Ce matin du 11 juillet, les 22 000 m² du chantier de la couverture des voies de la gare d'Austerlitz, à Paris, sont déserts. Bien évidemment, l'opération, menée par Bouygues Travaux Publics (filiale de Bouygues Construction) n'est pas en pause. Mais les salariés de l'entreprise, eux, le sont ; même si c'est une récréation un peu particulière. Bouygues TP a en effet décidé d'arrêter ses chantiers durant toute la matinée pour échanger avec ses équipes sur les problèmes liés à la santé-sécurité sur les chantiers.
Encadrants, compagnons et sous-traitants se sont rassemblés dans une salle où leur sont proposés films, quizz ou photos de situations dangereuses à commenter. Addiction, risque routier, presqu'accidents, formation de sauveteur secouriste au travail... Plusieurs thèmes sont évoqués, et les compagnons réagissent. Ils semblent d'ailleurs bien informés sur les risques professionnels, et les questions posées par les animateurs (des membres de l'encadrement) trouvent vite une réponse. Chacune des personnes présentes porte un T-shirt floqué aux couleurs de l'opération : "Journée mondiale de la santé et de la sécurité".
Bouygues TP avait déjà monté une telle opération il y a deux ans. "Nous visons à réaliser une grande évolution culturelle au sein de l'entreprise : que la santé-sécurité devienne la priorité des priorités, affirme Philippe Amequin, directeur général délégué de la société. Ce genre de journée permet de montrer aux compagnons l'importance que la sécurité revêt pour la direction." Et de rappeler qu'un compagnon doit donner l'alerte à sa hiérarchie en cas de risque rencontré dans son travail, y compris si ce risque est entraîné par un ordre donné par son chef direct. Ou si on lui demande de réaliser une tache dans des délais trop courts. "Le salarié peut exercer son droit de retrait. Il sera soutenu par la direction, si, bien sûr, sa démarche est justifiée", assure Philippe Amequin.
Un pic d'accidents du travail à 11h du matin
A l'occasion de cette nouvelle mouture de la journée mondiale de la prévention, Bouygues TP compte redynamiser l'une de ses coutumes liées à la sécurité : les cinq minutes de pause à onze heures du matin. "Nous nous sommes aperçus qu'il y avait un pic d'accidents du travail à ce moment de la journée, explique Philippe Amequin. Nous avons donc décidé d'y instaurer une pause de cinq minutes depuis deux ans. Chaque salarié l'emploie pour vérifier qu'il travaille en sécurité." Les chefs d'équipe de Bouygues TP auront, à partir de maintenant, une petite fiche à remplir où ils devront s'assurer que tout est en ordre sur le plan de la sécurité (harnais, EPI, échafaudage...).
Une autre décision significative de la société, sur le front de la prévention, a été celle de séparer, il y a deux ans, les fonctions de préventeur et de superviseur prévention. Ce dernier est en charge des audits chantiers ; le préventeur, lui, travaille plus en amont, sur la préparation du chantier. Auparavant, le préventeur gérait ces deux aspects, comme dans la plupart des entreprises du BTP. "Le superviseur a tous pouvoirs sur le chantier, explique Philippe Amequin. Il peut déclencher une démarche de sanction à l'encontre d'un collaborateur." Bouygues TP, dont le taux de fréquence d'accidents du travail avec arrêt se situe aux alentours de 10, multiplie les visites de chantier sous un angle préventif : cela fait baisser le taux de fréquence.
Philippe Amequin se félicite enfin du fait que de plus en plus de maîtres d'ouvrage soient sensibles aux démarches prévention menées par les entreprises. "Cette préoccupation ne se limite plus aux clients industriels, habitués aux procédures de sécurité, observe-t-il. Et dans certains endroits, comme à Hong-Kong ou en Australie, la sécurité est pratiquement devenue un critère éliminatoire. Ca tire la profession vers le haut."