Maladie de la misère, le saturnisme a été trop longtemps négligé. Pourtant, dans tous les départements où un programme de dépistage a été mis en place, on a décelé des enfants intoxiqués : sur les 13 400 cas d'enfants suivis depuis 1992 (aux trois quarts en région parisienne), 32 % avaient une plombémie supérieure à 100 microgrammes (seuil où une intervention médicale est jugée nécessaire) et 5 % justifiaient une prise en charge médicale.
Question de santé publique, le saturnisme est aussi - et surtout - un problème d'habitat extrêmement difficile à résoudre compte tenu du profil social des populations touchées : pour la plupart des familles nombreuses immigrées abritées dans le parc social de fait, mal entretenu, où l'on trouve encore des peintures à la céruse, largement utilisées dans le bâtiment jusqu'en 1948. Ces peintures sont souvent présentes dans les parties communes des immeubles, mais aussi au sein des logements (notamment les portes et leurs tours et les fenêtres).
Jugeant inadaptés les moyens dont ils disposent - les articles L 17 et L 26 du Code de santé publique (1) -, les pouvoirs publics ont donc décidé un certain nombre de mesures, dont certaines seront reprises dans le projet de loi sur la prévention des exclusions.
Un plan de prévention du saturnisme sera mis en place dans chaque département. Il détaillera les mesures prises pour le repérage et le diagnostic des immeubles, l'organisation du dépistage, l'information du corps médical et des familles et les conditions de mobilisation des aides au logement pour la réhabilitation des immeubles. L'intoxication par le plomb va être intégrée dans les critères d'insalubrité de l'habitat afin de remédier à des situations dangereuses, sans attendre que des intoxications surviennent.
Injonction de travaux aux propriétaires
Des mesures d'urgence seront prises dès qu'un enfant sera intoxiqué ou qu'un immeuble présentera un risque. Elles iront jusqu'à une substitution de l'Etat aux propriétaires si ceux-ci refusent d'effectuer les travaux, étant entendu qu'il prendra ensuite les mesures idoines pour rentrer dans ses fonds. Ainsi, tout médecin constatant une contamination sera tenu d'informer la DDASS (Direction départementales des affaires sociales et sanitaires) qui, elle-même, saisira le préfet. Celui-ci pourra mandater un opérateur technique et social qui aura pour mission de réaliser un diagnostic, de préconiser les travaux à réaliser et d'en étudier le coût et la faisabilité. Il pourra aussi proposer aux propriétaires les aides auxquelles ils peuvent prétendre, contrôler les travaux ou assurer une maîtrise d'ouvrage déléguée pour le compte de l'Etat au cas où le propriétaire n'exécuterait pas ces travaux. Enfin, il aura mission de résoudre les problèmes d'hébergement des familles pendant la durée des travaux.
Dans un premier temps, le ministère du Logement estime à 450 par an le nombre de dossiers à traiter (un tiers à Paris ; un tiers en Ile-de-France et un tiers en province). Le coût global des travaux d'urgence serait de l'ordre de 30 000 francs par dossier, soit un dispositif total de 50 000 francs. 22,5 millions de francs sont donc prévus pour cette action. L'Anah va être appelée à majorer ses subventions pour réaliser ces travaux.
(1) Le L 17 permet, en cas d'épidémie ou de danger imminent, dans une situation d'urgence, d'ordonner des travaux immédiats. C'est l'Etat ou la collectivité qui avance les fonds. Le L 26 permet, en cas d'insalubrité, de saisir le préfet, de connaître l'avis du conseil départemental d'hygiène sur la réalité et les causes de l'insalubrité, ainsi que sur les mesures propres à y remédier .