Préserver une partie du bâti et réemployer au maximum les éléments issus de la déconstruction : tel est le défi que compte relever Paris & Métropole Aménagement sur le chantier de la ZAC Saint-Vincent-de-Paul dans le XIVe arrondissement de Paris. La société publique locale qui s'est vu confier par la Ville de Paris en 2016 la concession d'aménagement de l'hôpital désaffecté depuis 2012 a ainsi lancé une reconversion d'envergure (logements, équipements scolaires et sportifs, crèche, commerces), avec comme feuille de route la réduction de l'empreinte carbone et le développement de l'économie circulaire.
Concernant une surface de 3,4 hectares, l'opération suppose de préserver 60 % du bâti. Pour les six ouvrages déconstruits sur les dix que comporte le site, le réemploi des matériaux de construction de second œuvre s'impose aux opérateurs immobiliers qui se sont engagés à valoriser la part de réusage dans leurs projets. Lors de leur sélection, ils ont en effet été invités à présenter leur démarche en utilisant les indicateurs d'économie circulaire. Mis au point par la maîtrise d'ouvrage, ceux-ci sont calculés en fonction de la masse et des émissions de carbone évitées. La démarche étant pour partie expérimentale, les valeurs cibles sont indicatives.
Limiter l'empreinte carbone. Cette prise en compte scrupuleuse des ressources et de leur empreinte carbone a également été formulée dès la phase de consultation des entreprises pour le lot curage-démolition. Sur la question spécifique du réemploi, la maîtrise d'ouvrage a conçu un schéma directeur avec son AMO Mobius, une entreprise spécialisée dans les dalles de faux plancher de seconde main. « L'entreprise de démolition devait être capable de marquer les éléments du site à réemployer, d'en organiser la dépose soignée, de gérer le conditionnement et d'en organiser l'entreposage, précise Ghislain Mercier, responsable Ville durable et nouveaux services à Paris & Métropole Aménagement. Le tout dans une démarche expérimentale et innovante puisque le réemploi est une notion récente pour les maîtres d'ouvrage mais aussi pour les démolisseurs. »
Des associations et des artisans locaux sont venus récupérer luminaires, mobilier ou éléments électriques.
Susciter l'adhésion du public. Afin de retrouver la trame d'origine, la déconstruction s'est concentrée sur les ouvrages les plus récents et à faible emprise au sol, soit au total 20 000 m². Une opération conduite par Eiffage Démolition qui, à partir d'un premier inventaire relativement exhaustif des matériaux à réemployer, a mis en place des chantiers de tests de dépose pour valider la pertinence de sauvegarder ou non certains produits. Cette méthodologie a notamment permis de préserver 495 radiateurs en fonte, près de 120 éléments de plomberie comme des vasques ou des éviers, plus de 1 200 portes et 450 ouvrants, ou encore quelque 200 bâtis de fenêtres en aluminium. Des volumes actuellement stockés dans un espace de 600 m² situé en sous-sol du bâtiment Pinard, et dont la phase de curage devrait intervenir sous peu.

Des journées de dépose collaborative auront aussi permis à des associations et des artisans locaux de venir récupérer eux-mêmes des luminaires, du mobilier, des disjoncteurs ou encore des blocs prises électriques. Les cloisons en brique plâtrière, les tommettes, les portes alvéolaires, les plaques de plâtre, certains faux plafonds ou encore des coffrages perdus ne seront néanmoins pas réemployables en raison de leur état ou de leur obsolescence. « Nous menons un projet très ambitieux qui est une vraie analyse du potentiel intrinsèque des matériaux de construction, explique Boris Azimi, chef d'agence Eiffage Démolition Ile-de-France. A travers cela, nous pouvons susciter l'adhésion du public, qui perçoit que la démolition n'est pas un grand gâchis environnemental. »

Tenir des objectifs chiffrés. Pour l'heure, la démarche de réemploi à l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul reste un projet pilote. Car si les cahiers des clauses techniques particulières aiguillonnent sur la dépose propre des produits, leur mise en œuvre in situ demeure complexe. « Nous voulions réutiliser le maximum de matériaux sur le site de l'ancien hôpital, mais, pour des raisons de stockage, il faudra les envoyer sur d'autres chantiers et, quand cela sera nécessaire, en faire venir d'opérations similaires, concède Noé Basch, cofondateur de la société Mobius. En effet, entre le moment de la dépose et celui de la repose, il peut se passer plusieurs années. Réduire ce laps de temps est le défi des prochaines années. » Mais pas de quoi réviser à la baisse les ambitions de Paris & Métropole Aménagement, qui se fixe des objectifs chiffrés : sur les ouvrages réhabilités, la moitié des produits du second œuvre seront issus d'une filière de réemploi.