Captage et stockage de carbone : les conditions de la réussite

Financement, soutien, investissements, exutoires, infrastructures… des acteurs du secteur listent les éléments qui permettront à cette technologie de compléter la décarbonation de l'industrie de manière efficace. 

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Les cimentiers n'ont d'autre choix que le CCS pour atteindre la neutralité carbone. Ici, la cimenterie Holcim d'Altkirch, près de Mulhouse.

Cinq cents personnes pour une table ronde consacrée au captage et stockage du CO2 (CCS) dans la décarbonation de l’industrie, c’est un beau score qui montre l’intérêt suscité par le sujet. « Cinquante sites industriels produisent à eux seuls 10 % des émissions de CO2 françaises et même lorsqu’on a activé tous les leviers de décarbonation possibles, il reste des émissions incompressibles pour lesquelles nous avons besoin de puits de carbone », rappelle Mickaele Le Ravalec, directrice économie et veille de l’Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (IFPEN), à l’origine de l’événement.

6 milliards de tonnes à capter d’ici 2050

Puis de carbone technologique, le CCS permet aujourd’hui d’emprisonner 45 millions de tonnes de CO2 au niveau mondial, mais pour atteindre la neutralité carbone, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) fixe la cible à 1 milliard de tonnes en 2030 et 6 milliards en 2050. « Le paquet européen Fit for 55, la révision du marché du carbone, l’augmentation du prix du CO2, la fin des quotas gratuits pour les secteurs les plus émetteurs d’ici 2034… conjugués à l’objectif de neutralité climatique nous obligent à investir maintenant et à adapter les outils industriels dans la décennie qui vient », souligne Julien Viau, chef du bureau des marchés du carbone et de la décarbonation de l'industrie au ministère de la Transition écologique.

Des contrats carbone pour différence

En France, l’Etat estime le potentiel de CO2 séquestrable à horizon 2030 entre 4 et 8,5 Mt par an et entre 15 et 20 Mt d'ici à 2050. Le gouvernement a publié cet été un projet de stratégie CCS qui devrait être finalisée pour le début 2024. Pour Julien Viau, « il reste deux points à trancher : « jusqu’où faut-il aller dans la régulation des réseaux de transport de CO2 et comment financer le déploiement du CCS ? » Le gouvernement évalue les charges supportées par les industriels émetteurs entre 100 et 150 €/tCO2 pour un investissement initial de 100 à 400 M€, un coût trop élevé par rapport au prix actuel de la tonne de carbone pour permettre aux industriels de conserver leur rentabilité. Le soutien de l’Etat pourrait alors se traduire par « un contrat carbone pour différence qui garantirait une rentabilité mais la forme exacte de l’aide est encore en discussion », explique Julien Viau.

Décarbonation du ciment

Holcim, qui détient une centaine de cimenteries dans le monde dont sept en France, s’est engagé à investir 2 milliards d’euros d’ici 2030 pour atteindre une capacité installée de 5 Mt/an. « C’est le seul moyen que nous avons de décarboner complètement nos activités », explique Maxime Butler, responsable du déploiement CCUS – U pour Utilisation – chez le cimentier suisse. Celui-ci représente « entre 40 et 50 % de l’effort nécessaire pour atteindre la cimenterie zéro carbone ».

Tension sur les exutoires

Mais la filière émergente se heurte à la difficulté de trouver des exutoires, qu’il s’agisse de stockage ou d’utilisation. « Les capacités n’y sont pas, regrette Maxime Butler, et c’est probablement ce qui freine les projets aujourd’hui ». Une situation d’autant plus pénalisante pour le monde du ciment qu’il se retrouve en concurrence pour les exutoires avec d’autres secteurs qui, eux, ont d’autres solutions pour décarboner leurs émissions », regrette le responsable d’Holcim qui souhaite des capacités réservées pour le secteur.

Hubs de liquéfaction

Maxime Butler s’inquiète également du développement des infrastructures de transport – tuyaux, bateaux et surtout des hubs de liquéfaction dans les ports pour convertir le CO2 amené en phase gazeuse à l’état liquide afin de la transporter jusqu’à son site de stockage. Des infrastructures très coûteuses mais indispensables car « la France n’a pas une connaissance suffisamment précise de son sous-sol pour stocker tout ce qu’elle veut capter », relève Julien Viau. Même si la zone de Lacq, le bassin parisien et l’offshore sont envisagés, « rien ne sera prêt d’ici 2030 ». Un seul horizon : l'export. 

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