Chargée de présenter le projet de loi économie circulaire devant les Sénateurs qui s'apprêtaient à débuter son examen en lecture publique, Brune Poirson avait choisi d'inscrire son discours dans le mouvement global de responsabilisation aux enjeux environnementaux et de critique de la consommation capitaliste.
"Le 21ème siècle me semble être caractérisé par deux crises, qui parfois s’expriment avec violence (...) : une crise sociale et une crise écologique", a-t-elle ainsi débuté.
"Crise sociale parce que la mondialisation économique telle que nous l’avons connue depuis les années 1990 a fait émerger des inégalités sociales croissantes (...) Crise environnementale ensuite parce que nul ne peut désormais ignorer la destruction accélérée de notre biodiversité, la hausse au niveau mondial des émissions de gaz à effets de serre".
Mais face à ceux qui représentent les collectivités, après avoir évoqué l'antiquité grecque et "le Kairos l’art de saisir une occasion, au bon moment, et de prendre une décision forte", elle a vite ramené le débat sur le terrain et mis l'accent sur le proverbial et très terre à terre "nerf de la guerre" : l'argent.
Un coût de 100 M€ par an pour les collectivités
Car c'est bien "l'indice prix" qui est le levier dont compte user le gouvernement pour faire passer le texte au Sénat.
"Ce projet de loi, il a été pensé dans l’intérêt des collectivités et des territoires. Tout d’abord parce que le projet de loi organise un transfert massif de charges qui reposent aujourd’hui sur les collectivités – et donc sur le contribuable – sur les administrés des élus, un transfert vers les filières économiques émettrices de ces déchets", a ainsi expliqué Brune Poirson.
Et de poursuivre : "L’extension du périmètre des filières pollueur-payeur, des filières à responsabilité élargie du producteur et les mesures pour lutter contre les dépôts sauvages représentent un gain de 500 millions d’euros par an pour les collectivités".
Ou encore : "Les déchets du bâtiment à eux seuls hors dépôts sauvages coûtent 100 millions d’euros aux collectivités".
Toujours histoire d'enfoncer le clou : "au-delà de l’impact financier, le dispositif mis en place dans le cadre de la REP bâtiment est profondément en faveur des collectivités".
Et Brune Poirson d'évoquer la mémoire du maire de Signes, de rappeler la réunion du 5 septembre avec les acteurs de la construction et de réaffirmer les principaux point évoqués à cette occasion : reprise gratuite des déchets du bâtiment triés au 1er janvier 2022 après une étude de préfiguration menée avec l’Ademe, système de traçabilité, observatoire national de la gestion des déchets, renforcement du maillage territorial des points de collecte.
Enfin, la secrétaire d'Etat a conclu son discours en citant Romain Gary : « l'inaccessible, on le fabrique soi-même ».
"Dépollueur-payeur" ?
Une phrase sur laquelle ne manqueront sans doute pas de rebondir les industriels du BTP qui justement fabriquent eux-même depuis des années leurs filières de traitement des déchets de la construction.
Ce qui explique sans doute pourquoi, à l'instar du président de la FFB, Jacques Chanut, "ils ne souscrivent pas au principe de la REP qui, telle que proposée pour ce secteur, pourrait coûter près de 2 milliards d’euros par an, une facture qui impacterait de facto les coûts de la construction". Et ce, même s'ils "sont pleinement en accord avec les objectifs poursuivis par les pouvoirs publics".
"Aucune analyse d’impact économique sérieuse n’a pu être faite sur les conséquences d’un basculement général des produits et matériaux de construction dans un système REP", attaque Jacques Chanut dans un communiqué publié la veille du discours de Brune Poirson.
Pour lui, "la loi doit permettre une approche différenciée de la problématique en s’appuyant sur l’analyse de la performance environnementale des filières existantes. Elle ne doit pas figer excessivement les choses, au risque de remettre en cause inutilement des schémas de collecte et de valorisation qui aujourd’hui fonctionnent".
Au risque que les industriels deviennent les premiers "dépollueurs-payeurs".