Démat’ de l’urbanisme : ce qu’en pensent les collectivités

Deux ans après l’entrée en vigueur de la réforme de l’instruction des autorisations de construire, quatre collectivités témoignent des facteurs de réussite de leur passage à l’ère numérique.

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Dématérialisation de l'instruction des autorisations d'urbanisme : témoignages de collectivités, deux ans après l'entrée en vigueur de la réforme.

Sérénité, simplification, efficacité… La dématérialisation de l’instruction des autorisations d’urbanisme semble avoir atteint ses objectifs pour les quatre collectivités (deux communes et deux centres instructeurs) invitées à partager leur expérience lors d’un webinaire organisé le 29 janvier 2024 par le programme démat ADS – Permis de construire en ligne du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires.

Depuis le 1er janvier 2022, toutes les communes doivent être en mesure de recevoir les demandes d'autorisation d'urbanisme (permis de construire, d'aménager, déclaration préalable, certificats d'urbanisme…) sous forme électronique. Celles de plus de 3 500 habitants doivent de surcroît « disposer d'une téléprocédure spécifique » leur permettant de les instruire par voie dématérialisée (art. L. 423-3 du Code de l'urbanisme). Une petite révolution numérique dont l’objectif est de moderniser les services publics, mais qui n’est pas sans incidence sur la manière de travailler des agents et sur la relation des services urbanisme avec les usagers.

Maintien de la proximité

Les administrés viennent surtout nous voir en amont du dépôt des dossiers dématérialisés

—  Manon Gallafrio, Aix-en-Provence

Sur cette question, à Aix-en-Provence (plus de 140 000 habitants), le service a mis dès l’origine un point d’honneur à rechercher et maintenir « la proximité avec les usagers et administrés aixois », témoigne Manon Gallafrio, responsable projets démat’ ADS. « L’accueil reste ouvert tous les matins du lundi au vendredi et nous n’avons pas constaté de diminution particulière des contacts avec les administrés qui se déplacent toujours quotidiennement. Ils viennent surtout nous voir en amont du dépôt des dossiers dématérialisés. Avec des questions pratiques comme « comment télécharger un formulaire Cerfa, comment le remplir, le compléter », etc. Un passage dans l’ère numérique réussi pour ce service puisqu’aujourd’hui, « 60 % des dossiers de permis de construire et deux tiers des déclarations préalables arrivent par voie dématérialisée ».

Des bornes sont également installées à différents endroits de la mairie. « Ces bornes ne sont pas qu'un simple outil informatique. Des agents sont là pour aider les pétitionnaires à s’en servir, à consulter les dossiers déposés. Nous avons fait le choix de les accompagner au maximum », ajoute Pauline Ouvrard du service accueil urbanisme. Et cela semble porter ses fruits puisque « lorsque les pétitionnaires ne viennent pas nous voir en amont, la qualité des dossiers déposés par voie numérique pêche un peu. L’accueil des pétitionnaires est donc fondamental pour assurer la qualité des dossiers et assurer toute l’efficacité de la démarche. »

Efficacité, sérénité

Du côté de Vannes agglomération : Golfe du Morbihan (59 communes), la dématérialisation est globalement perçue de façon positive, souligne Gaël Gouret, son responsable ADS. « Elle a permis de manière générale d’améliorer la qualité du service rendu aux usagers et de simplifier les échanges entre les pétitionnaires et les instructeurs. Les délais de réponse ont même été raccourcis, grâce à la mise en place d’une "hotline" qui permet de centraliser les demandes techniques liées à la connexion par exemple. Ce qui permet de ne pas polluer les échanges concernant l’instruction proprement dite ». Conséquence, la part des dépôts numériques augmente de 10 % chaque année. En 2023, l’agglo a recensé 13 000 démarches en ligne (14 500 avec les déclarations d’intention d’aliéner), soit environ 60 % des dossiers déposés. « La démat’ nous a permis de gagner en efficacité et en sérénité ».

Pouvoir accéder à une plate-forme de dépôt de dossier à toute heure du jour ou de la nuit, le week-end représente donc un gain de temps

—  Jean-Claude Raynal, Monbartier

Qualité des dossiers, peut mieux faire

Un bémol toutefois. Gaël Gouret reconnaît une baisse de la qualité des dossiers déposés par voie numérique, citant l’exemple « de permis d’aménager déposés pour des clôtures, ou de dossiers coquilles vides. On essaie d'y remédier en communiquant, nous travaillons sur notre site pour préciser les pièces à joindre au dossier et les faire monter en qualité. »

Coexistence papier/numérique

De là à imposer la démat’ auprès des pétitionnaires... Jean-Claude Raynal, le maire de Monbartier (Tarn-et-Garonne), commune de 2000 habitants qui a mis volontairement en place la démat’ depuis 2020, ne s'y opposerait pas, lui qui a fortement « encouragé » les pétitionnaires à abandonner le papier dès le départ. Et sa méthode (dialogue avec les uns et les autres, communication via les médias locaux...) semble fonctionner : les quelque 200 dossiers déposés chaque année le sont par voie numérique. Fini les piles de dossiers volumineux à viser, s'amuse l'édile. Il faut dire que « la population est composée majoritairement de primo-accédants, jeunes actifs, qui ne sont pas forcément disponibles pour venir aux heures d’ouverture de la mairie. Pouvoir accéder à une plate-forme de dépôt de dossier à toute heure du jour ou de la nuit, le week-end représente donc un gain de temps », explique-t-il.

En revanche, pour David Simonet, responsable du centre administration fonctionnel urbanisme foncier de la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (GPSO), « il est essentiel, dans un premier temps, de ne pas contraindre les usagers, il faut leur laisser la liberté de choix. Derrière cette coexistence entre papier et numérique, se cache l’égalité d’accès à l’administration. »

A Aix-en-Provence, « l’objectif numéro 1 était le simple flux et une instruction complètement dématérialisée, mais le contexte en termes de personnel a fait que nous n’avons pas pu maintenir cette dynamique et nous avons finalement fait le choix de rester sur du double flux », relate Manon Gallafrio. Le service ambitionne néanmoins de revenir sur du simple flux prochainement et de passer en « full démat’ : « nous sommes en train de passer un marché pour scanner l’ensemble des documents qui arrivent par voie postale et ne pas faire porter ce poids sur les épaules des agents ».

Derrière cette coexistence entre papier et numérique, se cache l’égalité d’accès à l’administration

—  David Simonet, Grand Paris Seine et Oise

Pédagogie et écoute

Autre enjeu : l’accompagnement des agents. Pour David Simonet, il était primordial que la conduite du changement ne pèse pas trop sur les épaules des agents en communes. « Il a fallu énormément rassurer et faire beaucoup de pédagogie avec des tutos très spécifiques : que faire quand je réceptionne tel dossier, une pièce complémentaire… ». La communauté urbaine GPSO a également réalisé des webinaires, organisé des réunions communes pour garder le lien en permanence et être en écoute perpétuelle avec les communes et les agents. « Plus personne aujourd’hui ne souhaite revenir en arrière. Certaines communes se portent même volontaires pour accompagner les pétitionnaires, ce qui montre que nous avons bien passé le relais », s’enorgueillit-il.

Cercle vertueux

Une analyse que partage Gaël Gouret à Vannes Agglomération : Golfe du Morbihan où les communes scannent les dossiers papiers depuis 2019. « Nous avons accompagné la montée en compétence des agents en mairie par le biais de guides, de réunions pour faire en sorte que le projet soit partagé entre les communes et le centre instructeur. Ce qui a aussi incité les agents d’accueil à faire la promotion du guichet unique auprès des usagers : plus les dossiers sont dématérialisés, moins ils ont à scanner ». Un « cercle vertueux » en somme.

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