Fragments de clivage : ce n'est pas de l'amiante, mais c'est peut-être aussi dangereux

L'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) vient de rendre son rapport attendu sur la question de la nocivité des fibres d'actinolite non amiantifère.

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L'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) vient de rendre son rapport attendu sur la question de la nocivité des fibres d'actinolite non amiantifère.

C'est en 2014 que certaines collectivités locales ont tiré la sonnette d'alarme : un "nouveau" type d'amiante, l'amiante-actinolite, était découvert dans certains granulats d'enrobés routiers. Jusqu'ici seul le chrysotile, un autre type d'amiante, ajouté intentionnellement pendant des années par les fabricants d'enrobés du fait de ses propriétés physiques, était recherché dans les enrobés routiers.

Pour traiter le problème de l'exposition des salariés aux poussières d'amiante-actinolite, l'application de la réglementation "amiante" suffit. Mais il y a un hic : certains matériaux qui ne sont pas de l'amiante, une fois soumis à une contrainte mécanique, peuvent diffuser des particules appelées "fragments de clivage". Or ces particules, note l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), "peuvent parfois être comptabilisées, du fait notamment de leurs caractéristiques dimensionnelles, comme des fibres d'amiante".

L'Anses avait donc été saisie pour notamment répondre à une question d'importance pour les acteurs des TP : quelle est la nocivité réelle de ces fragments de clivage, notamment les fibres d'actinolite non amiantifère ? Avec, en ligne de mire, un possible durcissement de la réglementation.

Des particules qui ne sont pas de l'amiante, mais qui sont peut-être aussi dangereuses

L'Anses a conclu qu'il n'existait aucune preuve formelle de la nocivité de ces fragments de clivage ; pour autant, les études épidémiologiques disponibles aujourd'hui "ne permettent pas d'exclure un risque pour la santé lié à l'exposition aux fragments de clivage".

Dans le doute, l'Anses invite donc à ne pas faire de différence, en termes de prévention des risques, entre les fragments de clivage non-amiantifères mais ayant certaines dispositions physiques (un rapport d'allongement* supérieur à 3) et leurs homologues amiantifères. Autrement dit, il faut partir du principe que certaines fibres d'actinolite non-amiantifère sont potentiellement aussi dangereuses que des fibres d'actinolite-amiante. Pour faciliter les discussions, l'Anses parle de "Particule minérale allongée" (PMA) pour décrire ces particules minérales potentiellement toxiques d'un rapport d'allongement supérieur à 3 - l'important n'est donc plus, pour le moment, de savoir si ces fibres sont amiantifères ou non.

Les conclusions de l'Anses, saisie de la question par différents ministères, n'impliquent pas de changement immédiat de la réglementation. Cependant, ses avis sont généralement très suivis et fournissent bien souvent une base solide aux nouveaux textes en matière de sécurité au travail.

L'Union des syndicats de l'industrie routière se dit "sereine"

L'Union des syndicats de l'industrie routière française (Usirf) s'est dite "sereine" par rapport à ces conclusions de l'Anses. "L'agence invite à poursuivre les travaux de recherche sur le sujet et à renforcer les moyens de protection, explique Jean-Baptiste de Prémare, son délégué général. Nous avions déjà anticipé en liaison avec les acteurs de la santé au travail sur nos chantiers ce risque potentiel, et nous le gérons avec la même exigence que les autres risques professionnels liés à des émissions de poussières."

L'Usirf mène depuis 2012 une campagne de mesures de l'empoussièrement sur les différentes phases de ses chantiers (rabotage, sciage, carottage...). "Notre priorité, c'est la prévention, nous devons donc nous assurer, en collaboration avec les pouvoirs publics, que nos processus garantissent des niveaux d'empoussièrement faibles pour nos salariés. Les premiers résultats de notre campagne de mesures d’exposition, rassurants, vont dans ce sens", observe Jean-Baptiste de Prémare. Publiés en décembre, et validés par l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS), ces résultats indiquent effectivement que sur un chantier de fraisage routier l’empoussièrement en amiante est inférieur à 10 f/L (la valeur-limite d'exposition professionnelle à l'amiante) et dans la majorité des cas inférieur à 5 f/L.

Ce rapport de l'Anses devrait nourrir la réforme en cours de la réglementation amiante, comme l'a précisé le 15 décembre Sylvie Lesterpt, la responsable amiante de la Direction générale du travail. "Nous sommes à la disposition des pouvoirs publics pour participer à ce travail réglementaire, assure Jean-Baptiste de Prémare. De la même manière que notre profession a participé à la rédaction de guides d’application de la réglementation de 2012 sur l'amiante."

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