Au moins un écoquartier par ville en 2012, c’était l’une des propositions des auteurs des rapports des rencontres Grenelle Environnement. Mais qu’est-ce qu’un écoquartier ? La notion ne s’appuie pas aujourd’hui sur une définition établie, mais elle est déclinée déjà, sous des appellations diverses, dans de nombreuses villes.
A l’évidence, elle tient d’abord à la volonté de minimiser l’impact sur l’environnement. Mais encore ?
Michel Bourgain, maire de l’Ile-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) veut que l’écoquartier prévu sur l’île – l’un des projets les plus récents en France – se projette dans les modes de consommation de l’espace, des ressources naturelles, dans la manière de vivre des habitants à l’horizon 2030.
Des expériences réalisées ou en cours en France et dans le reste de l’Europe, on peut du moins tirer quelques pistes. Nous en avons retenu une dizaine.
1 Forte densité
Voici un cliché dont il faut se débarrasser, l’écoquartier ce n’est surtout pas le pavillon au milieu de la verdure, proche de la nature certes, mais consommateur d’espace de réseaux, de moyens de transport, donc d’énergie…
Le développement durable, c’est le contraire de l’étalement urbain et du phénomène de mitage. L’écoquartier est dense (100 à 200 habitants à l’hectare), de préférence proche d’un centre-ville, mitoyen de zones d’activités et d’équipements publics et desservi par des transports en commun et des circulations douces.
Ainsi, à Pacé, petite ville dotée de la plus grande ZAC privée (1) de la banlieue rennaise aménagée par la SNC Beausoleil et dessinée par Philippe Madec, le programme local de l’habitat (PLH) de l’agglomération impose des parcelles de petites dimensions, les plus grandes supérieures à 350 m2 ne peuvent représenter que 20 % du total.
Les maisons de SCIC Habitat Bourgogne Champagne et BFCA Promotion dans le quartier Saint-Jean des Jardins à Chalon-sur-Saône sont implantées sur des terrains qui n’excèdent pas 275 m2 et construites avec un minimum de points porteurs pour les rendre évolutives.
2 Forte présence végétaleet d’espaces publics
Dans les écoquartiers, cette sensation de densité doit être atténuée par une forte présence végétale et des espaces publics et de loisirs.
Même dans le grand projet Lyon Confluence de François Grether, au cœur de Lyon, « la forte densité des îlots bâtis sera compensée par une végétation généreuse et des plans d’eau permettant détente et loisirs, explique l’urbaniste (2). Sur les 150 ha du projet, 30 % ont été préservés pour réaliser des espaces publics ouverts à tous ». Sur le plateau des Capucins à Angers, dessiné par l’atelier Roland Castro-Sophie Denissof (3), qui accueillera à terme entre 4 000 et 6 000 nouveaux logements, les îlots bâtis s’insèrent dans une trame végétale alternant parcs, jardins familiaux et plaine de jeux. Les cœurs d’îlots sont ponctués de placettes, passages et circulations piétonnes.
A Dinan, sur le site des anciennes casernes Beaumanoir et Du Guesclin, Philippe Madec privilégie l’armature végétale : 10 800 arbustes, 25 000 vivaces, bois et coulée verte. Les aménagements combinent logements, commerces, activités et équipements publics. Une place est réservée aux foires, marchés, cirques, bals…
Sur la ZAC Andromède de Blagnac, l’agence TGT & Associés a réservé un tiers du terrain disponible aux espaces verts et de loisirs, en veillant à tirer parti des boisements classés et des fossés existants, ainsi que de la présence d’une ferme et de sa grange.
3 Diversitéde l’habitat
Et puis la densité implique le rejet de l’uniformité. Les exemples d’écoquartiers jouent de la diversité des formes : immeubles, maisons mitoyennes à étages, en bandes…, rompant avec la monotonie de l’urbanisation des anciennes ZUP. Ainsi, le futur quartier des Capucins à Angers se caractérise par une grande diversité de typologies, depuis les maisons en bandes jusqu’aux immeubles collectifs à R 7, le long du tracé du futur tramway, en passant par des logements en duplex groupés.
A l’intérieur d’un même îlot, les bâtiments contrasteront par leurs proportions et échelles, produisant des effets de collage. « Nous avons repris certaines caractéristiques traditionnelles du tissu angevin, analysé par la plasticienne Annick Desmier-Maulion lors du marché de définition, tout en proposant une vision moderne de la ville », explique Sophie Denissof. A Limoges, dans le programme (4) d’ING Real Estate Development avec l’agence Périphériques, l’impact écologique au sol est d’autant diminué que le projet architectural conjuguant petits collectifs et habitations individuelles développe même une réalisation sur pilotis pour l’ensemble de l’opération.
4 Paysage préservé
L’écoquartier, moindre consommateur d’espace, décline systématiquement une relation forte avec le paysage et la nature.
Pour son quartier du Raquet (5) qui comptera 3 500 logements à construire sur 160 hectares de terrains agricoles, la communauté d’agglomération du Douaisis a accepté l’alternance proposée par l’agence Seura : des fuseaux bâtis le long des voiries principales et des voies du futur tramway avec une densité allant décroissant jusqu’aux « fuseaux verts », quatre parcs : « actif » (terrains de sports), « urbain » (espaces verts, terrains de jeux, centre nautique), « horticole », qui reprendra les cultures existantes, et « forestier ».
Le projet du quartier des Brichères de l’Office auxerrois de l’habitat marque cette couture entre ville et campagne. Le projet de renouvellement urbain, imaginé par Serge Renaudie, prévoit 300 nouveaux logements situés à l’emplacement des anciennes tours, il tient compte de la topographie des lieux en utilisant le relief, l’identité végétale et les anciens chemins agricoles de circulation.
La ZAC Andromède, associée à Blagnac au lancement de l’Airbus A 380, propose des perspectives à grande échelle avec cinq « cours » de verdure parallèles. D’une largeur de l’ordre d’une centaine de mètres et de longueur variable – jusqu’à plus d’un kilomètre –, ces grandes prairies orientées nord-sud croisent une « écharpe verte » longue de trois kilomètres plantée de quelque 7 000 arbres. Au total, le plan paysager prévoit la plantation de 12 000 sujets.
5 La voiture reléguée en périphérie...
L’écoquartier est également aéré par la réduction des surfaces de parkings et des rues accessibles aux voitures. Ce principe prévaut, en particulier, dans l’emblématique quartier Vauban de Fribourg-en-Brisgau (5 000 logements), quasiment sans véhicule. Sur la ZAC Andromède à Blagnac, les opérateurs doivent réaliser des parkings en sous-sol des nouveaux immeubles.
De même, en habitat individuel groupé, l’obligation d’implanter les garages à l’arrière des maisons implique, pour le promoteur, la création d’une allée de desserte supplémentaire en stabilisé.
6… au profit de déplacements doux
L’approche privilégie la marche et le vélo à l’intérieur de l’écoquartier, lui-même situé généralement à proximité immédiate d’un réseau de transport en commun.
Ainsi, le projet de Pacé développe 10 kilomètres de pistes cyclables et de chemins reliant la ZAC Beausoleil au centre-ville. La Berge du Lac à Bordeaux mise sur les circulations douces avec la création d’une venelle verte traversante et d’un maillage de pistes cyclables connectant les commerces, les espaces publics, les établissements scolaires. Une ligne de tramway desservira le nouveau quartier.
Si la voiture n’est pas totalement reléguée, les projets incitent à de nouveaux comportements : parkings en marge, à tout le moins garages « non visibles ».
7 Respect du cycle de l’eau, sols perméables
« La circulation de l’eau doit être envisagée au même titre que celle de la voiture, du vélo ou du piéton : elle est parfois prioritaire », explique l’urbaniste Serge Renaudie.
Dans le quartier des Brichères à Auxerre, il a réduit les surfaces imperméables : pas de trottoir, des ruelles très étroites reliant des placettes traitées en pavés à joints ouverts, un réseau de noues plantées d’herbes de prairies et d’arbustes. Une urbanisation respectueuse du parcours de l’eau qui va de pair avec le renforcement de l’identité végétale des lieux.
Sur la ZAC Andromède de Blagnac, le paysagiste Acte 2 a privilégié des végétaux locaux et peu consommateurs d’eau.
Le choix de planter les sous-bois avec des essences tapissantes (vivaces) présente le double avantage de demander peu d’entretien et d’offrir une grande variété d’aspects. Une attention toute particulière est portée à la gestion des eaux pluviales sur le site, avec l’imperméabilisation d’un minimum de surfaces et le creusement de deux bassins de rétention.
A Pacé, où seulement deux tiers des surfaces sont urbanisables, l’espace restant est constitué de prairies inondables. Le paramètre a été assimilé dans le projet qui utilise le parcours de l’eau au sein de la trame végétale.
L’eau irrigue naturellement la prairie sans entrave aucune.
8 Moindre consommation et énergies renouvelables
La sobriété énergétique des bâtiments constitue, à l’évidence, une préoccupation qui ira croissant, car la tendance zéro CO2 est indissociable de la démarche de l’écoquartier. Parmi les critères de construction, le premier semble relever du simple bon sens : l’orientation est désormais très étudiée.
Le quartier Saint-Jean-des-Jardins à Chalon-sur-Saône en constitue un exemple avec ses habitations individuelles orientées nord-sud. La forme des ouvertures, l’installation de triple vitrage, la ventilation naturelle, la végétalisation des toitures, l’implantation de rideaux d’arbres servant de tampons thermiques, la mise en œuvre de systèmes de rafraîchissement remplaçant la climatisation, chaque opération combine les économies et l’utilisation d’énergies renouvelables. D’autant que la réduction d’énergie entraîne la baisse des charges.
Au Havre, l’architecte François Scali a recours pour son programme des Hauts de Bléville à toute la palette des économies d’énergie – bâtiments semi-enterrés, isolation – et des énergies renouvelables : géothermie, solaire, éolien. Son espoir : «Accrocher pour mémoire un compteur bleu sur l’un des bâtiments, lors de la livraison fin 2008, pour que les enfants de Bléville sachent comment c’était avant ! »
Ainsi, le projet de Lyon Confluence cible, pour ses premiers îlots, l’utilisation à 80 % d’énergies renouvelables. La consommation moyenne pour les logements est estimée à 50 kWh/m2/an. L’implantation d’une chaudière bois assurera l’autonomie en chauffage, associée aux panneaux photovoltaïques qui produiront l’éclairage des communs avec des capteurs solaires assurant l’eau chaude sanitaire. On en attend une baisse des charges de l’ordre de 40 à 50 %. « En 2004, à l’époque du concours, c’était très novateur, se souvient Emmanuel Combarel, architecte sur l’îlot C. En consultant le cahier des charges, on s’est demandé comment on allait s’en sortir. » Les mêmes solutions (chaudières bois et panneaux solaires) dominent dans le projet Berge du Lac à Bordeaux, où le maître d’ouvrage table sur une RT 2005 – 20 % à 30 %.
9 Architecture durable
La réflexion sur l’enveloppe constructive est une des composantes de la sobriété énergétique recherchée. Les matériaux économes sont retenus comme dans le quartier durable de Chalon-sur-Saône, dont les habitations sont réalisées en brique isolante et coiffées de parement en pin douglas thermo-huilé. Des matériaux économes en eau, énergie et sans CFC. De surcroît, les maisons individuelles offrent une possibilité d’extension.
L’opération menée à Limoges reprend, avec ses habitations sur pilotis, la priorité faite au système constructif : ossature bois, notamment. Le projet prévoit la réalisation de maisons passives. L’opération du plateau des Capucins à Angers intègre l’utilisation de matériaux régionaux telle l’ardoise en couverture. A Dinan, il s’agit de réemploi des matériaux issus de la déconstruction du site des anciennes casernes.
10 Mixité sociale
C’est une des conditions de la composante sociale du développement durable, mais aussi une nécessité en raison de la réglementation de l’urbanisme en France désormais. L’écoquartier vise la qualité de vie de ses habitants, elle est notamment fondée sur la mixité et l’adhésion de chacun à ce projet de vie.
La mixité se traduit dans le bâti par le voisinage de maisons individuelles parfois en duplex, de maisons en bandes, de petits collectifs ou d’immeubles plus importants et par un traitement architectural différencié qui casse la monotonie.
Cette mixité de l’habitat s’adosse à la mixité sociale. L’opération Berge du lac à Bordeaux cible 50 % de logements sociaux (PLS-PLUS-accession sociale). Le nouveau quartier du Raquet à Douai comportera 25 % de logements sociaux.
Sur la ZAC Andromède, on vise la construction de 3 800 logements, dont 30 % d’individuels et un minimum de 20 % de logements sociaux.
A Angers enfin, outre les 20 % de logements sociaux, 20 % des logements construits répondront au label « Habiter Angers », qui permet aux primo-accédants de bénéficier de prix inférieurs au marché.
Des formes de financement différentes de celle du logement social, c’est aussi une forme d’innovation. Et, en matière d’innovation, justement, les écoquartiers offrent de nombreuses occasions.