Climatisation - Des data centers prennent un bain de fraîcheur

 

A Marseille, un échange de calories avec l'eau d'une ancienne installation industrielle est 30 fois moins énergivore qu'une solution de refroidissement classique.

 

Réservé aux abonnés
Image d'illustration de l'article
L’eau traverse le data center (DC) MRS2 (à dr.) grâce à des tuyaux déployés dans le bâtiment puis arrive sur la toiture. Pour MRS3 (à g.), à cause de la hauteur du bâtiment et de l’épaisseur des murs, l’eau chemine dans des tuyaux qui courent le long de la façade sud puis sur la toiture.

Dans la recherche constante de l'efficience énergétique et de la limitation de l'impact carbone de ses installations, le gestionnaire de centre de stockage de données Interxion France vient de franchir un nouveau pas. A partir de fin octobre, l'opérateur utilisera une solution de « river cooling » pour refroidir les deux derniers data centers (MRS2 et MRS3) créés sur le port de Marseille. Les conditions d'exploitation de ces installations imposent en effet de rafraîchir les serveurs informatiques. A cet effet, des armoires de climatisation sont installées dans les salles blanches qui abritent les serveurs, à leur proximité immédiate.

Elles véhiculent du froid produit par le système de « river cooling » et le distribuent sur la face avant des serveurs.

Mis au point avec l'aide technique de Dalkia Smart Building, le river cooling consiste à réaliser un échange de calories avec une eau douce à 15 °C en moyenne toute l'année. Cette eau provient de la Galerie de la Mer, longue de 14 km, qui a été construite de 1880 à 1920 par la Société des Charbonnages des Bouches-du-Rhône pour assécher une partie de la mine de lignite de Gardanne, au nord de Marseille. « Circulant depuis Gardanne jusqu'à la mer, l'ouvrage souterrain abrite deux caniveaux : dans l'un circule une eau chargée en fer restée sans usage, et dans l'autre coule l'eau de ruissellement que nous valorisons avec le river cooling », précise Linda Lescuyer, directrice Energie chez Interxion France.

Image d'illustration de l'article
PHOTO - 22931_1370518_k3_k1_3176840.jpg PHOTO - 22931_1370518_k3_k1_3176840.jpg

Ne pas impacter le milieu marin. Pour capter et faire circuler l'eau de la Galerie de la Mer, un bassin de rétention et une station de pompage ont été construits en amont des deux data centers, à 1,6 km environ. Une fois captée, l'eau est envoyée via des canalisations enterrées jusqu'au pied de chacun d'eux. Dans MRS2, elle poursuit sa route dans des tuyaux déployés à l'intérieur du bâtiment puis arrive sur la toiture. A ce stade, elle circule dans un réseau quadrillé par 12 échangeurs thermiques chacun bardé de capteurs pour réguler le débit de l'eau en fonction du besoin de rafraîchissement des serveurs dans un secteur donné. Une fois sa mission accomplie, l'eau part dans un tuyau retour. Au niveau du bassin de rétention, elle rejoindra la galerie souterraine pour repartir en direction de la mer à une température qui devra être inférieure à 30 °C pour ne pas impacter le milieu marin. Dans MRS3, le concept est le même avec des spécificités.

La conception du dispositif s'est accompagnée d'études d'impact, préalable nécessaire pour pouvoir pomper 1 500 m3 /h d'eau

Compte tenu de la hauteur du bâtiment (plus de 18 m de haut) et de l'épaisseur des murs, l'eau cheminera dans des tuyaux en inox, qui courent le long de la façade sud puis sur la toiture où le réseau est émaillé de 21 échangeurs thermiques.

La conception du dispositif s'est accompagnée d'études d'impact, préalable nécessaire pour pouvoir pomper 1 500 m3 /h d'eau. Une fois l'autorisation obtenue en mars 2019, Interxion a pu lancer le chantier en avril 2019. Dalkia Smart Building a construit le réseau jusqu'au pied des deux data centers, la station de pompage et le bassin de rétention. Les deux spécialistes du génie climatique, Cap Ingelec et Largier Technologie, étaient respectivement responsables sur MRS2 et MRS3.

Image d'illustration de l'article
PHOTO - 22931_1370518_k4_k1_3176841.jpg PHOTO - 22931_1370518_k4_k1_3176841.jpg

Maquette numérique 3D. Complexe dans sa conception, le dispositif l'a aussi été dans sa réalisation. « Il fallait notamment gérer sa cohabitation avec les autres machines et réseaux. Un data center regorge d'équipements de secours et de redondance pour assurer la continuité de son activité. En termes de coordination entre tous les corps d'état, il était donc essentiel de travailler en amont sur la base d'une maquette numérique 3D. Cela nous a permis d'identifier toutes les problématiques de passage des différentes tuyauteries », témoigne Jean Ramirez, président de Largier Technologie.

Par ailleurs, le débit important de l'eau véhiculée a imposé des tuyaux de gros diamètre (450 mm). « Cela a ajouté à la difficulté de leur pose dans un secteur, en l'occurrence l'enceinte du port de Marseille, déjà occupé par d'autres réseaux, dont certains ont dû être dévoyés », rappelle Jean-Christophe Clément, responsable de l'innovation chez Dalkia Smart Building.

Capable de développer une puissance thermique de 22 WM de froid sur une durée de fonctionnement de 8 760 h par an, la solution de river cooling devrait permettre d'économiser 18 400 MWh par an et serait 30 fois plus performante qu'une production de froid classique. Son coût, à hauteur de 15 millions d'euros HT, en partie pris en charge par l'Ademe et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, sera ainsi amorti dans la durée. Interxion France espère aller plus loin en exportant les calories générées par les équipements informatiques de MRS2 et MRS3 sur le réseau de thalassothermie Massileo créé par Dalkia Smart Building pour chauffer et refroidir des quartiers situés un peu plus au sud au sein de l'opération d'intérêt national Euroméditerranée.

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires