Quelque 400 signalements en 2022, déjà 300 en 2023. A Lille, le service communal d’hygiène et de santé ne chôme pas.
Depuis la tragédie du 12 novembre 2022 et l’effondrement de deux immeubles au cœur de la capitale des Flandres ayant conduit au décès d’une personne, « le service a triplé sa charge de travail », constate Arnaud Deslandes.
Ce vendredi 10 novembre, lors d’un bilan de l’action menée par la municipalité, le premier adjoint a dressé un état des lieux de la situation.

Lille, pilote pour une future expérimentation
Afin de garder un œil sur les futures transactions, Martine Aubry, maire de Lille, vient de proposer à Patrice Vergriete, ministre du Logement, que Lille soit ville pilote d’une expérimentation.
Lors de la revente d’immeubles datant des XVIIe et XVIIIe siècles, il s’agirait d’imposer un diagnostic de l’état structurel des bâtiments. Un certificat de validité de dix ans serait alors établi. En cas de désordres graves, notamment à la suite d’interventions qui auraient modifié la physionomie du bâti, la ville aurait la faculté de prendre des mesures d‘urgence et de suspendre la vente.
Mesure que salue Jean-Yves Méreau, président de l’association Renaissance du Lille ancien : «Tout ce qui contribue à assainir ne peut être que bienvenu. Mais en amont, il faut être plus vigilant sur la délivrance des permis de construire et obliger le rétablissement des murs porteurs », préconise-t-il.
Les retours d’expériences à Lille, territoire pilote, pourraient ainsi essaimer dans d’autres villes, comme Bordeaux touchée par de nombreuses divisions de ses immeubles anciens. « Ce dispositif n’existe pas en France mais il est déjà déployé en Espagne et au Canada », explique Arnaud Deslandes.
Expertises et déblaiements encore en cours
Si rue Mauroy les immeubles attenants à ceux effondrés sont aujourd’hui étayés, un, sis dans la rue Saint-Nicolas et perpendiculaire, reste dans l’attente des résultats d’investigations. En front de la rue sinistrée, des palissades de chantier au visuel travaillé protègent les lieux du drame où des travaux de déblaiement en fond de parcelle restent à mener.
Depuis ce 12 novembre 2022, la ville a avancé 2 millions d’euros pour la sécurisation et les étaiements. Elle gère aussi en continu les signalements de fissures et autres désordres sur le bâti lillois qui inquiètent la population. « Aujourd’hui, 10 arrêtés d’évacuation concernant 12 immeubles, soit 57 logements et quatre commerces, sont en vigueur », détaille Arnaud Deslandes. S’ils touchent tous les quartiers de la ville, ils sont surtout visibles dans le quartier ancien du vieux Lille où trois immeubles de la rue de la Monnaie sont largement étayés. Globalement, « nous sommes face à des défauts d’entretien avec des problèmes dans les caves ».
L’élu pointant même du doigt « des machines à cash » et des négligences de la part des propriétaires loueurs ayant parfois divisé à outrance ce bâti ancien. Bon nombre de problèmes structurels résultent de transformations pas toujours réalisées dans les règles de l’art. Comme le rappelle Jean-Yves Méreau, président de l’association Renaissance du Lille ancien. « Pour créer de larges commerces avec de grandes vitrines, on n’a cru qu’il suffisait de mettre des poutres pour remplacer les murs porteurs ! Or il faut respecter la structure de ce bâti ancien conçu avec des murs porteurs pour assurer les ports de charges ».
Le CSTB hors-jeu
Un temps pressenti pour une mission d’études pour rechercher la cause de l’effondrement, la proposition du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) a finalement été éconduite par la municipalité lilloise. « Il nous a fait une proposition d’expertise payante. Compte tenu de la pertinence du rapport rendu directement à la suite des événements, nous n’avons pas donné suite », détaille Arnaud Deslandes.
Avec cette expérimentation, Lille ajoute ainsi une nouvelle corde à l’arsenal de contrôle de son patrimoine.La ville s’est illustrée en étant pionnière dans la mise en place de l’encadrement des loyers ou de l’instauration du premier l’office de foncier solidaire (OFS). Elle s’intéresse, en outre, de près à la réglementation d'Airbnb, un dispositif « qui devient un vrai problème pour permettre aux habitants de loger ».