vrai pour l’industrie comme pour le bâtiment, et ce maintien est lié au chauffage : le développement des ENR, des pompes à chaleur, dope le business, avec une valeur ajoutée importante, note Jean-Yves Couchouron, président régional de la Fédération des grossistes en matériel électrique. Maintenant, les perspectives sont moins réjouissantes. Les carnets de commande des installateurs baissent. Ils ont une réserve de travail due aux difficultés à trouver de la main-d’œuvre, mais le deuxième semestre 2009 sera difficile. Le privé se maintiendra à peu près car les gens ont toujours de l’argent, le logement social aussi. Mais il y a un vrai risque sur les investissements privés à cause de la saturation de logements vides. Le marché se durcit, les installateurs attendent beaucoup du Grenelle, qui devrait ouvrir des niches de marché. »

L’innovation pour maintenir les marges

« Les marchés évoluent de plus en plus, et les produits se démodent, ce qui n’empêche pas une baisse très importante, jusqu’à - 10 ou - 15 %, en outillage ou en électroportatif, affirme Jean-Luc Germain, président régional du négoce quincaillerie. Les artisans ne souffrent pas encore, mais la visibilité est faible : mai, juin, et après ? Les administrations ne demandent plus de devis. Tout le monde serre les fesses. Je crois pourtant qu’on est toujours en période de crise, ne dramatisons pas les temps actuels. On va vers une baisse. Les négociants qui vendent beaucoup de chauffage bois compensent. Essayons d’innover et de maintenir les marges. »

Guillaume Martin, négociant Solmur, spécialiste peintures et revêtements à Bihorel (une douzaine d’agences), estime qu’il est trop tôt « pour évaluer des modifications dans les affaires. C’est le moral des clients qui est atteint, mais il faut laisser du temps au temps ».

De fait, au-delà de problèmes réels frappant déjà la région, par exemple dans l’automobile où les annonces de fermeture se succèdent, la Haute-Normandie conserve de sérieux atouts, même si le sort de plusieurs d’entre eux lui échappe.

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