Après un mois de tractations, le couperet est tombé : le ministère de la Transition écologique et solidaire a annoncé une série de mesures (lire encadré) pour « améliorer la gestion des déchets de la construction et lutter contre les décharges sauvages, avant l'examen du projet de loi antigaspillage pour une économie circulaire au Sénat ». La méthode - acter des mesures avant un débat parlementaire - peut laisser songeur. Pourtant, pour Patrick Liébus, président de la Capeb, « ces décisions vont dans le bon sens, notamment sur l'augmentation nécessaire du nombre de points de collectes. En matière de gestion des déchets, il faut prendre des mesures radicales sinon le problème persistera ».
Même son de cloche à l'Unicem. « Toutes nos carrières et nos plates-formes de recyclage sont à disposition : 3 000 carrières en milieu rural, des unités de production de béton en milieu urbain soit 1 500 installations dédiées au recyclage et à la valorisation des déchets inertes, détaille Christophe Jozon, président de la commission économie circulaire de l'organisation. Si nous pouvons aider à traiter des produits autres que nos matériaux inertes sur nos installations, nous le ferons. »
Tensions autour du financement. Se pose toutefois une question : « Qui finance les points de collecte », demande Sophie Thomas, déléguée générale du Syndicat des tubes et raccords en PVC (STR-PVC), qui indique toutefois avoir des projets dans les cartons pour augmenter les lieux d'apport et améliorer le taux de recyclage des produits. Toutes les tensions sont cristallisées par la volonté du gouvernement d'instaurer une « reprise gratuite des déchets des professionnels en déchetterie, à condition qu'ils soient triés par grands flux de matière (ferraille, bois, gravats, etc. ) ». C'est ce que l'on appelle dans le jargon la responsabilité élargie du producteur (REP). « La gratuité, ça n'existe pas », oppose Franck Bernigaud, président de la Fédération du négoce de bois et des matériaux de construction (FNBM), qui estime que 80 % des points de vente de sa fédération se sont mis aux normes en nouant un conventionnement avec des interlocuteurs locaux (déchetteries par exemple) pour répondre aux obligations législatives en matière de reprise des déchets pour le négoce. Mais reprendre les matériaux de façon plus poussée, « c'est un vrai métier qui nécessite de recruter du personnel qualifié. Surtout qu'il est difficile, à première vue, de déterminer si une plaque est amiantée ou non ».
Structure interprofessionnelle. Par ailleurs, la mise en place d'une REP « n'aurait pas de sens car le secteur du bâtiment se compose d'acteurs trop différents avec des problématiques bien particulières. Avec l'instauration d'un tel système, le risque, c'est qu'une filière jugée trop polluante paie davan-tage que les autres, et que les fonds soient captés par une filière spécifique », redoute un professionnel. Pour Jacques Chanut, président de la FFB, la position du gouvernement s'est assouplie. D'abord, le mot REP n'a pas été cité, contrairement aux communications de cet été. Ensuite, « nous militons pour la création d'un système interprofessionnel, qui s'occuperait uniquement des points de collecte et de financer des aides à l'innovation en matière de valorisation », indique-t-il. Pour mettre en place cette structure, « nous souhaitons également une contribution prélevée sur une assiette large de produits et matériaux, y compris ceux qui sont importés et vendus dans les grandes surfaces de bricolage aux particuliers, pour imposer ceux qui travaillent au noir et ceux qui réalisent les travaux le week-end », poursuit-il. Espérons que l'étude de préfiguration confiée à l'Ademe réussira à mettre tout le monde d'accord.
