« Entre l'hôpital et le cimetière, il manque des espaces personnalisés pour permettre aux familles et aux proches de réaliser le travail de deuil. » Cette remarque de Michel Haefelé, technicien territorial chargé des cimetières à la ville de Strasbourg, résume la réflexion municipale sur la mort.
Trois lignes directrices structurent cette démarche inspirée, à partir de 1993, par la suppression du monopole des Pompes funèbres : la création d'un équipement de qualité à l'échelle de l'agglomération, un montage juridique conciliant le maintien du service public et la présence de prestataires privés, une gestion des cimetières cohérente avec une vision apaisée de la mort dans la ville.
Dotées d'une enveloppe de 40,5 millions de francs TTC, la rénovation du crématorium et la construction du centre funéraire de la Robertsau, conçues par l'équipe de Bernard Oziol, marqueront, en 1999 et 2000, l'aboutissement le plus visible de cette réflexion.
« Strasbourg a la chance d'abriter l'un des plus anciens crématorium de France. Ouvert au public depuis 1922, il a répondu à une demande issue d'Alsace, de Lorraine, du Luxembourg et du Bade-Wurtemberg », rappelle Michel Schmitt, adjoint au maire et vice-président de la communauté urbaine de Strasbourg, délégué aux populations.
La présence de cet équipement explique l'importance étonnante de la demande, dans une ville réputée traditionaliste : avec 554 crémations en 1996, cette filière concerne plus de 30 % des opérations funéraires pour les seuls Strasbourgeois. De l'extérieur de la ville, le crématorium a répondu à une demande deux fois plus importante. L'acceptation de ce service réduit la pression foncière que connaissent de nombreuses municipalités pour répondre aux demandes d'extension de cimetières.
La rénovation du crématorium, entré dans le domaine de compétence de la communauté urbaine lors de sa création en 1966, prend en compte les normes environnementales allemandes, plus exigeantes que la réglementation française. La prise en compte de la psychologie du deuil a conduit à créer une salle de visualisation du four.
En amont du crématorium communautaire, le futur centre funéraire municipal traduit la même volonté à travers un cheminement progressif, depuis l'espace dédié aux cérémonies jusqu'au lieu de convivialité doté d'une fonction analogue aux salles paroissiales, de moins en moins utilisées : les proches du défunt s'y retrouvent pour boire un verre après la cérémonie.
Au coeur du futur bâtiment, la dizaine de chambres funéraires recrée l'espace dédié autrefois aux veillées : autour du mort, ceux qui restent prennent le temps d'intérioriser sa disparition pour pouvoir continuer à vivre. La location à l'année d'une minorité de ces chambres à des entreprises privées permettra aux familles endeuillées de choisir des prestations funéraires sur mesure, dans le cadre d'un montage juridique unique en France (voir encadré page 24).
En aval de cet équipement, la ville développe une gamme de possibilités pour offrir aux défunts leur dernier lieu de repos. « La loi autorise l'épandage des cendres dans n'importe quel lieu, sauf sur la voie publique. Nous avons cherché à créer un moyen terme entre la tombe et l'anonymat », indique Michel Haefelé.
Des jardins du souvenir dans les cimetières
Cette intention s'est traduite par la création de « jardins du souvenir » dans les cimetières : les vivants identifient leur proche par des rosiers ou des conifères. A partir de 1994, la ville a également doté ses cimetières d'un réseau de columbarium - tous différents les uns des autres - dont l'amortissement repose sur des concessions de 15 000 francs par case à urne, sur une durée de quinze ans.
En équipant chaque urne de systèmes d'attaches de fleurs, le concédant offre aux utilisateurs la possibilité d'inscrire leur marque et d'échapper à l'anonymat. Pour le tri sélectif des déchets verts et des résidus en plastique, la ville met en place des bacs spécifiques et intégrés au paysage.
Au-delà du service rendu aux familles et aux proches des défunts, le réseau de jardins et de columbarium s'inscrit dans une politique d'aménagement qui s'adresse à l'ensemble de la population. « La politique paysagère dans les cimetières vise à rendre à ces espaces une identité architecturale organisée autour du végétal et des points d'eau », rappelle Jean-Luc Lods, directeur des Pompes funèbres rhénanes après avoir assumé la direction de cette politique. La ville entend reprendre à son compte une tradition d'urbanisme allemande, qui intègre les cimetières parmi les espaces verts.
Les 1500 à 1800 visiteurs comptabilisés chaque jour sur le site de la Robertsau illustrent la demande à laquelle répond cette politique. Michel Schmitt (voir encadré) entend lui donner un coup d'accélérateur à partir de l'année prochaine : l'adjoint au maire annonce le démarrage d'un plan de 15 à 20 millions de francs pour le jalonnement, la rénovation des enceintes, des grilles et des portes, « pour redonner vie à l'histoire que racontent nos cimetières ».
FICHE TECHNIQUE
Maître d'ouvrage : Communauté urbaine de Strasbourg.
Maître d'oeuvre : La Como Bernard Oziol (architecte), Georges Fischer (architecte associé), Gérard Samuyello (architecte intérieur), SereteEst (bureau d'études techniques).
Shon : 2 500 m2 de travaux neuf, 800 m2 de réhabilitation.
Calendrier travaux neufs : Appel d'offres en mars 1999, début des travaux en avril, livraison en juin 2000.
Calendrier réhabilitation : Juin à décembre 2000.
Investissement : 40,5 millions de francs TTC.
MAQUETTE : Maquette et perspective du centre funéraire de la Robertsau.
Au premier plan, le centre funéraire conçu par Bernard Oziol.
Au fond, le crématorium achevé en 1922 par Paul Dopf et qui va être restauré. Au fond à droite, le cimetière.
PHOTO : Le jardin du souvenir de la Robertsau. A l'instar des municipalités allemandes, la ville de Strasbourg veut intégrer son cimetière parmi les espaces verts.
POUR EN SAVOIR PLUS...
Articles du Moniteur
« Prescriptions applicables aux crématoriums », décret no 98-209 du 18 mars 1998, « Le Moniteur » du 3 avril 1998, cahier Textes officiels, p. 393.
« Régime de TVA applicable aux opérations réalisées par les communes dans le domaine funéraire », instruction ministérielle du 15 janvier 1998, « Le Moniteur » du 13 février 1998, cahier Textes officiels, p. 353.
« Code pratique des opérations funéraires », 1996, Ed. Le Moniteur. T.1 : 320 pages, 340 F ; t.2 : 300 pages, 260 F.