Le développement durable trace son chemin au sein des collectivités territoriales. En mai 2007, près de six cents communes – dont la majorité des grandes agglomérations – avaient élaboré un Agenda 21 ou équivalent, directement ou via une intercommunalité. Ces programmes d’actions nés lors du Sommet de la Terre, organisé à Rio en 1992, traduisent les principes du développement durable. Comment les services techniques des collectivités intègrent-ils concrètement la démarche de DD, sachant que l’environnement est une compétence partagée par toutes les structures territoriales, chacune ayant hérité d’un domaine d’intervention ? Sachant aussi que les lois récentes et la charte de l’environnement les incitent à aller vers un développement « plus durable », aux objectifs transversaux ?
Pour mettre en œuvre cette démarche, qui irrigue tous les discours et les politiques, les services techniques sont accompagnés par des bureaux d’études, sensibilisent et forment leur personnel en interne, et/ou recrutent des profils dotés d’autres compétences.
L’accompagnementdes services. Première voie pour se lancer dans une démarche de développement durable : le recours à des professionnels externes. « L’élaboration d’un Agenda 21 est d’abord portée par une volonté municipale, et ne nécessite pas forcément l’embauche d’une personne spécialisée. Mais cette démarche doit être accompagnée. Si je n’ai pas été embauchée pour élaborer l’Agenda 21, ayant une compétence dans ce domaine, j’ai été l’élément facilitateur et sa mise en place a été plus rapide », explique Géraldine Nadaud, animatrice de l’Agenda 21 dans la commune de Rioux-Martin en Charente. A l’instar de Rioux-Martin, dans les communes rurales, la majorité des projets de DD sont portés par les élus, qui s’appuient sur des structures d’accompagnement, telle l’association « Notre Village, Terre d’avenir ». Cette dernière a accompagné puis labellisé vingt communes pour l’élaboration de leur Agenda 21. Comme la commune de Beyssenac (380 habitants), en Corrèze, qui va compléter les actions déjà entreprises dans son Agenda, par l’enfouissement des lignes, le balisage d’un sentier pédestre, la réalisation de logements sociaux, etc.
Le conseil général du Nord fait, quant à lui, appel au Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB). « Assistant à la maîtrise d’ouvrage, le CSTB nous accompagne dans la recherche et l’innovation, par exemple pour la mise en œuvre du plan de maîtrise de l’énergie, comprenant le renouvellement des façades, et le recours aux énergies renouvelables, explique José Cohen, directeur général adjoint. Lors de la rénovation des collèges, nous réduisons la consommation d’énergie de 40 % (64 kWh/m2/an). Nous incitons les bureaux d’études, les architectes et les entreprises à proposer des solutions novatrices. » D’autres optent pour des consultants, comme la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur lors de la mise en œuvre d’une charte de qualité environnementale des bâtiments, déclinée par lycée : « L’opération, expérimentale s’est ensuite étendue, et nous allons former tout le personnel technique (anciens TOS) », précise Alix Roche, directrice générale adjointe.
Sensibilisation et formation. La formation interne constitue la deuxième étape pour développer et installer cette démarche au sein des services techniques. En région Alsace, si certains architectes étaient acquis à la haute qualité environnementale, qui intègre l’environnement dès la construction, d’autres doutaient. « J’étais moi-même suspicieux en raison des surcoûts induits. Mais l’arrivée d’un architecte, accueilli en formation continue pendant un an, et devenu consultant, m’a aidé à accepter le bien fondé de la démarche », reconnaît Maurice Barth, directeur des services techniques. « Cette personne a animé des micro-sessions internes chaque mois, pour l’ensemble des équipes projets et les chefs de projets. Elle a tissé des liens avec chacun, porté un regard différent sur chaque projet et organisé deux voyages d’études en Allemagne qui ont achevé de me convaincre ! » Le conseil général des Hauts-de-Seine a organisé quant à lui des sessions de sensibilisation sur le thème du développement durable. Lors du lancement du plan climat départemental, le film d’Al Gore, « Une vérité qui dérange », a été projeté à l’ensemble du personnel, et des séances ont été réservées au pôle « aménagement du territoire » réunissant les services techniques.
« Nous avançons, parfois lentement, mais sûrement, assure Anne-Sophie Mellet-Breton, chargée de mission DD à la ville de Romans-sur-Isère. Le DD est un enjeu un peu plus naturellement porté par les nouvelles générations. Les agents plus âgés ont peut-être plus de difficultés à faire évoluer leurs habitudes, à mettre en œuvre des méthodes alternatives. Il faut trouver la bonne entrée pour convaincre et échapper aux a priori. Un jour, on s’aperçoit que la personne s’est appropriée le changement. »
Au conseil général du Nord, les projets se sont développés sur un terreau favorable, car la majorité des agents étaient déjà sensibilisés à la question de l’environnement, grâce à la publication d’un Agenda 21 départemental. Une cellule Agenda 21 anime et décline l’ensemble des actions (dans le secteur social, etc.). Tous les bâtiments neufs sont certifiés haute qualité environnementale (HQE). « Cette décision a transformé notre manière de faire, assure José Cohen, directeur général adjoint chargé des transports et des bâtiments. Les techniciens et chefs de projet ont reçu une formation à la HQE, et une cellule énergie est chargée de la gestion des flux. Nous avons organisé neuf rencontres territoriales sur l’énergie pour les agents utilisateurs, avec la participation d’une troupe de théâtre. Désormais, les techniciens portent un regard différent sur les bâtiments, s’intéressant à l’économie des flux. »
Recrutement. Les collectivités recrutent aussi des profils spécialisés pour animer leur politique de développement durable. Dès 1999, la ville d’Angers a ainsi recruté un « chargé de mission développement durable », rattaché au directeur général des services techniques. La direction des grands projets du conseil général du Nord a recruté un spécialiste de l’énergie, ou encore, la région Alsace a recherché un « responsable du pôle développement durable de patrimoine ». « Ce libellé de poste est significatif, insiste Maurice Barth, directeur des services techniques de la région Alsace. La personne recrutée doit avoir de réelles compétences dans le secteur, car l’ensemble de notre patrimoine devra répondre à des enjeux d’efficacité énergétique et de développement durable. »
Ingénieur Insa de formation, Guillaume Cantagrel a d’abord été recruté à la direction de l’environnement de la mairie de Toulouse pour réaliser une évaluation et créer l’observatoire de l’environnement. Progressivement, il a été détaché de cette direction, pour être rattaché à une cellule développement durable. Cette petite équipe formée de trois personnes est directement missionnée auprès du DGST. « Ma mission, transversale, consiste à coordonner les 99 actions concrètes de notre Agenda 21. La cellule anime un réseau de quarante-deux référents développement durable, qui déclinent cette démarche dans chaque direction », raconte-t-il. A Toulouse, toute action, ou tout recrutement, inclut désormais la notion de DD : cette compétence est devenue incontournable.
Dans les collectivités de plus petite taille, les profils à la fois techniques et généralistes, capables d’animer et d’accompagner en douceur les changements induits par le DD sont parfois difficiles à dénicher au sein de la fonction publique territoriale. Ainsi, à Romans-sur-Isère, Anne-Sophie Mellet-Breton, chargée de mission développement durable, est contractuelle, pendant trois ans renouvelables, car la mairie n’a pu recruter un agent en interne pour cette fonction. Pour pouvoir embaucher ces profils, certaines collectivités sont aidées par les régions. Ainsi, la région Paca ne recrute pas en interne, pour ses propres services, mais elle soutient financièrement les collectivités qui souhaitent intégrer des profils formés au développement durable, notamment dans le secteur de l’énergie et de la gestion des flux. « Le développement durable irrigue progressivement l’ensemble des politiques publiques », assure Alix Roche.