Instabilité politique, prudence des opérateurs économiques, baisse de la demande locative… Malgré les vents contraires à la rénovation de bâtiments tertiaires, Rénovia, filiale du contractant général Salini Immobilier, anticipe une croissance de 20% de son chiffre d’affaires (CA) sur ce marché en 2025. Soit son rythme de croisière depuis sa première année pleine d’activité en 2021.
Lors d’une année 2024 marquée par quatre mises en chantier, la filiale a réalisé un chiffre d’affaires de 10M€, soit 10% du résultat de sa maison-mère. En 2025, « quatre à huit rénovations » de parcs d’activité, usines et entrepôts logistiques seront lancées pour le compte d’investisseurs, comme la foncière Proudreed, ou de propriétaires occupants, des industriels ou des logisticiens, anticipe Philippe Deflesselle, directeur du développement de Rénovia.
Démolition et densification
Parmi ces chantiers à venir figure la transformation d’un site logistique en atelier de réparation de poids-lourds avec showroom commercial. Au menu : démolition et reconstruction de surfaces de bureaux, nouveaux systèmes de chauffage et de climatisation, réalisation de remblais pour combler certains quais…
PME de 65 salariés basée en Ile-de-France, le contractant général Salini Immobilier dispose de quatre implantations régionales, notamment à Beaurains (Pas-de-Calais) pour les Hauts-de-France à réindustrialiser. Sa filiale Rénovia opère du siège social au Bourget (Seine-Saint-Denis) et, depuis 2024, de l’agence de Lyon.
« Nos clients les plus actifs en ce moment sont les industriels intervenant sur des secteurs d’activité en croissance tel que l’aéronautique, commente Philippe Deflesselle. Ils ont besoin de s’agrandir et d’adapter leur immobilier à leur production. »
« A l’inverse, les foncières ont tendance à procrastiner, poursuit-il. Le marché locatif dans les parcs d’activité ou en immobilier logistique étant incertain, un grand nombre de ces dernières conditionnent la rénovation de leurs sites à l’identification d’un futur locataire à la fin des travaux. Sur les secteurs à potentiel, le temps est plutôt à l’acquisition de bâtiments à valoriser et aux études de différents scenarios de démolition-reconstruction-densification ou de restructuration, en attendant que l’horizon se dégage. »
Dans son fief francilien caractérisé par un manque de fonciers, Rénovia n’hésite pas à démolir afin de participer au développement des parcs d’activités R+1, au nom de la densification. Le maître d’ouvrage avec lequel la filiale de Salini Immobilier partage les risques financier et technique y trouve son compte : « Le béton, les granulats, les câbles électriques… sont récupérés et contribuent à faire baisser la facture totale », assure Philippe Deflesselle.
Si Rénovia dispose de références industrielles et logistiques, une diversification dans le bureau est envisagée. En priorité à Paris où la demande locative reste élevée comparée aux marchés franciliens périphériques, qui souffrent de suroffre.
« La rénovation se fait surtout par la contrainte »
Trois ans après la flambée des prix énergétiques qui a incité propriétaires et locataires à prendre la question des consommations au sérieux, « la rénovation se fait surtout par la contrainte », observe-t-il. Par exemple, quand le locataire se plaint d’un inconfort, la foncière se sent obligée d’investir car ses revenus locatifs sont menacés.
De son côté, le dispositif Eco Energie Tertiaire (ex-décret tertiaire) ne semble pas générer masse de travaux. « Le palier 2030 est facilement atteignable en changeant les comportements, par exemple éteindre la lumière, et en investissant dans des LED », illustre-t-il.
Seules les investisseurs institutionnels et entreprises cotées, qui ont des comptes à rendre à leurs actionnaires en matière de politique RSE, disent intégrer les objectifs de baisses des consommations énergétiques de ce dispositif, dont le point faible est de prévoir « des sanctions peu dissuasives », ajoute-t-il. Les amendes peuvent s’élever jusqu’à 1500€ pour les personnes physiques et 7500€ pour les personnes morales. Du « name and shame » sur un site internet des services de l’Etat sera également censé stimuler les assujettis.
Enfin, la mise en place d’un système de Gestion technique du bâtiment (GTB), obligatoire depuis cette année dans les bâtiments non résidentiels équipés d’un système de chauffage ou de climatisation dont la puissance est supérieure à 290 kW, participe à ce « mouvement de fond en faveur de la sobriété énergétique, sans toutefois se traduire en travaux », conclut-il. Problème : seuls 15% des 200 000 sites soumis au décret Bacs disposent d’une GTB.