Le chantier était porté par le bailleur social Batigère, qui avait obtenu des permis de construire pour la réalisation de trois bâtiments (60 logements locatifs sociaux et 18 logements en accession sociale à la propriété) à Villers-les-Nancy, dans la banlieue nancéienne. En novembre 2018, le préfet a adopté deux arrêtés portant dérogation à l'interdiction de porter atteinte aux espèces protégées et à leurs habitats. Cette dérogation permettait au porteur de projet notamment de capturer temporairement et d'abattre des salamandres tachetées, inscrites sur la liste rouge des amphibiens de France métropolitaine.
Ces arrêtés ont été contestés en justice par 60 riverains et une association, "La salamandre de l'Asnée", qui ont eu gain de cause devant la justice administrative : le tribunal administratif de Nancy avait annulé les deux arrêtés en octobre 2020. Puis la cour administrative d'appel (CAA) ce 28 septembre 2023.
Absence de raison impérative d'intérêt public majeur
La CAA a indiqué dans un communiqué que "si le projet de Batigère présente un intérêt public, il ne répond toutefois pas à une raison impérative d'intérêt public majeur suffisante pour justifier" une dérogation. Ce projet privé, même s’il participe à des objectifs d’intérêt public d’aménagement durable et de politique du logement social, n’était pas nécessaire pour les atteindre, "dès lors que la commune satisfait [...] aux exigences de la loi SRU", expliquent les juges. En outre, le porteur de projet ne prouve pas l'existence d'une éventuelle "situation de tension particulière en matière de logement social en raison d’une hausse démographique prévisible et d’un besoin non satisfait" dans la métropole nancéienne.
Enfin, le bailleur ne prouve pas que sans ce projet, les objectifs ne pourraient être atteints qu’au détriment des terres agricoles environnantes. La CAA souligne d'ailleurs que d'autres sites permettraient d'implanter un projet similaire "dans le respect de la législation sur les espèces protégées".
"Nous souhaitons conserver notre environnement le plus longtemps possible, même si c'est compliqué parce que des projets de toute nature n'arrêtent pas de fleurir. A partir du moment où on respecte les lois, on n'a rien à dire, mais là ce n'était pas le cas", a déclaré à l'AFP Christian Friedrich, président de l'association "La salamandre de l'Asnée".
Le groupe Batigère dispose de deux mois pour effectuer un recours en cassation devant le Conseil d'Etat. Sollicité, le groupe n'a pas répondu dans l'immédiat.
CAA Nancy, 28 septembre 2023, n° 20NC03693