Après une suspension partielle en référé en novembre dernier, les juges ont rendu leur décision sur le fond le 24 juillet 2025. Compte tenu du « nombre et de la portée des vices retenus », le tribunal administratif de Strasbourg a annulé « dans sa totalité » le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) de la métropole messine.
Principe d’équilibre bafoué
Le jugement - de 34 pages - fait état d’une méconnaissance du principe « d’équilibre » visé à l’article L. 101-2 du Code de l’urbanisme. Ce principe consiste à concilier plusieurs objectifs d’urbanisme, dont l’équilibre des populations résidant dans les zones urbaines et rurales, le développement économique, l’utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection de l’environnement.
Nombreuses illégalités
Entre autres illégalités affectant le dossier du PLUi, les juges strasbourgeois relèvent une « insuffisance de l’évaluation des enjeux environnementaux et de la protection des milieux naturels », une « insuffisance substantielle » concernant la vacance immobilière et la requalification des friches, ou encore une « insuffisance dans la méthodologie retenue par Metz Métropole pour déterminer les futures zones à urbaniser en raison notamment d’une mauvaise évaluation de la consommation foncière, qui ne répond pas à l’objectif de lutte contre l’artificialisation des sols ».
Une estimation de la consommation foncière « la plus sincère possible »
Sur ce point, les requérants soutenaient que « l’analyse de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) présentée pour la période de dix ans précédant l’approbation du PLUi reposait sur des données significativement surévaluées. »
S’appuyant sur l’article L. 104-5 du Code de l’urbanisme relatif au rapport de présentation, le tribunal rappelle tout d’abord que la détermination de la consommation d’Enaf au cours des dix années précédant l’approbation d’un PLUi «doit être la plus sincère possible. L’utilisation d’une méthode d’extrapolation statistique sur une partie de la période de référence en vue de réaliser le diagnostic de la consommation d’espaces n’est ainsi régulière que dans la mesure où d’autres éléments plus récents, disponibles avant l’approbation du PLUi, n’infirment pas la pertinence du diagnostic ainsi établi. »
Il relève que « 618 hectares, ou 655 hectares selon les passages du document, ont été artificialisés sur la période 2013-2022, soit les dix années pleines qui précédent l’arrêt de projet du PLUi ». Aussi, pour respecter le plafond de 50 % fixé par le Scot de la métropole et avec lequel le PLUi doit être compatible, 309 à 327 hectares pouvaient être ouverts à l’urbanisation. Or, le PLUi entend procéder à des extensions urbaines à hauteur de 330 hectares.
Le portail de l’artificialisation, la « base de données de référence »
La métropole indique s’être basée à la fois sur les données du portail de l’artificialisation des sols et sur celles de la base OCS de la région Grand Est, ces dernières permettant « une analyse plus fine du territoire à l’aide de photographies satellites », justifie-t-elle.
Le tribunal s’appuie lui sur le portail de l’artificialisation des sols de l’Etat, « qui constitue la base de données de référence au titre de l’article R. 101-2 du Code de l'urbanisme ». Ce portail, dont les données étaient disponibles avant l’approbation du PLUi, « évaluait la consommation foncière sur la période de référence à 336,9 hectares sur le territoire concerné » et autorisait donc « le PLUi à ouvrir près de 170 hectares à l’urbanisation, soit environ la moitié » de ce qu’il prévoit.
« Ecart significatif »
Pour les juges, la métropole n’apporte « aucun élément de nature à éclairer la méthodologie qu’elle dit avoir retenue ni aucun élément probant au soutien de son estimation ». Ainsi, « eu égard à l’écart significatif » – qui avait suscité des interrogations de l’Autorité environnementale et de la commission d’enquête – entre le chiffre pris en compte par la métropole et celui du site officiel, cette dernière ne saurait arguer que la consommation d’Enaf passée retenue par le PLUi reflète la consommation réelle durant les dix dernières années précédant l’approbation du plan.
Les premiers enseignements
Cette décision – qui peut être contestée devant la cour administrative d’appel de Nancy dans les deux mois – doit inviter les auteurs des documents d’urbanisme à :
- comparer les données disponibles localement avec celles du portail de l’artificialisation, « en évitant de passer cette question méthodologique sous silence,
- expliquer, dans leur rapport de présentation, la méthodologie retenue si elle devait être différente de celle de l’observatoire national, en démontrant son caractère sincère,
- éviter absolument de présenter une consommation d’Enaf radicalement différente ou incohérente de celle qui est issue des données de l’observatoire national », recommande sur son blog l’avocat et enseignant en droit de l’environnement et en droit de l’action foncière, François Benech (cabinet Cesarus).
TA Strasbourg, 24 juillet 2025, n°s 2404936, 2405457