Dernière ligne droite pour les PLU verts

Urbanisme -

A partir du 1er janvier, les PLU devront avoir intégré les grands principes du Grenelle. Mais la multiplication des textes ces dernières années rend cet exercice difficile.

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Les lois Grenelle de 2009 et 2010 ont profondément amendé le contenu des plans locaux d’urbanisme (PLU), imposant une prise en compte de la protection de l’environnement et de la biodiversité. Cette « grenellisation » a été complétée par la du 24 mars 2014. Réaliser un PLU conforme aux exigences du Grenelle est un processus lourd, le législateur avait donc donné du temps aux collectivités pour s’y préparer. Le délai imparti est presque terminé : le PLU doit inclure les éléments du Grenelle avant le 1er janvier 2017. Mais, depuis 2009, la difficulté s’est accrue, car des ordonnances, des décrets, des lois comme Alur, Transition énergétique (17 août 2015) ou encore Biodiversité (8 août 2016) se sont succédé, modifiant à nouveau le contenu ou les procédures d’élaboration.

Insécurité juridique.

« Les règles liées aux PLU sont modifiées par les différents textes à un rythme soutenu et il est de plus en plus compliqué de s’y retrouver », regrette Corinne Langlois, directrice générale adjointe de l’Agence d’urbanisme de Bordeaux. Ainsi, les zones A (agricoles) et N (naturelles) du PLU de Bordeaux Métropole ont dû faire l’objet de plusieurs modifications successives lors de l’élaboration du document en raison du changement de la réglementation. Le plan a été arrêté en 2015.

Cette instabilité est telle que les collectivités peinent de plus en plus à réaliser un PLU qui respecte toutes les prescriptions en matière d’économie d’espace, de gestion des eaux pluviales, de protection de la biodiversité, etc. Elle génère une insécurité juridique accrue, car la complexité de la réglementation augmente les risques d’annulation. La fin de l’année 2016 devrait donc être agitée, d’autant plus qu’une autre obligation se superpose : toutes les communes non couvertes par un schéma de cohérence territoriale (Scot) ne pourront plus modifier leur PLU en vue d’ouvrir à l’urbanisation — sauf dérogation du préfet. « En dépit de cette inflation législative et réglementaire, les grands principes progressent petit à petit dans les esprits. Elaboration d’un PLU ne rime plus avec ouverture des terrains à l’urbanisation comme au temps des plans d’occupation des sols », nuance Florence Gall-Sorrentino, chargée de mission à la Fédération nationale des agences d’urbanisme (Fnau).

Pour réussir son PLU vert, la Fnau conseille d’en revenir aux fondamentaux. En effet, même si l’environnement juridique est très mouvant, les grandes lignes du Grenelle ne sont jamais remises en cause. Rappelons que le Grenelle a pour but de préserver la biodiversité, de limiter la consommation d’espace, de développer les transports collectifs et de lutter contre le changement climatique, notamment en améliorant la performance énergétique des bâtiments. « Tant que vous suivez ces grands objectifs, votre démarche reste cohérente. C’est cette cohérence qui permet de justifier les choix retenus et d’assurer la sécurité juridique du PLU », explique Philippe Schmit, chargé de mission à l’Assemblée des communautés de France (AdCF).

Des documents de plus en plus étoffés.

Cela implique de bien développer et de justifier certaines parties du plan. Ainsi, le rapport de présentation et le projet d’aménagement et de développement durable (PADD) sont de plus en plus étoffés et enrichis d’une analyse de la consommation d’espaces naturels et agricoles. Ils doivent démontrer le respect des objectifs d’économie d’espace prévus par le Scot. L’agglomération bordelaise a ainsi pris le parti d’urbaniser à l’intérieur de l’enveloppe urbaine actuelle. Si, exceptionnellement, une extension d’urbanisation doit avoir lieu au détriment d’une zone A ou N, elle est alors compensée par le retour en zone A ou N d’une surface identique en U (urbaine) ou AU (à urbaniser).

Autre conseil : réaliser un PLU vert n’a pas pour but de figer tout développement urbain, mais de concilier à la fois le développement de l’activité humaine et la protection de l’environnement. Il faut donc avoir une vision globale de la situation. C’est la démarche adoptée par la commune de Caissargues (Gard) dont le PLU est au stade de l’enquête publique. Dans cette commune, 67 % du territoire est agricole, mais il existe une pression foncière et une volonté de développement urbain. Le but est d’accueillir 1 000 habitants de plus à l’horizon 2030 pour en porter le nombre à 5 000. L’idée retenue a été de revitaliser le centre-bourg en faisant en sorte que, sur les 340 logements nouveaux, un tiers soit issu de réhabilitations dans le village. Un choix qui permet de ne pas ouvrir à l’urbanisation le secteur ouest, plus riche en biodiversité et sensible aux inondations. Pour les surfaces ouvertes à l’urbanisation, la densité prévue est de 25 logements à l’hectare, soit nettement plus que pour les lotissements actuels de la commune.

Un urbanisme de projet.

Depuis le Grenelle, la réglementation a mis en avant l’idée d’un urbanisme de projet plutôt que d’un PLU basé sur une approche très réglementaire. Les textes ont donc donné une portée normative aux orientations d’aménagement et de programmation (OAP) qui déclinent les objectifs du PADD. Celles-ci peuvent prendre la forme d’un schéma d’aménagement allant loin dans le degré de précision, en détailllant par exemple les principales caractéristiques des voies et des espaces publics. Elles peuvent aussi définir les continuités écologiques. Tous les actes et opérations visés à l’article L. 152-1 du Code de l’urbanisme (construction, création de lotissements…) doivent être compatibles avec les OAP.

Le règlement du PLU a aussi vu son côté vert étoffé et peut prévoir une densité minimale de construction dans les secteurs proches des transports collectifs existants ou programmés. Il peut imposer que les constructions, travaux et installations respectent des performances énergétiques et environnementales renforcées dans certains secteurs. Autre élément clé pour la biodiversité : le règlement peut fixer une part minimale de surfaces imperméabilisées ou éco-aménageables afin de contribuer au maintien de la biodiversité et de la nature en ville. Ainsi à Nieul-sur-Mer (Charente-Maritime), les OAP et le règlement prévoient la préservation des haies et des marais permettant un écoulement naturel des eaux, des autorisations facilitées pour les panneaux photovoltaïques bien intégrés dans des constructions existantes et la promotion des toitures végétalisées.

Pour préserver la biodiversité en adéquation avec les trames vertes et bleues prévues par le Grenelle, la collectivité peut mettre en place un contrat avec les propriétaires. La région Centre-Val de Loire, par exemple, met en place un tel contrat avec les acteurs concernés pour favoriser une gestion écologique des sites. Celui-ci peut ainsi porter sur des jardins partagés que les occupants s’engagent à cultiver pour maintenir un corridor écologique. Rien n’empêche une commune ou un EPCI de mettre en place ce type d’outil et la loi Biodiversité offre d’ailleurs des possibilités élargies de contractualisation sur l’écologie avec des obligations qui s’imposent aux locataires ou aux propriétaires successifs des terrains concernés.

S’appuyer sur le Scot.

Enfin, prendre en compte l’environnement implique de réfléchir à une échelle plus large. Pour faciliter la démarche d’élaboration du PLU vert, tous les professionnels de l’urbanisme conseillent de s’appuyer sur le Scot. Ce dernier est devenu au fil du temps le document qui intègre et explicite toutes les contraintes environnementales. C’est donc à son niveau que doivent être pris en compte les schémas régionaux de cohérence écologique, les plans climat air énergie territoriaux, les documents stratégiques de façade maritime ou encore la gestion des eaux. Le Scot a été pensé de façon à ce que les communes qui élaborent leur PLU disposent d’une base solide pour leur démarche. L’utiliser au maximum permet d’assurer une meilleure sécurité juridique.

Changer d’échelle implique aussi de passer du PLU communal à un PLU intercommunal (PLUi). A partir du 27 mars 2017, les communautés de communes et d’agglomération deviennent automatiquement compétentes en matière de PLU. « Et le PLUi présente aussi l’avantage de reporter l’impératif de la grenellisation du PLU au 31 décembre 2019 », rappelle la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) d’Eure-et-Loir. Reste à voir ce que deviendront les PLUi. En effet, le transfert de compétences à l’EPCI peut être bloqué lorsqu’au moins 25 % des communes représentant au moins 20 % de la population s’y opposent. Or, la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (Notre) a modifié le périmètre des intercommunalités, empêchant dans certains cas le transfert de compétences. Le projet de loi « Egalité et Citoyenneté » en cours de discussion au Parlement devrait débloquer la situation dans quelques mois.

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