Le Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (Giec) a publié le 9 août le premier volet de son sixième rapport sur le climat. Plus précisément, c’est le groupe 1, spécialisé dans la physique du climat et co-présidé par Valérie Masson-Delmotte, directrice de recherches au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies (CEA), qui vient de rendre ses conclusions. Les principaux points clés du rapport, disponible sur le site du Giec, ont été présentés par les deux co-présidents lundi 9 août 2021.
Des conséquences irréversibles
Principale conclusion : les conséquences du changement climatique sont déjà irréversibles ! « La fonte des glaces, l’augmentation du niveau de la mer, le réchauffement des océans, leur acidification constituent des phénomènes longs qui vont se poursuivre pendant des siècles et même des milliers d’années », indique Valérie Masson-Delmotte. Dans ce rapport, plus de 60 chercheurs ont mis en évidence l’accélération de l’augmentation du niveau des océans – la fonte des glaciers s’accélère sans interruption depuis 30 ans -, tout comme celle de l’augmentation de leur température.
Les émissions de CO2 des bâtiments en France
En France, selon le rapport grand public du Haut conseil pour le climat paru en septembre 2020, les émissions de dioxyde de carbone liées aux bâtiments représentent 18,4 %, ce qui classe le secteur à la troisième place derrière les transports (30,8 %) et l’agriculture (19,4 %). La transformation d’énergie arrive en quatrième position avec 10,4 %, tandis que les déchets représentent, eux, 3,2 % des émissions de CO2.
A l’échelle du bâtiment, les émissions se décomposent en trois « scopes » dans le cadre de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) :
- Celles du bâtiment lui-même (le scope 1), via ses émissions directes, telles que les consommations d’énergie pendant sa phase d’usage (fioul, faz…) et les fuites de fluides frigorigènes.
- Celles liées à la production d’énergie pour les émissions indirectes (scope 2). Elles sont liées à la consommation d’électricité, de chaleur ou de froid, via les réseaux urbains.
- Enfin, les dernières émissions, également indirectes, sont liées à l’industrie (scope 3), en particulier à celles liées à la fabrication des matériaux et équipements mis en œuvre lors de la construction ou de la rénovation.
Enfin, selon le Rapport sur l’état de l’environnement en France mis à jour en 2019, les émissions de CO2 diminuent d’environ 2 % chaque année pour les secteurs résidentiels et tertiaire depuis 2009. Elles avaient fortement augmenté sur la période 1990-2009.
L'influence humaine sur le réchauffement climatique ne fait plus aucun doute
C’est désormais un fait avéré : les activités humaines sont responsables du réchauffement de l’atmosphère, des océans et des continents. L’augmentation des concentrations de gaz à effet de serre depuis 1750 est causée par les activités humaines. Depuis 2011, les concentrations ont continué d’augmenter pour atteindre les 410 parties par million (ppm) pour le dioxyde de carbone, 1866 ppm pour le méthane (CH4) et 332 pour l’oxyde nitreux (N2O). En 2019, les concentrations atmosphériques de CO2 étaient les plus élevées depuis au moins 2 millions d'années et les concentrations de CH4 et de N2O battent des records depuis au moins 800 000 ans.

Légende : Sur la figure de gauche, reconstruction des températures à partir des archives paléolithiques (ligne grise) et d’observations directes. Sur la figure de droite, les changements à la surface de la Terre depuis 170 ans (ligne noire) comparés à la période 1850-1900.
Limiter le réchauffement à 1,5 °C tient désormais de la gageure
« Le rapport montre que dans les vingt prochaines années, les températures moyennes à la surface de la Terre vont continuer à augmenter et dépasser les +1,5 °C par rapport à la fin du 19e siècle », indique Valérie Masson-Delmotte. Si les émissions mondiales se poursuivent au rythme actuel, le réchauffement atteindra les + 2°C au cours de deux prochaines décennies. Or, chaque demi-degré de réchauffement supplémentaire se traduira par une augmentation de la fréquence et de l’intensité des extrêmes climatiques chauds, des sécheresses, mais aussi des pluies diluviennes. Dans un monde à + 2°C, les experts du Giec indiquent que les seuils de tolérance critiques pour la santé humaine, l’agriculture et les écosystèmes seront plus souvent atteints ! De même, à chaque degré de réchauffement, les épisodes de pluies extrêmes s’intensifieront de 7 %.
Cela signifie qu’à moins d’une réduction immédiate, forte, rapide et à grande échelle des émissions de gaz à effet de serre, nous ne serons pas en mesure de limiter le réchauffement à 1,5 °C, comme le prévoyait l’accord de Paris de 2015.
Aucune région du globe n’est épargnée
Autre élément clé de ce premier volet du sixième rapport du Giec, le changement climatique affecte déjà toutes les régions du monde. Et chaque nouvelle tonne de CO2 émise accroit davantage les effets du réchauffement mondial de façons différentes. Certes, cela fait des décennies que les experts du Giec alertent sur l’augmentation des températures, mais ce nouveau rapport montre que le changement se déroule plus rapidement que prévu et concerne déjà toutes les régions de la planète, comme en témoignent les événements récents de l’été 2021, avec les dômes de chaleur qui ont concernés aussi bien l’Inde que le nord-ouest des Etats-Unis, des incendies dramatiques en Italie et en Grèce ou les inondations dans l’ouest de l’Allemagne.
Atlas interactif
Afin que chacun puisse visualiser les conséquences concrètes du réchauffement climatique dans sa région, le Giec vient de mettre en ligne un atlas interactif. Il prend en compte les nouveaux scénarios de réchauffement en fonction des émissions et propose ainsi quatre niveaux de réchauffement compris entre + 1,5 °C et + 4 °C. Chaque utilisateur peut sélectionner les paramètres à considérer qu’il s’agisse des températures ou des précipitations, mais également les jeux de données à utiliser, les variables à prendre en compte (températures moyennes, minimales ou maximales, nombre de jours au cours desquels le thermomètre dépasser les 35 °C, les 40 °C…), la période (2021-2040, 2041-2060, 2081-2100…) et la saison.
Par ailleurs, une large partie du rapport du groupe 1 du Giec est dédiée aux informations régionales.
Une seule solution : réduire les émissions de gaz à effet de serre
« En matière de réchauffement climatique, le CO2 constitue le gaz à effet de serre clé et il provient essentiellement de la combustion des énergies fossiles », rappelle Valérie Masson-Delmotte. Ces émissions sont presque parfaitement corrélées à l’augmentation des températures mondiales. La seule solution pour limiter le réchauffement climatique est de parvenir au zéro émission nette au niveau mondial. Elle poursuit : « Actuellement, environ la moitié de nos émissions de gaz à effet de serre sont stockées dans les puits de carbone naturels que constituent les arbres, les sols et les océans, or si nous continuons à émettre des gaz à effet de serre sur ce même rythme, ces puits de carbone ne pourront plus capter autant de CO2 qu’ils l’ont fait jusqu’à présent. »
A l’inverse, elle précise : « Si nous arrivons à atteindre le zéro émission nette en 2050 au niveau mondial, il sera fort probable que nous parviendrons à stabiliser le climat en deçà de + 2°C. » Dans ce cas, les températures baisseront progressivement pour que leur augmentation se stabilise aux environs de + 1,5 °C et cette période de dépassement ne sera que temporaire.
Enfin, si nous parvenons à réduire, non seulement nos émissions de dioxyde de carbone, mais aussi celles de méthane, cela sera bénéfique non seulement sur le climat, mais aussi sur la qualité de l’air.
Pour la co-présidente du groupe 1 du Giec : « Notre planète se réchauffe et elle se réchauffe rapidement avec des conséquences de plus en plus fortes et visibles partout dans le monde. Notre rapport est clair : il est possible de limiter réchauffement climatique en quelques décennies, à condition de prendre des décisions fortes dès maintenant. »