Face aux fraudeurs (5/7) : réformer (efficacement) le RGE

La réforme du RGE n'a pas eu les effets attendus. Des pistes pour une nouvelle version plus efficace dans la lutte contre les fraudeurs.

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C’est un pansement sur une jambe de bois. La réforme du RGE lancée en 2019 et effective depuis 2020, avait été présentée comme un outil de lutte contre les éco-délinquants du bâtiment. Deux ans après son entrée en vigueur, force est de constater que les effets escomptés ne se sont pas produits. Pire. « On emmerde les entreprises du bâtiments qui travaillent dans les règles de l’art, sans perturber les professionnels de l’arnaque », juge un professionnel du secteur.

Rappelons que selon Qualibat, 83% des contrôles RGE reviennent sans écart aux règles de l’art. 4% reviennent avec des écarts majeurs seulement, 4 autres pourcent avec des écarts majeurs et mineurs. Le solde ne concerne que des écarts mineurs.

Gentil n’a qu’un œil

S’il fallait encore une fois réformer le RGE, qualification qui conditionne l’octroi des aides financières, il faudrait s’attaquer à l’esprit de la qualification.

Actuellement, celle-ci est basée sur une démarche volontaire. « A partir du moment où l’entrée dans le régime repose sur du déclaratif, il faut que l’organisme de qualification puisse avoir le dernier mot, estime Eric Jost, directeur général de Qualibat. Si l’on entre dans le dispositif par la confiance et que le tribunal arbitre en faisant ce qu’il estime être juste – et c’est bien normal – mais en cassant nos décisions, il faut que le système ne soit plus déclaratif mais basé sur des données fiables et vérifiables, car nous n’avons pas la prérogative d’investigation. »

Les décisions du tribunal administratif ne vont pas toujours dans le sens de l’organisme qualificateur qui demande le retrait illico presto du RGE dès lors que des cas de non conformités sont constatés. « Prenons l’exemple de Futura Internationale (placée en liquidation judiciaire en septembre 2021) qui à l’époque a pu réaliser jusqu’à 20 M€ de CA en employant 150 personnes, se rappelle Eric Jost. Suite à la condamnation de la CNIL pour non-respect des règles RGPD (500 000€ d’amendes, NDLR), nous avons audité des chantiers afin de pouvoir lui retirer ses qualifications RGE. Mais suite à une saisine en référé liberté devant le tribunal administratif de Melun, le juge nous a demandé de lui réattribuer sa qualification. Le juge n’applique pas les textes réglementaires qui nous autorisent à retirer le RGE dès l’instant où une seule non-conformité a été observée. Il applique le droit dans toute sa largesse et protège les entreprises contre les atteintes à leur liberté d’entreprendre… ce qui nous  limite dans notre capacité à retirer le RGE. »

Ce qui fait formuler à Eric Jost une autre proposition : « séparer le lien entre RGE et CEE. Un entreprise qui réalise 20M€ de chiffres d’affaires grâce aux offres à 1€ ne réalise pas 20 millions de travaux ! Nous demandons donc à ce qu’une entreprise qui réalise son chiffre d’affaires grâce au négoce de CEE ne puisse pas accéder au RGE, ni réaliser de travaux. »

Complément d’enquête…

Résultat : pour retirer le RGE, il faut (sur)investiguer. « Nos équipes travaillent avec une grille de scoring permettant de détecter les cas douteux et d’investiguer, Gérard Senior, président de Qualibat. Nous demandons, par exemple, l’attestation de la caisse congés payés du bâtiment pour connaître le nombre de salariés, leurs liasses fiscales… Mais même avec ces données-là, nous sommes franchement démunis. Pour retirer le RGE de certaines entreprises, nous détenons jusqu’à 7 audits avec des non-conformités afin de montrer au juge l’incompétence de l’entreprise et motiver le retrait du RGE. Je rappelle qu’une seule non-conformité suffit à retirer le RGE en théorie… Cela peut prendre jusqu’à 18 mois ! Sur une quinzaine de décisions de retrait, le juge nous a demandé de redonner le RGE dans quatre dossiers, parce que nous n’étions pas allés assez loin dans toutes les précautions à prendre. »

Qualibat se montre par ailleurs de plus en plus restrictif à l’entrée. « Il est beaucoup plus facile de ne pas laisser une entreprise suspecte que de chercher à la faire sortir du dispositif », précise Eric Jost. Ce dernier observe la hausse des demandes de qualification RGE Etudes, permettant de réaliser entre autre, des audits énergétiques. Rappelons que la réalisation d’un audit énergétique sera obligatoire à partir du 1er avril prochain pour mettre en vente une passoire énergétique (maison ou immeuble étiqueté F ou G).

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