Avec ses cinq partenaires en France et en Angleterre, l’ESITC de Caen met au point un béton drainant dans lequel les granulats et le sable habituellement utilisés sont remplacés par des coproduits coquilliers : huîtres, moules, coquilles Saint-Jacques, pétoncles, etc. « L’objectif est double, explique Nassim Sebaibi, adjoint au directeur de la recherche à l’école d’ingénieurs et référent technique du projet : éviter les inondations avec un béton qui absorbe l’eau et l’évacue et préserver des ressources naturelles non renouvelables. » Et contrairement aux pavés drainants, préfabriqués puis mis en place, la chaussée drainante du projet CIRCLE est faite de béton prêt à l’emploi.
Adapter les dosages
Les coquillages sont lavés puis broyés – 70 % du produit final est constitué de matériau grossier, les 30 % restants, plus fins, pouvant être comparés à du sable – avant d’être mélangés au béton d’Eqiom, l’un des six partenaires du projet (1). « Nous avons travaillé sur des dosages permettant aux chaussées de conserver leurs qualités de résistance et leurs performances hydrauliques », souligne Nassim Sebaibi. La part minimale de coproduits coquilliers est ainsi de 10 %, pour les routes accueillant des véhicules, mais elle peut aller jusqu’à 50 % pour des pistes cyclables ou des chemins piétonniers. Ainsi, les partenaires ont récemment coulé un kilomètre d’un mélange comprenant 50 % de coproduits coquilliers sur une portion de piste cyclable, l’Eurovéloroute 4, dans le Pas-de-Calais, où la proximité de la mer a en outre permis de limiter le rayon de sourcing des coquilles à 50 km. Le béton est également testé sur d’autres sites, un parking du golfe du Morbihan, en Bretagne, et à l’université du Lancashire, au nord-ouest de l’Angleterre.
Un vaste gisement
Les chantiers seront tous instrumentés pour mesurer les effets du vent, de la pluie ou encore le comportement des couches souterraines. « C’est important de passer du laboratoire au terrain, où l’on ne maîtrise pas tout, rappelle Nassim Sebaibi, et cela nous permettra d’acquérir une vision à long terme du comportement de la chaussée. » Le gisement de coproduits coquilliers est vaste : « Chaque année, la France produit en moyenne près de 200 000 t de coquillages issues de la conchyliculture et 70 000 t issues de la pêche, indique le responsable scientifique du projet, et elle n’en valorise que 20 %. » Le chercheur veut donc explorer toutes les façons d’utiliser ces produits, en les incorporant à des liants notamment. De quoi porter les travaux sur le sujet, d’un montant de 3 millions d’euros, bien au-delà des trois ans du programme européen Interreg qui les soutient.