Covid et pénurie de matériaux : idées de clauses à insérer dans les contrats

Maîtres d'ouvrage et entreprises ont tout intérêt à négocier des stipulations permettant de faire face aux dérapages de délais et hausses de coûts. Les conseils d'Alexia Robbes, avocate associée du cabinet Adden.

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Clause dans les contrats
Comment rédiger des clauses de prorogation des délais pour cause de pandémie ou de pénurie de matériaux

Depuis 18 mois, la pandémie de Covid-19 tout comme la pénurie des matériaux de construction perturbent la vie des chantiers. Lors d'un webinaire ce 7 octobre, Alexia Robbes, avocate associée du cabinet Adden, a proposé des solutions pour gérer au mieux la prorogation des délais et la prise en compte de l'augmentation des coûts dans les marchés.

Clauses Covid-19

Elle préconise ainsi de mettre en place dans les contrats, plutôt qu’une clause « pandémie » un peu générale, une clause spécifique Covid-19 applicable en cas d'aggravation des mesures sanitaires et qui fixe les causes légitimes de prorogation des délais. Pourront être envisagées par exemple les hypothèses de nouveau confinement empêchant les salariés d'intervenir, ou d’injonction interdisant de venir sur les chantiers…

Quant à l’absorption des coûts supplémentaires générés par les mesures Covid, certains maîtres d’ouvrage préfèrent les prévoir dans le BPU pour mieux coller à la réalité (si ces mesures ne s’imposent que pendant quelques mois sur un chantier qui dure plusieurs années, par exemple), plutôt que de les voir intégrés dans un prix forfaitaire avec le risque que les entreprises prévoient large, par prudence.

Clauses relative à la pénurie de matériaux

Concernant la pénurie de matériaux, Alexia Robbes décline des propositions de clauses dans l’intérêt des maîtres d’ouvrage, et dans celui des constructeurs.

Pour ces derniers, il est impératif d'essayer de négocier que les difficultés d'approvisionnement figurent parmi les causes légitimes de prorogation des délais. La clause la plus large possible sera privilégiée : "Seront considérés comme des causes légitimes de prorogation des délais, les retards causés par toutes difficultés d'approvisionnement". Si cette clause n'est pas acceptée en l'état par le maître d’ouvrage, il peut être ajouté, après les termes "difficultés d'approvisionnement", "dûment justifiées" ou "sous réserve que l'entrepreneur justifie avoir passé les commandes en temps et en heure au regard du calendrier de marché".

Il faut aussi envisager l’impact des difficultés d'approvisionnement sur les délais de levée des réserves, rappelle l’associée. Il est donc important d'indiquer dans les marchés de travaux que le délai négocié pour cette levée (60 ou 90 jours) peut être prorogé en cas de difficulté d'approvisionnement. Il convient également de penser à intégrer une clause autorisant la substitution de matériaux.

Du point de vue cette fois des maîtres d’ouvrage, il n'est pas recommandé de refuser les prorogations des délais, car la pénurie de matériaux est une réalité, et il y aura des difficultés d'exécution du contrat. En revanche, le maître d'ouvrage a tout intérêt à bien encadrer la cause légitime de prorogation des délais, en prévoyant des justificatifs, des dates limites de commande, ou encore un délai maximal de report, par exemple de trois mois.

Imprévision

Enfin, le mécanisme de l'imprévision, prévu par l'article 1195 du Code civil, peut permettre de renégocier des contrats en cours, rappelle l'avocate. Et de souligner que le Covid-19 n'est plus une cause d'imprévision pour les nouveaux contrats, puisque cette situation est désormais connue.

Article 1195 du Code civil

"Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.

En cas de refus ou d'échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu'elles déterminent, ou demander d'un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d'accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d'une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe."

Si, selon Alexia Robbes, l'imprévision ne devrait pas pouvoir jouer dans le cas d'un marché à forfait (CA Douai, 23 janvier 2020, n°19.01718), elle souligne que les CCAG marchés privés (norme NF P 03-001) et marchés publics comportent cependant une clause par laquelle, en cas de changement de circonstance imprévisible, l'entrepreneur peut demander une indemnisation ou renégocier son marché. L’avocate recommande aux maîtres d’ouvrage de ne pas hésiter à déroger sur ce point aux CCAG, afin de s'assurer que l'imprévision ne pourra être invoquée par un constructeur lié par un prix forfaitaire.

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