A réfléchir à la durabilité de ses bâtiments, la mairie de Paris n'a pas fait dans le détail. Elle a entrepris de se poser toutes les questions d'un coup et de les traiter sur le chantier de l'extension du groupe scolaire Ivry-Levassor, au sud du XIIIe arrondissement. Ces 228 m² SP qui devaient être achevés fin septembre constituent un catalogue assez complet de techniques d'écoconstruction et de dispositifs performants en matière énergétique. Ce test à l'échelle 1 a été mené en maîtrise d'œuvre interne par le programme de recherche et développement « Passerelle transition écologique », créé en 2017 à la direction des constructions publiques et l'architecture (DCPA) de la Ville.

Contraintes maximums. « Notre volonté était de vérifier ce qu'il était possible d'accomplir pour construire autrement, explique la directrice du programme, l'architecte Nathalie Chazalette. Pour cela, nous avons choisi un sujet présentant le maximum de contraintes. » Avec deux écoles élémentaires et une maternelle qui accueillent quelque 700 élèves, le groupe scolaire est en effet un ERP de 2e catégorie.

Dans la petite extension, édifiée en un an dans une ancienne cour de service du groupe scolaire, chaque cm² a été réfléchi, depuis les fondations en pieux métalliques vissés dont l'impact sur le sol est réduit, jusqu'aux panneaux aérovoltaïques du toit qui, hormis leur fonction de production d'énergie, participent à la régulation thermique de l'air intérieur.
Toutes les cases semblent avoir été cochées. Le biosourcé ? Les murs sont en caissons de bois avec une isolation en paille. Les filières locales ? Un mur en briques et des enduits ont été fabriqués à partir de 8 m3 de terre récupérée sur le chantier du Grand Paris Express. Le réemploi ? L'escalier qui mène au premier étage est fait à partir de portes récupérées auprès du bailleur Paris Habitat. Et la liste est encore longue.

Petit exploit. « Nous avons inventé peu de choses, mais nous avons ici mis en œuvre des solutions qu'il nous fallait tester, expliquent Nathalie Chazalette et sa consœur, la cheffe de projet Delphine Paillard. Nous étions ravies par les résultats concluants. Et quand nous n'arrivions pas à nos fins, au moins avions nous essayé. » Car il y a eu quelques déconvenues, comme l'impossibilité, à ce jour, de faire accepter le réemploi de verres feuilletés. De même, le bardage de façade en mélèze s'est avéré complexe à réaliser. Pour assurer la sécurité incendie d'un édifice dont la structure et l'isolation sont biosourcés, il fallait obligatoirement une essence dense et résistante… qui n'a pu être trouvée qu'en Sibérie. La construction d'allure modeste fait donc figure de petit exploit, mais ce n'est pas une fin en soi. « Le travail a aussi porté sur la meilleure connaissance du marché économique autour des techniques d'écoconstruction. Nous avons pu échanger avec les entreprises et le monde du bâtiment sur les freins qui restent à lever », souligne Nathalie Chazalette.

L'extension va de plus rester sous surveillance, grâce à des capteurs qui mesureront la température et l'hygrométrie pendant trois ans. Enfin les techniques qui y ont été éprouvées, conformes à la réglementation, peuvent être reproduites dès à présent. « Ce chantier ne sera pas le dernier, confirme Jacques Baudrier, l'adjoint à la maire de Paris, chargé notamment de la construction publique et de la transition écologique du bâti. Je compte promouvoir des solutions comme celle des pieux métalliques vissés, qui sont de nature à être systématisées. »
