Quelle marque d’identité souhaitez-vous imprimer au pôle Build & Connect dans sa nouvelle étape qui coïncide avec votre prise de fonction comme président ?
Le calendrier d’un pôle de compétitivité tel que le nôtre est en effet déterminé par les labellisations pluriannuelles attribuées par l’Etat. Nous l’avons reçue pour la période 2023-2026, constituant la 5e phase de l’histoire du pôle débutée en 2010(1). Je souhaite qu’elle soit celle du passage d’un pôle de conception à un pôle de réalisation, tourné en priorité vers les applications concrètes dans les entreprises de la filière du bâtiment et des secteurs qui lui sont associés. Telle est également la feuille de route fixée par le conseil régional du Grand Est, qui renouvelle et accroît son soutien financier. Nous constituons en quelque sorte son bras armé vers l’atteinte de ses objectifs de décarbonation à l’horizon 2030 et au-delà.
Pour ce pôle à « double détente », à la fois régional et national, quel est en fait le périmètre géographique adapté ?
Nous renforçons nos liens avec la collectivité région Grand Est et avec l’écosystème qui se déploie sur son territoire. En son sein, ayant constaté qu’une majorité de nos 230 adhérents sont Alsaciens, je souhaite concrétiser un rééquilibrage vers la Lorraine et la Champagne-Ardenne, qui représentent aujourd’hui environ 30 % des membres à eux deux. Nous prévoyons d’ouvrir une antenne en Lorraine, a priori à Nancy, en complément du siège à Illkirch en périphérie de Strasbourg.
Mais nous allons bien sûr continuer à cultiver les relations nouées avec d’autres pôles et clusters français de la construction durable [Novabuild à Nantes, Domolandes dans le Sud-Ouest, NDLR], d’autant que nous comptons environ 20 % d’adhérents situés au-delà du Grand Est. Et nous faisons partie d’un réseau transfrontalier de la ville durable avec des homologues et partenaires des pays voisins : Suisse, Allemagne, Benelux.
Les thématiques changent-elles ?
Fondamentalement, non. La nouvelle période, qui commence concrètement début 2024, se structure autour de cinq programmes de travail : décarbonation du parc immobilier par la massification de la rénovation, autour du programme national MassiRéno et de l’offre EnergieSprong ; économie circulaire et matériaux durables ; décarbonation des territoires et efficacité énergétique à partir, notamment, de notre nouveau réseau pluridisciplinaire le club Smart Grids Grand Est ; développement des compétences en association avec le Campus des métiers et qualifications régional « Ecoconstruction et efficacité énergétique », le Campus 3E ; numérique avec notre récent Institut du digital dans la construction.
« Notre relation aux élus locaux est trop distante, leur connaissance de nos apports à la fabrication de la ville est trop "de surface" »
Qu’est-ce qui évolue alors ?
Il y a, de façon générale, cette réorientation vers la « réalisation » que j’évoquais préalablement. Par ailleurs, notre relation aux élus locaux est trop distante, à mes yeux. Elle n’est, de loin, pas inexistante, mais leur connaissance de nos apports à la fabrication de la ville est trop « de surface », ils sont plongés dans le quotidien alors qu’ils pourraient aller plus en profondeur. C’est là que nous avons notre place, grâce à un fort accent à mettre sur l’innovation, au service de la maîtrise d’ouvrage. Nous devons aussi apporter des réponses plus pragmatiques aux entreprises de la filière, et pour mieux connaître leurs questionnements, notre équipe de 15 personnes va renforcer ses rencontres avec elles.
Le travail en partenariat est essentiel, et ce n’est pas qu’une posture. De l’étude sur son impact carbone, notre groupe immobilier Vivialys a conclu que celui-ci provenait pour seulement 3 % de l’activité interne, et donc que son amélioration dépendait à 97 % de nos partenaires externes. Ce qui rend impératif d’intensifier nos liens avec les énergéticiens et les industriels, par exemple, pour agir sur les énergies renouvelables ou les matériaux biosourcés. A l’échelle d’un pôle de compétitivité, c’est un peu pareil. Le mot d’ordre approprié serait : « ensemble », pour que, dans l’idéal, tout le monde connaisse ce que font tous les autres dans la chaîne de la construction, de la recherche académique au compagnon sur le chantier.
Dans notre organisation même, ma nouvelle présidence coïncide avec un changement de directeur général, Ismaïl Tahtaci succédant à Jean-Luc Sadorge, qui incarnait fortement le pôle et a pris sa retraite.
Le pôle s’identifie largement au salon biennal Build & Connect, au point d’en emprunter désormais le nom(1). Que réserve sa prochaine édition en 2024 ?
Des surprises ! Il se tiendra plus tôt dans l’année, en juin au lieu de novembre. Surtout, il va ajouter une dimension « B to C » à son profil aujourd’hui orienté presque exclusivement vers les professionnels. Notre équipe et notre comité organisateur travaillent à concevoir des rendez-vous très pédagogiques sur la rénovation énergétique des particuliers, ce que personne ne fait vraiment pour l’instant. On verra un philosophe tenir une conférence. La forme se veut plus simple : il s’agira d’être technique : les industriels, entreprises de mise en œuvre et start-up continueront à trouver la manne d’informations qu’ils viennent chercher à Build & Connect, mais pas que.
Quelle a été en fait votre motivation à postuler à la présidence, à la suite de Thierry Bièvre (groupe Elithis) ?
C’est un choix de cœur d’abord, notre groupe est membre depuis les débuts de Build & Connect et nous avons apprécié son expertise. Mais, dans le même temps, en intégrant le noyau dur de la structure, je fais la connaissance un monde plus nouveau pour moi, celui du secteur public et des collectivités dans leur fonctionnement interne. Et je découvre des ressources humaines exceptionnelles, des personnes compétentes mais aussi convaincues de ce qu’elles font au quotidien, avec lesquelles nous pouvons partager les valeurs qui fondent l’action de Build & Connect.
(1) Année de création du pôle Alsace Energivie, qui a fusionné avec le pôle Fibres en 2015 pour donner naissance à Fibres-Energivie, qui s’est rebaptisé Build & Connect l’été dernier.