La rentrée s’annonce chargée pour les professionnels du bâtiment. Ce jeudi 29 août, leurs représentants ont rendez-vous dans les bureaux de Brune Poirson, secrétaire d’Etat auprès de la ministre de la Transition écologique, sur la problématique des dépôts sauvages. La réunion de travail fait suite au décès du maire de Signes (Var), renversé par une camionnette dont le conducteur était venu déposer des gravats en pleine nature.
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La secrétaire d’Etat compte s’appuyer sur le projet de loi anti-gaspillage pour une économie circulaire pour « gérer plus efficacement les déchets issus de la construction », a-t-elle indiqué lors du conseil des ministres de 10 juillet. Ce texte, qui doit être débattu au Parlement à la fin du mois de septembre, doit également permettre de « lutter contre les dépôts sauvages [en prévoyant] la possibilité d’imposer une reprise gratuite de certains déchets dès lors qu’ils auront été triés auparavant ». C’est ce que l’on appelle dans le jargon, la responsabilité élargie du producteur (REP). Les professionnels du BTP y sont pour la plupart farouchement opposés.
Plus de déchetteries…
« C’est un scandale de voir autant de dépôts sauvages sur nos territoires, ils sont néfastes pour la nature et paysage. Et certains déchets, par exemple amiantés, peuvent être dangereux pour ceux qui les récupèrent, déplore Patrick Liébus, président de la Capeb. Le gouvernement souhaite développer la REP, mais beaucoup de déchets sont déjà recyclés (lire l’encadré ci-dessous, NDLR), poursuit le président de la Capeb. Pour continuer dans ce sens, et améliorer la valorisation des matériaux, il faut renforcer le maillage territorial des déchetteries. »
Un point de convergence avec la FFB. « La problématique des déchets du bâtiment n’est pas qu’un problème de valorisation, mais aussi de points de collecte, juge Jacques Chanut, président de la Fédération française du bâtiment. La réponse doit être la plus simple possible, et cela passe par un maillage le plus fin possible, et que l’on arrête de refuser déchets du BTP dans les décharges publiques. »
Maire de Morlaix (Finistère) et vice-présidente de l’association des maires de France (AMF), Agnès Le Brun le reconnait : « Il peut arriver que les règles qui régissent l’organisation d’une déchetterie ne soient pas adaptées à la réalité d’une entreprise du bâtiment. Et qu’une déchetterie demande à un artisan de revenir quand il aura une tonne de déchets à déposer. » Ou alors, qu’elle refuse certains matériaux. « Par exemple, certaines déchetteries n’acceptent pas le plastique, regrette Patrick Liébus. Pour éviter d’en trouver dans les dépôts sauvages, il faudrait remédier à cette situation ».
… aux horaires d’ouvertures élargies
Les professionnels du bâtiment demandent également à revoir les horaires d’ouverture des déchetteries. « L’amplitude horaire de certaines est trop restreinte, alors que les artisans déposent en général les déchets en fin de journée », rappelle le président de la Capeb. Un constat partagé par les rédacteurs d’un rapport de l’Ademe sur les dépôts sauvages, publié en février dernier.
« Les horaires d’ouverture laissent peu de marge de manœuvre aux usagers quand ils s’alignent sur les mêmes horaires que le travail des habitants (9h-12h et 14h-18h) sans ouverture le matin de bonne heure ni pendant la coupure du repas du midi ». Par ailleurs, « la fermeture de nombreuses déchèteries le dimanche pose question. Un répondant [à l’enquête menée par l’Ademe, NDLR] affirme que beaucoup de dépôts semblent provenir de chantiers exécutés le week-end et pour lesquels le matériel doit être rendu propre le lundi matin ».
Renforcer le pouvoir de sanction des maires
Suite au drame de Signes, l’AMF a réclamé « la création dans le code pénal d’un délit de trafic de déchets et l’amélioration des pouvoirs de sanction des maires ». En débat en septembre au Parlement, le projet de loi économie circulaire pourrait fournir un véhicule législatif à cette revendication. D’autant plus que la secrétaire d’Etat Brune Poirson a confié au « Moniteur » vouloir y « renforcer le pouvoir de police des déchets du maire ».
L’AMF demande également une « mobilisation plus forte des parquets et des tribunaux de police à poursuivre et sanctionner ces infractions ». « Aujourd’hui, les parquets ne sont pas mobilisés sur ces sujet, confirme Agnès Le Brun. Mieux caractériser le délit les obligerait à suivre ces sujets-là, car la suite donnée à une plainte est proportionnelle à la caractérisation du délit. »
Des sanctions plus fortes
Des voix s’élèvent également pour demander un durcissement des sanctions, et l’augmentation des amendes, jugées peu dissuasives aujourd’hui : une contravention de classe 5 pour dépôt de déchet avec l’aide d’un véhicule s'élève à 1 500 euros. « Oui il faut les renforcer, estime Patrick Liébus. Ramasser les déchets coûte cher aux petites communes qui supportent souvent ces surcoûts. »
Mais à certaines conditions. « Pour être intraitable, il faut être irréprochable en terme de points de collecte et d’horaire », martèle Jacques Chanut. Mais qui pour payer les coûts supplémentaires générés par l’ouverture de ces espaces ? « Il faut instaurer une taxe supplémentaire sur le matériaux et pas sur les entreprises, continue le président de la FFB. Cette solution permet de toucher les autoentrepreneurs et ceux qui ne déclarent pas les revenus issus de leur activité. » Sur ce point, la Capeb se désolidarise. « Instaurer une taxe revient à dédouaner les usagers », oppose Patrick Liébus.
Enfin, pour limiter les dépôts sauvages, la Capeb mise sur la responsabilisation des clients particuliers. En lançant sa charte « Artisan Engagé Déchets en janvier dernier, elle souhaite valoriser les bonnes pratiques autour de la gestion des déchets de chantier. « Quand le client signe un devis et paye une prestation, il doit pouvoir vérifier que les déchets – qui sont pesés et identifiés à l’entrée de la décharge – ont bien été déposés dans un endroit approprié », indique Patrick Liébus.