Que l’on se rassure, les tentatives de fraudes ne représentent qu’une part minoritaire des dossiers déposés pour MaPrimeRénov', de l’ordre de 5 % à 6 % selon l’Anah. Mais « les schémas de fraude sont complexes et fortement évolutifs », explique le ministère du logement. Le Moniteur décrypte comment les fraudeurs opèrent concrètement.
1 – Le recours à un complice
La fraude ces six derniers mois a beaucoup augmenté sur les cas de rénovations d’ampleur. Dans ce type d’opération, un tiers de confiance – appelé Mon Accompagnateur Rénov’ ou « MAR » – doit effectuer a minima deux inspections au domicile. La première en amont des travaux pour s’assurer que l’audit énergétique ait bien été réalisé et un deuxième à la fin des travaux pour vérifier les travaux.
Si ce MAR est complice de l’entreprise de travaux par exemple via une rémunération occulte, la fraude peut alors s’organiser.
« L’audit peut être arrangé avec une étiquette du logement volontairement très basse, F ou G, et qui se traduit par une surfacturation, explique l’Anah. Le programme des travaux est particulièrement efficace ce qui permet de maximiser les aides. »
Heureusement, les cas de fraudes peuvent être facilement détectés. Sur 1 400 accompagnateurs rénov, 106 structures ont été suspectées, mais malgré leur petit nombre, leurs actions sont prolifiques : 16 000 dossiers suspectés ont été identifiés en 2025 (l’argent de l’Etat n’a donc pas été décaissé). Le nombre de dossiers frauduleux avec de l’argent décaissé devrait être publié prochainement.
2 – L’usurpation d’identité
Une entreprise fraudeuse trouve deux cibles dans l’usurpation d’identité : les entreprises de rénovation et les ménages. Du côté des entreprises, l’usurpation d’identité sert à utiliser la renommée, la possession d’un label RGE pour pouvoir déposer des dossiers. Regarder la localisation de l’entreprise par rapport à son client peut être un indice pour repérer ces profils falsifiés. « Les entreprises de rénovation opèrent localement, poursuit l’Anah. Si une entreprise se situe à des centaines de kilomètres de son client, cela peut être typiquement suspect. »
Du côté des ménages, l’usurpation d’identité suit la même logique afin de déposer des dossiers en leurs noms pour des travaux qui n’ont jamais lieu avec des devis générés par des acteurs complices. L’argent est réceptionné par des RIB frauduleux. Les fraudeurs créent des simulateurs en ligne où les particuliers sont invités à donner toutes leurs données personnelles, y compris un numéro d’avis fiscal. « Un simulateur légal d’une entreprise ne demandera jamais l’identifiant fiscal », prévient l’Anah. Ce type de fraude a été notamment observé sur la rénovation par geste.
3 – Des devis non respectés
Contrairement à la rénovation d’ampleur, les monogestes ne nécessitent pas l’intervention d’un tiers MAR pour vérifier la bonne réalisation des travaux. Certaines entreprises peu scrupuleuses sont donc tentées de facturer par exemple une pompe à chaleur haut de gamme et d’en installer une bien moins chère. « Ces acteurs sont très bien décelés car environ 10 % à 15 % des chantiers MaPrimeRénov’ font l’objet d’un contrôle sur place et on vérifie bien que le matériel facturé corresponde au matériel installé », rassure l’Anah. Il convient toutefois de recommander au propriétaire lui-même de bien vérifier le matériel installé.
4 – Le démarchage commercial trompeur
Les ménages peuvent se voir proposer, par téléphone, des offres alléchantes mais… erronées. Cela peut consister à surestimer les économies d’énergies réalisées voire même proposer des financements à taux zéro alors que dans les faits, le contrat engage ensuite le client à des prêts à 5 % ou 6 % avec des banques. « Ce démarchage très agressif est réalisé par des régies qui travaillent pour le compte d’entreprises de rénovation et peuvent parfois utiliser tous les moyens possibles pour ramener des clients, explique Frédéric Utzmann, dirigeant de Effy. C’est le schéma le plus classique que l’on retrouve dans tous les dispositifs de rénovation en vente à domicile. »
5 – Les mandataires voleurs de prime
Les particuliers peuvent avoir recours à un mandataire qui se charge légalement d’instruire le dossier (MaPrimeRénov’, CEE ou même Action Logement) auprès des organismes. Ce dans le but de faciliter les démarches du particulier. Les mandataires peuvent proposer d’avancer les fonds et de percevoir la subvention à la place du particulier, puis disparaitre.
Ces mandataires peuvent se faire passer pour des entreprises de travaux qui proposent de s’occuper de tout à la place du particulier. « Le mandatement est un dispositif de droit commun, mais il nous semblerait important d’encadrer beaucoup plus ce dispositif pour le monde de la rénovation énergétique, observe Frédéric Utzmann. N’importe qui peut être mandaté et peut-être qu’il faudrait un référencement ou un mécanisme plus resserré. »