Dernière des majors du BTP à présenter ses résultats annuels, Eiffage a, à son tour, confirmé l’impact de la pandémie mondiale sur son activité en 2020.
Avec un chiffre d’affaires en baisse de 10% (à 16,3 milliards d’euros), un résultat opérationnel courant de -37% et un résultat net part du groupe de -48%, le choc a été, comme pour Vinci et Bouygues, très violent. Et si l’horizon reste incertain, le groupe ne se porte pas si mal, loin de là.
En effet, le groupe a réussi à redémarrer rapidement après la catastrophe du premier semestre, ce qui en dit long sur sa capacité de rebond.
« Souvenez-vous… Au mois d’août nous avions vécu deux mois d’arrêt en France, un mois à l’international, notre résultat net était de -8 millions d’euros », rappelle Benoit de Ruffray, le PDG d’Eiffage.
La branche Travaux (la plus importante du groupe en chiffre d’affaires, puisqu’elle représente 82% de son chiffre d’affaires total), en particulier, termine l’année quasiment au même niveau que 2019 : « Nous considérons que, pour l’ensemble de l’année 2020, l’impact de la pandémie se limite à celui déjà̀ indiqué au premier semestre, soit 1,4 milliard d’euros », a assuré Benoit de Ruffray.
La trésorerie du groupe, elle, a pu être maintenue à un niveau élevé (1,1 milliard d’euros), et la stratégie de désendettement s’est poursuivie (-330 millions d’euros).
Solides carnets de commande
Surtout, le carnet de commande reste très solide : il s’élève désormais à 16 milliards d’euros, et représente un peu plus d’un an de travaux.
On y trouve les contrats qui n’ont pas pu être remplis au premier semestre et ont donc dû être reportés (ce qui représente environ 1,5 milliards d’euros), mais aussi l’obtention de plusieurs chantiers majeurs : Grand Paris Express, construction et concession de l’A79 (dans l’Allier), rénovation du siège social de Peugeot, avenue de la Grande Armée à Paris, la conception, construction et maintenance de l’hôpital Paris-Saclay ou encore la concession du futur stade nautique de Bordeaux-Mérignac. « Ce sont ces contrats qui nous donnent de la visibilité et de l’assise, nous avons la certitude qu’ils se feront », explique Benoit de Ruffray.
En revanche – et c’est là que le bât blesse -, le groupe n’a pas la main sur ce qu’il appelle « les activités de fonds de commerce », qui constituent le plus gros de son activité : tous les contrats de service de proximité, petits en valeur et en volume, mais extrêmement nombreux (au sein d’une commune, il peut s’agir de la réfection d’un bout de route, de la maintenance d’un bâtiment… avec des appels d’offre rapidement lancés, gagnés et effectués dans la foulée).
« Les fonds de commerce sont tendus, en France, en particulier à cause d’une année électorale plus longue que d’habitude, soupire Benoit de Ruffray, Nous sommes vigilants, car cela rend moins facile le renouvellement de l’activité ». Mais là encore, le PDG voit le verre à moitié plein : « dans les municipalités où il y a eu alternance politique, les priorités seront différentes, les choix aussi, mais l’aménagement du territoire se fera toujours, et, dans les collectivités à tendance écologistes, nous n’avons jamais construit autant de pistes cyclables… Il y a de l’activité ».
Le problème des concessions
L’activité concession reste, elle aussi, très problématique : son chiffre d’affaires n’est en baisse « que » de 12,7%, mais la visibilité est complètement nulle, puisque personne ne sait quand le trafic aérien reprendra, ni quand les stades rouvriront leurs portes au public.
Quant au trafic autoroutier, s’il a - presque – rattrapé son niveau d’avant-crise l’été dernier pendant les vacances, il a plongé au printemps et à l’automne. Il pourrait de nouveau ralentir si la France reconfine dans les prochains jours...
Au final, en 2020, les trafics sont en baisse de 21,0 % chez APRR (autoroute Rhin Rhône), de 23,9 % sur le viaduc de Millau, de 22,0 % sur l’A65 et de 67,3 % sur les aéroports (Lille et Toulouse). « Les trafics autoroutiers et aéroportuaires ont continué à être fortement impactés par la Covid-19 au second semestre du fait du retour de mesures restrictives de déplacement en France, comme dans les pays voisins ».
Le Groupe considère que la baisse des trafics et du chiffre d’affaires est intégralement due à la pandémie, soit un impact global sur l’année 2020 de - 620 millions d’euros, dont - 190 millions d’euros sur le deuxième semestre.
Là encore, Benoit de Ruffray se veut optimiste, avec quelques raisons de l’être : « Nous sommes plus que jamais présents dans les territoires : le meilleur atout, c’est d’y être implantés dans les métiers de travaux, et, ensuite, d’y gagner les concessions en énergie, pour les autoroutes et les aéroports, affirme le quinquagénaire. Vous savez, au board de l’aéroport de Lille, il y a toutes les collectivités territoriales, avec lesquelles nous interagissons tous les jours, nous sommes proches d’elles. Et nous sommes convaincus que, sur le long terme, l’aéroport restera une plateforme de développement régionale ».
Après une pause, le PDG reste ferme : « notre stratégie, c’est d’être organisé non pas activité, mais par territoire. Elle reste pertinente ».