Le monde doit aujourd’hui faire face à un double enjeu, environnemental et énergétique : le changement climatique et la raréfaction des ressources. Le réchauffement climatique est dorénavant accepté comme une réalité. L’adoption de la première partie du IVe rapport du Groupement intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) au cours de la conférence de Paris, le 1er février 2007, l’a consolidée. Les candidats à la présidentielle, par le biais du Pacte écologique de Nicolas Hulot, qui prévoit comme Objectif 2 « Energie : Organiser la baisse de la consommation » et qui a été ratifié par les principaux postulants, se trouvent contraints d’évoquer ce thème.
Afin de réguler ces deux contraintes – baisse des émissions de gaz à effet de serre et baisse de la consommation d’énergie –, la Commission européenne a publié un livre vert sur « Une stratégie européenne pour une énergie sûre, compétitive et durable », rendu public le 8 mars 2006. Pour sa part, la France a adopté la loi de programme n° 2005-781 fixant les orientations de la politique énergétique en date du 13 juillet 2005 se munissant ainsi d’outils susceptibles de « contribuer à l’indépendance énergétique nationale et garantir la sécurité d’approvisionnement ; assurer un prix compétitif de l’énergie ; préserver la santé humaine et l’environnement, en particulier en luttant contre l’aggravation de l’effet de serre ; garantir la cohésion sociale et territoriale en assurant l’accès de tous à l’énergie ». (1)
Si tous les outils traditionnels sont mis à contribution, information, réglementation, fiscalité, engagements volontaires, cette loi introduit un nouvel instrument, les certificats d’économie d’énergie (2). S’inspirant de modèles britanniques et italiens, ces certificats, également appelés « certificats blancs », reposent d’une part sur une obligation de réalisation d’économies d’énergie imposée sur une période donnée aux vendeurs d’énergie présents dans le secteur résidentiel et tertiaire, et parallèlement sur une offre de certificats libératoires, attribués au vu des actions entreprises permettant des économies d’énergie. Ainsi, le 30 juin 2009, c’est près de 2 400 entreprises qui devront démontrer qu’elles ont respecté les engagements d’économie d’énergie que l’Etat leur a fixés.
Ces engagements sont d’ailleurs très disparates, allant de 12 044 kWh pour la société Atel à 30 018 033 838 kWh pour EDF. Un objectif national global d’économies d’énergie ayant été fixé à 54 TWh pour la période 2006-2009 (3). Les décrets (4) et arrêtés (5) d’application ayant été pris essentiellement en mai et juin 2006, le système est effectif depuis le 1er juillet 2006 (6).
Les acteurs
On distingue deux types d’acteurs suivant qu’ils sont ou non obligés à des économies d’énergie.
Les « obligés » sont, selon les termes de l’article 14 de la loi, soumis à une obligation d’économies d’énergie. Ce sont, d’une part, les personnes morales dont les ventes d’énergie autres que le fioul domestique aux consommateurs finals sont supérieures à 400 millions de KWh d’énergie finale par an pour le gaz naturel et 100 millions de KWh de pouvoir calorifique supérieur d’énergie finale par an pour le gaz de pétrole liquéfié et, d’autre part, celles qui livrent du fioul domestique et ce sans aucun seuil.
Ces obligés doivent déclarer annuellement leur vente totale d’énergie. Ce sont ces déclarations qui serviront à l’établissement de leurs obligations d’économie d’énergie finale telles qu’issues de la répartition de l’objectif national.
L’article 15 de la loi élargit le système aux « éligibles » qui sont « (…) toute autre personne morale dont l’action additionnelle par rapport à son activité habituelle, permet la réalisation d’économies d’énergie d’un volume supérieur à un seuil fixé par arrêté du ministre chargé de l’énergie (…) ». Ce seuil a été fixé, par l’arrêté du 30 mai 2006 précité, à 1 million de KWh. Sous condition du respect de ces deux critères, additionnalité et montant des économies d’énergie réalisées, toute personne morale (collectivités publiques, entreprises, associations de protection de l’environnement…) pourra se voir octroyer des certificats d’économie d’énergie qui pourront être revendus aux fournisseurs.
Les actions
Dans une optique de simplification du système, il a été créé des actions dites « standardisées » qui permettront d’obtenir un nombre forfaitaire de certificats déterminé par rapport à une situation de référence. Ces actions, mises en place par l’article 2 du décret du 23 mai 2006, sont les « (…) opérations standardisées d’économies d’énergie […] définies par arrêté du ministre chargé de l’énergie. Ces opérations sont assorties d’une valeur forfaitaire d’économies d’énergie déterminée par rapport à une situation de référence de performance énergétique correspondant à l’état technique et économique du marché du produit ou du service. » La valeur des certificats d’économie d’énergie est envisagée à l’article 3 du décret : « La valeur des certificats d’économies d’énergie attribués à une opération correspond à la somme des économies d’énergie annuelles réalisées durant la durée de vie du produit ou la durée d’exécution du contrat de service. » Ces actions sont listées en annexe de l’arrêté ministériel du 19 juin 2006, liste complétée par l’arrêté du 19 décembre 2006 (7). Il existe donc dorénavant près de 100 actions standardisées.
La loi du 13 juillet 2005 a également instauré les actions « éligibles », qui sont celles dont la réalisation permet l’obtention de certificats et d’autres, qui ne le sont pas. Le critère de différenciation est celui de l’additionnalité par rapport à l’activité habituelle et ce afin d’éviter l’attribution de certificats en raison d’actions qui auraient de toute manière été réalisées, indépendamment de l’incitation fournie par l’obtention de certificats.
C’est ainsi que sont écartées du système les actions qui n’atteignent pas le seuil fixé à l’article 4 de l’arrêté du 30 mai 2006 précité, les actions visant à substituer une source fossile plus « efficace » à une autre (8), et au contraire des actions visant à substituer une source d’énergie renouvelable à une source fossile (9), enfin les actions réalisées dans les installations soumises à la directive relative aux quotas d’émission de gaz à effet de serre (10) ainsi que celles résultant du seul respect de la réglementation en vigueur.
Les certificats
La qualification juridique des certificats a été légalement déterminée et, à l’instar des quotas d’émission, ce sont des « biens meubles négociables, dont l’unité de compte est le kilowattheure d’énergie finale économisé. Ils peuvent être détenus, acquis ou cédés par toute personne visée à l’article 14 ou par toute autre personne morale » (11), ils sont « exclusivement matérialisés par leur inscription au registre national des certificats d’économies d’énergie » (12).
Délivrés par l’Etat, ils sont comptabilisés en kWh CUMAC (13) d’énergie finale économisée. Ils ont une période de validité de trois ans, la première période s’étendant du 1er juillet 2006 à au 30 juin 2009 (14). La demande se fait auprès de la Direction régionale de la recherche, de l’industrie et de l’environnement (DRIRE) suivant une procédure détaillée dans une circulaire du 18 juillet 2006, la liste des pièces à apporter au soutien de sa demande est, quant à elle, contenue à l’article 1er de l’arrêté du 19 juin 2006.
Le fonctionnement du marché
Les obligés disposent de trois possibilités pour respecter l’objectif d’économies d’énergie qui leur est assigné sur la période de trois ans. Ils peuvent : soit mener les actions précédemment étudiées permettant d’obtenir des certificats, soit acheter des certificats à d’autres acteurs, soit s’acquitter d’une pénalité libératoire.
Le choix entre ces trois options dépendra bien évidemment du coût des actions générant des certificats. Dans l’hypothèse où un obligé aura mené à bien les actions définies, il obtiendra un nombre de certificats égal à la réduction opérée, ces certificats lui permettant d’apporter au préfet la preuve de la réalisation de ses obligations. A la fin de chaque période, les fournisseurs d’énergie devront donc être en mesure de présenter les certificats en nombre suffisant.
Deux différences majeures ont été introduites par rapport au système qui a été mis en place pour les permis d’émission de gaz à effet de serre :
le caractère libératoire de la pénalité, qui signifie que l’obligé se libérera de son obligation en acquittant une pénalité alors que, pour le système des quotas, l’obligation de restituer un nombre de quotas correspondant aux émissions réelles subsiste malgré le paiement de la pénalité;
l’absence de création d’une véritable bourse des certificats.
Les obligés effectuent alors au cas par cas un bilan coût-avantage des actions envisageables comparées à l’achat de certificats et/ou au paiement de la pénalité.
Les sanctions
Lorsque le nombre de certificats, provenant des réductions effectuées directement ou d’achats à d’autres détenteurs, n’est pas suffisant par rapport aux obligations à souscrire, l’obligé est mis en demeure d’acquérir dans les deux mois des certificats inscrits au registre national des certificats d’économie d’énergie. A défaut, l’obligé devra s’acquitter d’une pénalité libératoire de 0,02 euro par KWh.
L’article 17 de la loi de 2005 prévoit également des sanctions pénales dans l’hypothèse où une personne se serait fait délivrer indûment par quelque moyen frauduleux que ce soit un certificat d’économie d’énergie. Les peines, qui sont celles prévues aux articles 441-6 et 441-10 du Code pénal, peuvent aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.
Un instrument parmi d’autres
Le système des certificats d’économies d’énergie n’est qu’un dispositif économique parmi d’autres mis en place pour inciter à la diminution de l’intensité énergétique. Sont également applicables les dispositifs suivants:
Les permis d’émission de gaz à effet de serre. Ce système novateur est issu d’une directive européenne en date du 13 octobre 2003 (15), transposée en droit français par l’ordonnance du 15 avril 2004 (16).
Certains exploitants d’ICPE obtiennent ainsi, sous condition, une autorisation d’émettre des gaz à effet de serre (17) et, parallèlement, se voient octroyer annuellement des « quotas » d’émission de gaz à effet de serre (18).
En fin de période, ces opérateurs doivent restituer un nombre de quotas correspondant à leurs émissions effectives.
Les entreprises détenant plus de quotas que leurs émissions pourront les revendre sur un marché à autres entreprises qui, elles, ne seront pas parvenues à respecter leurs obligations. A défaut, les opérateurs devront acquitter une pénalité non libératoire de 100 euros (19) par tonne de gaz à effet de serre émise en sus de leurs quotas.
Les « crédits carbone ». Ce système, annoncé par le ministre de l’Economie le 4 décembre 2006, a été adopté par décret du 2 mars 2007. Il vise à faire entrer sur le marché des permis d’émission de gaz à effet de serre les réductions d’émission issues des secteurs de l’agriculture, des transports et du bâtiment.
Les certificats verts. La directive n° 2001/77 du 27 septembre 2001 fixe, pour 2010, des objectifs de consommation d’électricité produite à partir d’énergie renouvelable pour chaque Etat membre. Les certificats verts constituent l’un des instruments susceptible d’assurer la mise en œuvre effective de cette obligation. Ils permettent de vérifier l’origine et la traçabilité de l’électricité et de créer parallèlement un marché. Ce système est pour l’instant purement volontaire.
Les crédits d’impôt. Créé par la loi de finance 2005 et étendu par celle de 2006, le dispositif du crédit d’impôt vise à renforcer le caractère incitatif du dispositif fiscal en faveur des équipements de l’habitation principale en ciblant les équipements les plus performants au plan énergétique et les équipements utilisant les énergies renouvelables. Sont, entre autres, concernés : les équipements de chauffage, les matériaux d’isolation, les appareils de régulation de chauffage.
Les exonérations fiscales. L’article 31 de la loi de finance rectificative 2006 permet aux communes d’exonérer de la taxe foncière sur les propriétés bâties les propriétaires ayant réalisés des investissements en faveur des économies d’énergie et du développement durable.
