Afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre, la prochaine réglementation environnementale (RE 2020) prendra en compte les émissions des matériaux pendant tout leur cycle de vie. Ce calcul carbone a été testé par une partie des professionnels pendant les années d'expérimentation de la méthode E+C-. Mais, en juillet dernier, les fédérations professionnelles du secteur de la construction (AIMCC, Capeb, FFB, FPI, Unsfa, Untec… ) ont eu la surprise de découvrir que la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) et la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) avaient changé la façon de mesurer les émissions : de statique, l'analyse du cycle de vie (ACV) est devenue dynamique.
Ce changement de méthode résulte d'un choix politique afin de favoriser les matériaux biosourcés
Qu'implique cette modification ? « Qu'on ne s'appuie plus sur la norme européenne qui définit l'ACV comme la somme des émissions produites au moment de la construction et celles émises ensuite pendant cinquante ans », résume Bruno Georges, directeur de l'innovation et du développement grands projets chez Oteis. Le législateur n'a pas opté non plus pour la norme ISO 14 067/2018 relative aux gaz à effet de serre, à l'empreinte carbone des produits et aux exigences pour la quantification.
Plus une émission a lieu tôt, plus son impact est fort. « Dans l'approche statique, le moment de l'émission de gaz à effet de serre n'est pas considéré. On part du principe que l'ensemble des émissions a lieu au moment de leur calcul », précise Julien Serri, délégué national aux affaires techniques du pôle habitat de la FFB. De même, une émission ou un stockage temporaires de CO2 n'a pas d'impact. A l'inverse, dans la méthode dynamique, plus une émission a lieu tôt, plus son impact est fort. « Et, modification supplémentaire, une émission ou un stockage temporaire, vont respectivement augmenter ou diminuer l'impact carbone », poursuit-il.
A la DHUP, Emmanuel Acchiardi, sous-directeur de la qualité et du développement durable dans la construction, justifie ce choix : « Passer d'un calcul statique à un calcul dynamique nous permet d'embarquer dans la RE 2020 l'article 178 de la loi Elan. » Ce texte stipule que les « émissions de gaz à effet de serre tout au long du cycle de vie doivent être prises en compte », ainsi que « les contributions [des produits et équipements de construction] au stockage du carbone de l'atmosphère pendant la durée de vie des bâtiments ». Ce changement de méthode résulte d'un choix politique afin de favoriser les matériaux biosourcés. Une décision qu'Emmanuel Acchiardi assume : « Ces produits bénéficiaient déjà d'un avantage dans le calcul statique. Il est simplement accentué avec la méthode dynamique. » A nouveau calcul, nouvelle date de mise en application, plaident les professionnels : « Il a déjà fallu huit ans à la filière pour monter en compétence sur les économies d'énergie avec la RT 2012, rappelle Damien Racle, président de Cinov Ingénierie. Et les résultats sont encore perfectibles. » Le calendrier actuel prévoit une publication du texte au premier trimestre 2021 pour une application à l'été de la même année. Un délai serré selon Emmanuel Acchiardi, qui, néanmoins, relativise : « Certes, l'expérimentation E+C- a permis de recenser un millier d'opérations à travers la France. Malgré tout, la grande majorité des professionnels n'ont pas encore travaillé sur l'analyse du cycle de vie, donc ce changement ne prêtera pas à conséquence pour eux. Aucun report n'est donc prévu. »