En ville, à la montagne, à la campagne, sur le littoral…, la question de l'aspect extérieur des constructions se pose avec acuité. Si elle est réglementée par différents documents et règles comme le règlement national d'urbanisme (RNU), l'équilibre avec le respect de la propriété privée, de même qu'avec la créativité et la place à laisser à l'architecture contemporaine, doit toutefois être recherché. Ainsi, le règlement des plans locaux d'urbanisme (PLU) ne peut pas « porter une atteinte directe au droit de propriété en l'absence d'autorisation expresse du législateur » (1).
L'aspect extérieur des constructions dans les règles nationales
Considérations esthétiques. On fait en général remonter la possibilité pour l'administration de refuser un permis de construire pour des considérations d'ordre esthétique à la loi du 13 juillet 1911 relative à la conservation des perspectives monumentales (2). Depuis, d'autres textes ont été introduits : droit de l'urbanisme, de l'environnement et du patrimoine imposent de rendre le PLU compatible avec tous les documents supérieurs qui réglementent l'aspect extérieur des constructions.
Tout d'abord, et sans prétendre à l'exhaustivité, le schéma de cohérence territoriale (Scot) peut comporter, de manière ponctuelle, de telles dispositions. En zone de montagne notamment, le diagnostic préalable doit être établi en tenant compte de la préservation de l'environnement, des paysages et du patrimoine architectural (art. L. 141- 3 du Code de l'urbanisme).
Parc naturel régional. Par ailleurs, la charte d'un parc naturel régional (PNR) doit comprendre un rapport qui détermine les orientations de protection et de mise en valeur, y compris les objectifs de qualité paysagère sur le territoire du parc. A titre d'exemple, la charte du PNR Normandie-Maine (Orne) prévoit de « développer autant que faire se peut l'emploi de matériaux sains issus de production locale ; cet objectif rejoint celui de l'intégration paysagère puisque les matériaux naturels locaux présentent, pour la plupart, des couleurs, des brillances et des textures enharmonie avec les caractéristiques du bâti ancien ».
Aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine.
Les aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (Avap) peuvent également prévoir des contraintes architecturales sur les constructions. Précisément, c'est l'annexion au PLU de ces dispositions -regardées comme des servitudes d'utilité publique -qui va permettre de pérenniser leur opposabilité aux demandes d'autorisations de construire. Les règles applicables au sein de ces Avap peuvent être très précises s'agissant des matériaux de construction autorisés. Ainsi, l'Avap de Rambouillet (Yvelines) interdit les menuiseries en aluminium ou en PVC, de même que les portes de garage en PVC ou entôle nervurée. Si elle n'impose pas de matériau, elle invite à préférer le bois.
L'aspect extérieur des constructions dans les PLU
Règlement. Dans les PLU, la pièce la plus importante reste le règlement, qui peut déterminer des règles concernant l'aspect extérieur des constructions neuves, rénovées ou réhabilitées, afin de contribuer à l'insertion des constructions dans le milieu environnant (). Sur ce fondement, plusieurs dispositions réglementaires invitent ce document à prévoir des « dispositions concernant les caractéristiques architecturales des façades et toitures des constructions ainsi que des clôtures » ().
Cahier de recommandations. Il est également possible d'annexer au règlement un cahier de recommandations architecturales et paysagères complémentaire permettant d'apporter des précisions sur les objectifs de la collectivité en matière architecturale, dans le cadre de l'instruction des permis de construire. Sur la couleur notamment, certaines collectivités optent pour un nuancier local et imposent l'utilisation d'une charte des couleurs.
Liberté de choix. La question, non définitivement tranchée à ce jour, est celle de savoir si un règlement peut imposer tel ou tel matériau de construction. La doctrine administrative a toujours adopté une position ferme sur ce point, en considérant que si le PLU peut fixer des règles concernant l'aspect extérieur des constructions, il ne peut cependant abolir toute liberté de choix quant aux matériaux : « La loi n'autorise pas les PLU à prescrire ou interdire l'emploi de certains matériaux, de telles exigences se justifiant et étant autorisées uniquement dans les secteurs faisant l'objet d'une protection particulière, tels que les sites patrimoniaux remarquables. En dehors de ces secteurs, seul l'aspect du revêtement de la construction pourra être réglementé sans pouvoir strictement interdire un matériau ou son imitation » (3).
Utilisation de matériaux en dehors de secteurs protégés. La jurisprudence, quant à elle, a apporté quelques précisions. Pour rappel, le juge apprécie, dans un premier temps, la qualité du site dans lequel la construction s'insère et évalue ensuite les effets qu'elle pourrait avoir sur le site (4).
La cour indique bien qu'une telle règle doit être justifiée par une considération d'urbanisme.
Sur la question des matériaux à utiliser, la cour administrative d'appel (CAA) de Lyon a retenu une position assez isolée et opposée à celle de l'administration -à tout le moins plus nuancée. Elle considère en effet que les règlements des PLU peuvent prescrire l'utilisation de certains matériaux pour les constructions, y compris quand ces dernières ne sont pas incluses dans un périmètre inscrit ou protégé. Elle a ainsi validé les dispositions d'un plan d'occupation des sols (POS) qui imposaient que les menuiseries extérieures soient traitées en bois apparent foncé ou peint (5). Plus récemment, elle a considéré que « les auteurs du POS [...] ont pu légalement imposer [...] pour des considérations esthétiques ayant trait au respect de l'architecture traditionnelle savoyarde, le recours partiel aubois traité non peint » (6).
Considération d'urbanisme. Si ces deux arrêts sont surprenants et restent isolés, il faut toutefois souligner que la CAA ne donne pas un blanc-seing à la prescription d'un matériau en toutes circonstances, mais indique bien qu'une telle prescription ne peut se faire qu'à condition d'être justifiée par une considération d'urbanisme (en l'occurrence, un environnement très particulier de zone de montagne et de bâti existant spécifique à la région). Précisément, c'est toujours la contribution à la qualité architecturale, urbaine et paysagère, ainsi que la mise en valeur du patrimoine et l'insertion des constructions dans le milieu environnant qui doivent être recherchées. Il est à espérer que le Conseil d'Etat soit saisi pour apporter une position de sagesse permettant également une plus grande sécurité juridique.
(1) Voir conclusions sous (mentionné aux tables du recueil Lebon), BJDU 3/1996, p. 182.
(2) Voir con cl. sous , mentionné aux tables du Recueil.
(3) QE n° 01509, réponse ministérielle publiée au JO Sénat du 11 octobre 2018.
(4) , précité.
(5) L Y 00729. (6) L Y 00937.