Déduction des droits de mutation à titre gratuit acquittés lors de la transmission d'une entreprise individuelle

INSTRUCTION DU 25 FEVRIER 1997 (BOI 4 C-3-97) NOR : BUDF9710023J

Economie générale de la mesure

L'article 10 de la loi de finances pour 1996 a légalisé la doctrine administrative permettant de déduire du résultat imposable d'une entreprise individuelle exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale ou agricole les droits de mutation à titre gratuit acquittés par les héritiers, donataires ou légataires de cette entreprise, lorsque au moins une de ces personnes prend l'engagement de poursuivre personnellement l'activité exercée par cette entreprise pendant cinq ans au moins.

La Présente instruction commente ce dispositif.

INTRODUCTION

1. L'article 10 de la loi de finances pour 1996, codifié au 4° quater du 1 de l'article 39 du code général des impôts, permet au repreneur d'une entreprise individuelle de déduire du résultat de cette entreprise les droits de mutation à titre gratuit et les intérêts supportés lors de sa transmission.

2. Le régime de déduction des droits de mutation à titre gratuit étant précisé par la loi, la doctrine exprimée dans la documentation administrative 4 C 21, no 13 et dans la réponse ministérielle Hunault (1) du 27 juin 1994 est rapportée à compter de la date de publication de la présente instruction.

A / CHAMP D'APPLICATION DE LA MESURE

I / Entreprises concernées

1 / Nature de l'activité

3. L'entreprise transmise doit exercer une activité relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ou des bénéfices agricoles.

4. L'article 18 de la loi de finances rectificative pour 1996 (loi no 96-1182 du 30 décembre 1996), codifié au 7° du 1 de l'article 93 du code général des impôts, a étendu aux contribuables dont les bénéfices sont imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux les dispositions du 4° quater du 1 de l'article 39 du même code à compter de l'imposition des revenus de l'année 1997. Ce nouveau dispositif sera commenté dans une instruction distincte à paraître dans la série 5 G.

2 / Forme juridique des entreprises transmises

5. La mutation doit porter sur une entreprise individuelle exploitée par le défunt ou le donateur.

Bien que n'étant pas engagés pour l'acquisition d'une entreprise individuelle, les droits de mutation à titre gratuit afférents à la transmission des parts d'une société soumise au régime des sociétés de personnes sont néanmoins déductibles en application de l'article 151 nonies du code général des impôts lorsque l'héritier, le légataire ou le donataire exerce, dans cette société, son activité professionnelle au sens de cet article.

II / Mutations concernées

1 / Nature des mutations

6. Les droits de mutation à titre gratuit déductibles en application du 4° quater du 1 de l'article 39 du code général des impôts s'entendent des droits dus à raison des transmissions d'entreprises par décès ou par donation, quelle que soit la forme de la libéralité (donation-partage, donation simple, donation par contrat de mariage).

7. Cette disposition concerne les droits dus par les héritiers, légataires ou donataires quel que soit leur lien de parenté avec le défunt ou le donateur et même en l'absence d'un tel lien.

2 / Objet des mutations

8. La mutation doit porter sur l'ensemble des biens meubles et immeubles - corporels ou incorporels - affectés à l'exploitation de l'entreprise individuelle par le défunt ou le donateur. Les droits afférents à des mutations de certains éléments seulement de l'entreprise sont donc exclus du champ du dispositif. En outre, la transmission ne doit pas se traduire par la scission de l'exploitation en plusieurs entreprises distinctes.

9. Les biens affectés à l'exploitation sont les biens nécessaires à l'exercice de la profession et qui sont inscrits à l'actif du bilan de l'entreprise. Ainsi, les biens non nécessaires à l'exploitation, tels que des immeubles à usage d'habitation ou des valeurs mobilières (titres de placement) sont exclus du bénéfice du régime de déduction, même s'ils sont inscrits à l'actif de l'exploitation individuelle. En revanche, s'ils ne sont pas inscrits à l'actif. les biens nécessaires à l'exploitation sont exclus du bénéfice de la déduction.

10. Cas particulier : mutations portant sur des exploitations agricoles comprenant des terres.

Les immeubles bâtis ou non bâtis utilisés pour les besoins de l'exploitation et appartenant à l'exploitant agricole doivent, en principe, être inscrits à l'actif du bilan.

Toutefois, conformément aux dispositions des articles 38 sexdecies D-I et 38 sexdecies JH de l'annexe III au code général des impôts, les exploitants imposés selon un régime réel (normal ou simplifié) ou le régime transitoire peuvent, sous certaines conditions, décider de maintenir leurs terres dans leur patrimoine privé (voir sur point DB 5 E 3213, nos 8 et suivants).

Pour l'application des dispositions du 4° quater du 1 de l'article 39 du code général des impôts, il est admis que le bénéfice du régime de la déduction s'applique aux terres qui font partie de l'exploitation agricole transmise à titre gratuit, quand bien même le défunt ou le donateur aurait opté pour leur maintien dans son patrimoine privé, dès lors que les héritiers, donataires ou légataires de l'exploitation les auront inscrites à l'actif de celle-ci.

III / Dépenses concernées

1 / Droits de mutation et intérêts

a) Principes

- Droits de mutation

11. Les droits dont la déduction est autorisée s'entendent des droits acquittés à raison d'une mutation à titre gratuit (nos 8 et 12) que ces droits soient payés immédiatement ou qu'ils fassent l'objet d'un paiement différé et fractionné au sens des articles 1717 du code général des impôts (Art. 396-1° ; 397-1°et 397 A de l'annexe III à ce code).

La taxe de publicité foncière n'est pas visée, elle n'est donc pas déductible.

12. En pratique, à l'exception de cette taxe, la totalité des droits de mutation à titre gratuit afférents à l'entreprise transmise est déductible selon les modalités mentionnées aux nos 17 à 20. En effet, lorsque l'entreprise transmise est en indivision entre les différents héritiers, légataires ou donataires, les droits de mutation à titre gratuit sont alors déductibles des résultats de l'entreprise imposés au nom de chaque coindivisaire, dès lors que l'un d'entre eux poursuit l'activité dans les conditions mentionnées aux nos 24 à 32. Lorsque l'entreprise est transmise à un seul héritier, légataire ou donataire, les droits de mutation à titre gratuit sont déductibles des résultats de l'entreprise, imposés à son nom, dès lors que cette personne poursuit l'activité dans les mêmes conditions prévues aux nos 24 à 32.

13. Lorsque, dans le cadre d'une donation simple ou d'une donation-partage, les droits de mutation à titre gratuit sont pris en charge par le donateur, ils ne peuvent être admis en déduction pour la détermination des bénéfices imposables du donataire.

- Intérêts

14. La déduction des intérêts dus en application des dispositions de l'article 1717 du code général des impôts est expressément prévue au 4° quater du 1 de l'article 39 du même code.

15. Les intérêts payés par les bénéficiaires d'une mutation à titre gratuit sont uniquement les intérêts dus à raison du paiement différé ou fractionné des droits, à l'exclusion des intérêts d'emprunts souscrits auprès d'établissements bancaires en vue du paiement immédiat des droits de mutation à titre gratuit.

b) Détermination du montant des droits et intérêts déductibles

16. Pour l'application du régime prévu au 4° quater du 1 de l'article 39 du code général des impôts, les bénéficiaires de la mutation à titre gratuit doivent, dans la déclaration de succession ou l'acte de donation, évaluer distinctement les biens affectés à l'activité et les autres biens transmis.

17. Si les héritiers, légataires ou donataires recueillent à la fois des biens ouvrant droit au régime prévu au 4° quater du 1 de l'article 39 du code général des impôts et d'autres biens, la part des droits déductibles est déterminée en effectuant une double liquidation.

18. Le premier calcul est effectué sur la valeur totale de la part transmise.

19. La seconde liquidation ne tient compte que de la valeur des biens transmis autres que ceux constituant l'entreprise.

20. Le montant des droits déductibles est égal à la différence entre les deux résultats ainsi obtenus. En pratique, cette solution conduit à considérer que l'actif représenté par l'entreprise transmise à titre gratuit a été soumis aux taux supérieurs du barème progressif des droits de mutation à titre gratuit.

En cas de paiement différé ou fractionné, les intérêts déductibles sont ceux afférents aux seuls droits portant sur les biens constituants l'entreprise.

S'agissant des modalités de calcul, il conviendra de se reporter à l'exemple figurant à l'annexe I de la documentation administrative 7 A 4322.

2 / Pénalités

a) Pénalités non déductibles

21. Conformément aux dispositions du 2 de l'article 39 du code général des impôts, les pénalités mises à la charge de l'entreprise pour infraction aux règles d'assiette des différents impôts et taxes ne sont pas admises en déduction des bénéfices imposables de cette entreprise. Il en est ainsi par exemple :

- de l'intérêt de retard en cas d'inexactitudes, insuffisances ou omissions commises de bonne foi dans les déclarations :

- des intérêts de retard et des majorations exigés dans le cas où la mauvaise foi du contribuable est établie ou s'il y a manoeuvre frauduleuse ;

- des intérêts de retard et des majorations mises à la charge des redevables lorsque le retard dans le règlement des droits est consécutif au dépôt hors délai de la déclaration ou de l'acte qui doit normalement accompagner le paiement ;

- des amendes fixes pour défaut de production ou production tardive de documents ou pour omissions ou inexactitudes relevées dans les documents produits.

b) Pénalités déductibles

22. Sont déductibles l'intérêt de retard visé à l'article 1727 du code général des impôts et la majoration de 5 % prévue à l'article 1731 du même code lorsqu'intervient la déchéance du crédit prévue à l'article 403 de l'annexe III au code général des impôts (2).

3 / Les frais de notaire

23. Les honoraires versés au notaire à l'occasion de la succession, de la donation simple ou de la donation-partage ne sont pas admis en déduction pour la détermination du résultat imposable de l'entreprise dont l'exploitation est poursuivie par le bénéficiaire de l'opération.

B / CONDITIONS D'APPLICATION DU REGIME

I / Engagement de poursuite de l'exploitation

24. La déductibilité des droits de mutation à titre gratuit est subordonnée à la condition que l'un au moins des héritiers, donataires ou légataires qui reçoit une fraction de l'entreprise en pleine propriété, en nue propriété ou en usufruit prenne l'engagement de poursuivre personnellement l'exploitation de l'entreprise pendant au moins cinq ans.

1 / Forme de l'engagement

25. Le bénéficiaire de la mutation à titre gratuit doit joindre son engagement de poursuivre l'activité à la déclaration de résultats produite au titre du premier exercice suivant la transmission. Cet engagement, réalisé sur papier libre, doit comporter les indications suivantes :

- date du début de l'exploitation par l'héritier, le donataire ou le légataire ;

- date à laquelle la mutation à titre gratuit est intervenue ;

- engagement de poursuivre l'exploitation de l'entreprise ;

- le cas échéant, mention de l'option pour le paiement différé ou fractionné des droits.

2 / Conditions tenant à la poursuite de l'exploitation

26. Le 4° quater du 1 de l'article 39 du code général des impôts subordonne la déduction des droits de mutation à titre gratuit à la condition que l'exploitant prenne l'engagement de poursuivre l'activité en participant de façon personnelle, continue et directe à l'accomplissement des actes nécessaires à cette activité pendant les cinq années suivant la date de transmission de l'entreprise.

27. Le respect de cette condition suppose que le repreneur accomplisse des actes précis et des diligences réelles caractérisant l'exercice d'une profession et dont la nature dépend de la taille de l'exploitation, des secteurs d'activité et des usages. Il peut s'agir de la réception et du démarchage de la clientèle, de la conception et de l'élaboration des produits, du contact auprès des fournisseurs, etc...

28. Bien entendu, la présence de salariés dans l'entreprise ne fait pas obstacle à l'application du régime, dès lors que le repreneur exerce des actes nécessaires à cette activité.

29. Il n'est pas indispensable que le repreneur accomplisse tous les actes nécessaires à l'activité mais seulement certains d'entre eux à condition qu'il ne s'agisse pas d'actes isolés, mais d'un ensemble d'actes représentatifs d'une des fonctions nécessaires à la vie de l'entreprise.

30. En tout état de cause, la déduction visée au 4° quater du 1 de l'article 39 déjà cité ne saurait être pratiquée lorsque la gestion de l'entreprise est confiée à un tiers aussi bien en droit - par le biais d'une convention - qu'en fait (cf. toutefois no 12 lorsque l'entreprise est exploitée en indivision).

En particulier, la poursuite de l'activité sous forme de location gérance n'est pas susceptible d'ouvrir droit à la déduction des droits de mutation à titre gratuit, y compris lorsque l'entreprise reprise était déjà exploitée sous cette forme par l'exploitant précédent.

Il en va de même lorsque la gestion de l'entreprise a fait l'objet d'un contrat d'entreprise, de gestion d'affaires, d'un mandat ou de toute autre convention aboutissant à déléguer la responsabilité de l'exploitation.

31. D'une manière générale, les notions de participation personnelle, continue et directe aux actes nécessaires à l'activité, sont celles qui sont définies pour l'application de l'article 72 de la loi de finances pour 1996. Sur ce point, il conviendra de se reporter à l'instruction du 14 août 1996 (BOI 4 A-7-96).

32. Le délai de cinq ans pendant lequel l'entreprise est exploitée est calculé de date à date.

II / Conséquence du non-respect de l'engagement

33. En cas de non-respect de l'engagement mentionné aux nos 24 à 32, la totalité des sommes déduites est rapportée au bénéfice imposable de l'exercice au cours duquel cet engagement a été rompu.

Les événements suivants entraînent la rupture de l'engagement :

- cessation d'activité, que cette cessation soit volontaire ou résulte d'une liquidation judiciaire et qu'elle soit définitive ou temporaire. Il est cependant admis qu'une interruption momentanée due, par exemple, à un congé maladie, n'emporte pas rupture de cet engagement ;

- cession totale ou partielle du fonds de commerce ;

- mise en location gérance de l'entreprise recueillie à titre gratuit.

Toutefois, il est admis que les événements suivants n'emportent pas rupture de l'engagement :

- cessation de l'indivision avec attribution de l'entreprise à l'un des héritiers, donataires ou légataires sous réserve que les conditions pour en bénéficier continuent d'être respectées.

- transmission de l'entreprise pour cause de décès.

- poursuite de l'activité de l'entreprise préexistante sous forme sociale, lorsque les conditions suivantes sont cumulativement réunies :

- l'entreprise individuelle est apportée à une société dont le ou les bénéficiaires de la transmission à titre gratuit détiennent les deux tiers du capital s'il s'agit d'une société anonyme et les trois quarts s'il s'agit d'une SARL ou d'une société de personnes ;

- l'un au moins des bénéficiaires de la transmission assume la fonction de dirigeant de la société ainsi créée.

Pour l'appréciation de ce dernier critère, les dirigeants s'entendent, dans les sociétés anonymes, du président du conseil d'administration ou du directoire ou du directeur général et, dans les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés de personnes, du gérant.

Ces conditions doivent être réunies pendant la période restant à courir jusqu'au terme du délai de cinq ans visé au no 24.

Nota : L'apport de l'entreprise individuelle à une société n'entraîne pas de rupture de l'engagement de poursuite de l'exploitation si les conditions mentionnées aux nos 24 à 32 sont respectées. En revanche, cet apport fait obstacle à la déduction des résultats de la société des droits dont le paiement a été différé et fractionné et qui n'ont pas encore été acquittés par l'entreprise individuelle à la date de l'apport ainsi que les intérêts y afférents. En effet, il n'est pas envisageable de faire supporter à tous les associés une charge personnelle incombant à l'un d'entre eux.

C / MODALITES DE DEDUCTION DE LA CHARGE

34. Aux termes du 4° quater du 1 de l'article 39 du code général des impôts, la déduction est opérée au titre des exercices au cours desquels les droits sont acquittés ou ceux au cours desquels les intérêts sont versés.

Il s'agit donc, soit de l'exercice au cours duquel les droits ont été liquidés et payés (déclaration de succession, acte de donation-partage) s'il n'y a pas eu option pour le paiement différé et fractionné de ces droits, soit de chacun des exercices au cours duquel le paiement de la fraction de ces droits est intervenu dans le cas contraire.

35. Dès lors, bien qu'ils s'analysent en frais d'acquisition des immobilisations, les droits de mutation à titre gratuit ne peuvent être déduits que dans les conditions mentionnées au no 34 ; ils ne peuvent donc plus bénéficier d'une déduction échelonnée dans les conditions, autorisées par la doctrine administrative (4 C 21 n° 13), pour les frais d'établissement.

D / ENTREE EN VIGUEUR

36. La présente mesure s'applique pour la détermination des résultats imposables des exercices clos à compter du 31 décembre 1995.

Cela étant, la doctrine administrative telle qu'elle est exprimée dans la documentation de base 4 C 21 n° 13 et dans la réponse ministérielle HUNAULT du 27 juin 1994 conserve sa valeur pour la détermination des résultats des exercices clos avant le 31 décembre 1996.

Annoter : documentation de base 4 C 21 n° 13.

(1) Rép. Hunault JO AN du 27 juin 1994, p. 3281

(2) Retard dans le paiement de l'un quelconque des termes échus, cf. DB 7 A 4321 nos 58 et s.

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