Lentement mais sûrement, la proposition de loi (PPL) « créant une dérogation à la participation minimale pour la maîtrise d'ouvrage pour les communes rurales », déposée par les sénateurs du Nord Dany Wattebled et Marie-Claude Lermytte (Les Indépendants) fin 2023, poursuit son parcours législatif. Elle a été adoptée en première lecture à l’unanimité par les députés ce 11 mars, dans une version proche de celle votée par les sénateurs le 14 février 2024.
Peu de dérogations préfectorales
L’objectif de ce texte ? Déroger à l'article L. 1111-10 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), qui impose en principe à toute collectivité territoriale ou groupement de collectivités dans l’Hexagone, maître d'ouvrage d'une opération d'investissement, de participer à hauteur d'au moins 20 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques.
Des dérogations sont déjà possibles dans un certain nombre de cas (rénovation des monuments protégés ou non, ponts et ouvrages d’art, protection contre l’incendie, eau potable et assainissement, etc.), mais elles doivent être accordées par le préfet.
Or, selon les derniers chiffres communiqués par la Direction générale des collectivités locales, en 2022, seules une centaine de dérogations ont été accordées sur 22 000 subventions attribuées, soit à peine 0,45 % des projets. Ce qui empêcherait ou retarderait la sortie de terre de nombreuses opérations. En sachant qu’un report, souligne le rapporteur à l’Assemblée nationale Jean Moulliere (Horizons et Indépendants), « peut conduire, dans certains cas, à accroître les coûts futurs d’investissement. Ainsi, en matière de voirie et d’ouvrages d’art, le report des travaux de rénovation et de réparation peut conduire à la création d’une "dette grise", le coût de la réparation d’une chaussée ou d’un ouvrage endommagé étant significativement plus important que celui de son entretien préventif. »
Consensus sur une participation minimale à 5 %
Tout comme le Sénat, l’Assemblée nationale a voté l’abaissement à 5 %, au lieu de 20 %, de la participation minimale pour les communes rurales (là où la proposition initiale prévoyait une exonération totale). Tout comme le Sénat, elle a restreint cette dérogation à une liste fermée de projets, considérés comme les plus structurants : « projets d’investissement en matière de rénovation du patrimoine protégé ou non protégé, de rénovation énergétique des bâtiments, d’eau potable et d’assainissement, de protection contre les incendies ou de voirie communale ainsi que ceux concernant les ponts et les ouvrages d’art ».
Communes rurales jusqu'à 5 000 habitants
Là où les deux versions divergent, c’est sur le périmètre des communes bénéficiaires. Le Sénat avait limité la dérogation des 5 % aux « communes de moins de 2 000 habitants dont le potentiel financier par habitant est inférieur à deux fois le potentiel financier moyen par habitant des communes de moins de 2 000 habitants ». L’idée étant d’exclure certaines bourgades ne justifiant pas de difficultés budgétaires particulières, par exemple celles qui profitent des retombées liées au thermalisme.
Les députés ont doublement assoupli ce périmètre, à la faveur d’un amendement du groupe LFI-NFP. Ils ont d’une part supprimé la condition liée au potentiel financier par habitant. Et, d’autre part, étendu le dispositif à toutes les communes rurales, visées par l’article D. 3334-8-1 du CGCT. Ce qui englobe non seulement les villes de moins de 2 000 habitants, mais aussi celles de moins de 5 000 habitants « si elles n'appartiennent pas à une unité urbaine ou si elles appartiennent à une unité urbaine dont la population n'excède pas 5 000 habitants ».
Selon les auteurs de l’amendement, la PPL version Sénat risquait en effet de ne concerner que peu de communes : « Alors que les communes rurales représentent plus d’un tiers de la population et plus de 80 % des communes de France, imposer un seuil de 2 000 habitants induirait que seulement 22,6 % de la population se trouverait dans des communes concernées ».
Il faudra à présent trouver une rédaction commune en deuxième lecture.