Export : Roto part en guerre contre Velux

Le fabricant allemand de fenêtres de toit ne réalise que 32% de ses ventes hors de son marché domestique, barré par son hégémonique concurrent danois. Mais le groupe, fondé en 1935, est décidé à rattraper son retard.

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Fenêtres de toit Roto

Roto fait partie de ces entreprises qui font rêver Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif français, tant elle constitue une espèce rare en France. "Entreprise de Taille Intermédiaire" (ETI) à capital familial, innovante depuis ses origines – elle a fait breveter le système d’ouverture oscillo-battant à sa création en 1935, a inventé la première fenêtre de toit par projection en 1968 et a réalisé la première basse énergie à ouverture projetante et pivotante en 2001 –, Roto a enregistré un chiffre d’affaires 2011 en progression de 2,4%, à 656 millions d’euros, et emploie 4 100 personnes. Leader mondial du marché de la ferrure et référence du haut de gamme en Allemagne sur le segment de la fenêtre de toit, cette société, qui a reçu le trophée de la "Meilleure usine d’Allemagne" en 2010 pour son unité de production de Bad Mergentheim (fenêtres de toit en PVC et escaliers escamotables), réalise 90% de sa production en Allemagne (les fenêtres de toit en bois sont fabriquées en Pologne).

Malgré cette belle aventure industrielle, Roto a un caillou dans sa chaussure qui lui empoisonne la vie depuis plus de soixante ans : Velux. Né en 1941, le géant danois (chiffre d’affaires 2011 : 2,4 milliards d’euros) est sans conteste le leader mondial de la fenêtre de toit, au point que le nom de l’entreprise est passé dans le langage courant pour la désigner. Conséquence : Roto a toujours vu son désir d’expansion à l’international contrarié par l’hégémonique firme scandinave, présente dans 40 pays à travers le monde et qui compte des usines dans 11 d’entre eux. Roto, pour sa part, ne réalise que 32% de ses ventes hors d’Allemagne pour sa division "Fenêtres de toits" (70 millions d’euros sur 220 au total), n’est présent qu’en Europe (4 zones : Allemagne, Europe de l’Ouest, du Sud-Est, Centrale et de l’Est, Russie incluse) et ne compte qu’une seule à l’étranger, en Pologne (à Lubartow).

Priorité à la France et au Royaume-Uni

Un pays cristallise l’irritation passée et l’ambition actuelle de Roto : la France, premier marché européen pour la fenêtre de toit (800 000 unités vendues par an) après l’Allemagne (950 000), mais devant le Royaume-Uni (600 000). Dans les années 2000, Roto avait tenté de pénétrer le marché hexagonal, mais le choix de son distributeur, l’industriel Siplast, s’était révélé être rétrospectivement une erreur, car son réseau de distribution était avant tout dirigé vers les toits plats. « De surcroit, Roto était à l’époque persuadé que le label "qualité allemande" suffirait à obtenir les mêmes performances en France qu’en Allemagne. Nous n’avions pas compris qu’il fallait aussi se soucier de la manière dont on installe le produit, dont on le vend, comment on communique dessus… », indique Jean-Paul Gaspard, directeur commercial de Roto France depuis 2007 et qui a mis en place la nouvelle stratégie. « Nous avons désormais notre propre force de vente, un service commercial, marketing. Nous avons également changé notre positionnement : nous ne sommes pas forcément moins chers, mais nous sommes différents, avec certains produits qui sont inconnus en France. » Pour Céline Ducher, responsable marketing Europe de l’Ouest, l’un des aspects centraux de la communication réside dans un invariant des produits Roto : une poignée de rotation située dans la partie basse de la fenêtre, alors que Velux a fait le choix d’une barre de manœuvre en partie haute. « Ce positionnement permet une ouverture plus confortable, que cela soit avec la Designo R8 qui possède une ouverture à  45° ou la Designo R7 à 38°. Certes, Velux fait également des fenêtres avec poignée en bas, mais elles sont 150 euros plus cher que notre entrée de gamme », assure Celine Ducher (1). Roto choisit également d’adapter ses produits au marché local. Ainsi, en France, elle vient de lancer  un produit spécial pour la RT2012, la Designo R7 WTL WD, semi-encastrée avec bloc isolant, qui affiche un coefficient d’isolation thermique Uw de 1,3 W/m²K. « Grâce à cette politique, nous progressons de 20% par an en France », assure Jean-Paul Gaspard.

Fort de ce succès, Roto essaye d’appliquer à l’Europe la méthode française, avec notamment des services commerciaux au Benelux, en Europe de l’Est et au Royaume-Uni. « Nous avons lancé notre propre force de vente en 2008. C’est un pays différent de la France, où il faut être plus agressif sur les prix et où la prescription par les architectes est plus importante, car ils exercent un contrôle sur les bâtiments », estime Thomas Dittmayer, directeur général Europe de l’Ouest de Roto. « De plus, il faut prévoir des modèles patrimoine comportant une partie métallique au centre, car les Anglais sont très attachés à cet élément architectural. » La Russie, où Roto n’est présent qu’à travers un distributeur, constitue un territoire d’expansion difficile. « C’est un marché émergent, mais fluctuant, qui se concentre sur Moscou. Le problème est qu’il faut trois heures pour accéder à cette ville et trois autres pour en sortir. » Malgré la crise qui secoue l’Europe, Roto cantonne pour l’instant son désir d’expansion internationale à l’Europe. « Le bilan 2012 sera très hétérogène selon les pays et nous avons conscience que le marché est difficile. Malgré cela, notre chiffre d’affaires progresse, notamment grâce à notre capacité d’innovation. Nous n’envisageons pas dans l’immédiat de nous développer hors d’Europe », indique M. Dittmayer. « En tout cas, l’avenir de l’Europe se situe davantage dans la rénovation que dans le bâtiment neuf.» À l’avenir, Roto souhaite voir la part à l'international de ses ventes progresser de 35 à 40 %.

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