Décryptage

Bâtiment : croissance en vue pour la construction bois

La montée en puissance de la RE 2020 ouvrira des opportunités aux entreprises qui s'appliquent à refonder leur modèle.

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A l’instar d’OBM Construction qui a participé à l’extension du groupe scolaire Danielle-Mitterrand à Pierrefitte-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), livrée fin 2022, certaines entreprises de la construction bois se recentrent sur le tertiaire, plus porteur que le logement neuf.

Le bois se heurte à un plafond de verre. En témoigne l'étude du tissu économique des entreprises de la construction bois qui révèle clairement que le chiffre d'affaires des plus grosses sociétés ne dépasse pas les 50 M€. Ce constat n'étonne pas Samuel Minot, directeur général du groupe Minot, industriel et constructeur sur ce segment de marché : « La filière n'a ni acteurs majeurs, ni viabilité économique. Elle cherche toujours le bon modèle et les bonnes solutions. » Pour Luc Charmasson, ancien président du comité stratégique de la filière bois au sein du Conseil national de l'industrie, il faut regarder du côté des profils d'entreprises pour comprendre ces faiblesses structurelles : « Le secteur, atomisé, est composé d'entreprises familiales, moins enclines à la capitalisation, à l'investissement et à la prise de risques. » Un début de réponse, auquel s'ajoutent d'autres facteurs d'explication liés notamment à la réglementation de la construction. Conçue dans les années 1960, elle se fonde sur le modèle du parpaing, qui prévoit un paiement échelonné au fil du chantier. Or, les entreprises du bois, qui préfabriquent de nombreux éléments en amont, doivent aujourd'hui produire ces derniers avant d'être payés. Le cœur du problème reste la demande encore insuffisante. « En 2020, la construction bois représentait 6,5 % des parts de marché dans le secteur du logement », rappelle Samuel Minot. Un terrain de jeu encore trop restreint pour offrir des perspectives de développement.

Potentiel de marché. Néanmoins, le secteur peut compter sur la montée en puissance de la RE 2020 pour changer la donne. « Avec les seuils de 2025 et de 2028, le bois va devenir incontournable. Mais cela s'accompagnera, avec les moyens actuels, de surcoûts de l'ordre de 7 % par seuil », calcule Baptiste Dalle, économiste de la construction chez Korell. Et ce sans compter les coûts supplémentaires déjà présents découlant des « réglementations acoustique et feu qui complexifient les process et continueront de faire monter le prix de la construction bois », ajoute-t-il.

Pour trouver la voie d'une croissance durable, certaines entreprises et les fédérations ont décidé de prendre le sujet à bras-le-corps. L'Union des industriels et constructeurs bois (UICB) cherche ainsi à accélérer l'industrialisation de la production, un process à ce jour sous-employé en France. « Nous travaillons, pour certaines typologies de produits, à des formes de standardisation, avec des cahiers des charges communs », indique Dominique Cottineau, son délégué général. Un axe de développement prioritaire estime également Samuel Minot, ingénieur de formation : « A chaque fois qu'un architecte construit en bois, il investit un champ de conception systématiquement différent. Comme pour le béton, il faut arriver à standardiser le mode de conception. »

Au-delà de cette industrialisation, les acteurs du bois veulent aussi investir le champ de la prescription. « Les entreprises ont plus tendance à répondre à des appels d'offres qu'à formuler les offres elles-mêmes », observe Luc Charmasson. Renverser cette tendance pourrait faire gagner en rentabilité grâce à une meilleure maîtrise du prix et, finalement, un meilleur taux de marge. « Nous proposons depuis 2015 des systèmes constructifs adaptés aux bureaux et aux logements, illustre Franck Mathis, P-DG de Mathis. Aujourd'hui, ce segment pèse un tiers de notre chiffre d'affaires de la construction. » Ces changements mobilisent bien sûr leurs bureaux d'études mais ils impliquent aussi une démarche commerciale spécifique.

« Lobbying des majors ». Preuve du potentiel de marchéà venir : l'arrivée récente des majors qui ne semble pas pour autant troubler les acteurs historiques. « Nous profitons de leur puissant lobbying sur le bois, constate Tristan Lheure, directeur général d'OBM Construction. Et cela ne nous empêche pas de les battre sur certains projets. » Dans sa stratégie, l'entreprise mise d'ailleurs sur la construction des bâtiments scolaires en vue de capitaliser sur les meilleures performances offertes par la construction bois sur ce type d'ouvrage, comme sur les bâtiments tertiaires, agricoles, industriels et artisanaux, qui représentaient ensemble 16,8 % du marché en 2020.

Aujourd'hui, les acteurs expérimentent et s'adaptent (lire encadré ci-dessous), forts d'une certitude : « Le bois n'est plus le lot de la construction alternative, il est devenu totalement légitime et incontournable », conclut Dominique Cottineau.

Des entreprises en manque de rentabilité

Une étude de la Banque de France sur la filière bois Grand Est publiée en juin 2022 montre que, dans la région, le secteur de la construction bois a un taux de marge de 4,3 %, contre 5,3 % pour les entreprises de construction en général en 2020. Frédéric Marbaix, référent de l'étude à la Banque de France, expliquait alors en partie ce phénomène au « Moniteur » : « Le coût de main-d'œuvre est sensiblement le même. La différence vient de la valeur ajoutée dégagée par salarié. Il semble toutefois que le problème se situe moins au stade du rendement de la main-d'œuvre sur les chantiers qu'en amont, lors de la négociation du prix de vente : celle-ci rogne davantage les marges et ne valorise pas assez le savoir-faire de la filière. » Une analyse partagée par Thibaud Surini, prescripteur bois-construction à Fibois Grand Est : « On continue de se heurter à un frein culturel des commanditaires à payer un prix du matériau bois qu'ils jugent élevé, même hors période de tension. »

Objectifs : diversification et rénovation

Lors de son point conjoncturel d'avril, la FFB a annoncé une baisse des permis de construire de 26,7 % à mars sur les trois derniers mois. La stratégie de Frédéric Carteret, président du groupe MMC, illustre bien la réaction du secteur de la construction bois face à la conjoncture. Ce dirigeant, à la tête de cinq entreprises du bois (dont Ami Bois) et de l'UICB, a engagé en ce mois de mai une restructuration de son entreprise : « Nous voulons monter en puissance sur la rénovation et l'extension. Notre marque Rénov Evolution doit devenir le fer de lance du groupe. » Et les objectifs sont clairs pour Frédéric Carteret : « Nous voulons que nos trois secteurs d'activité - le neuf, la rénovation et le tertiaire - soient équilibrés en termes de chiffre d'affaires. » De même, OBM Construction ne reste pas sur ses acquis. Son dirigeant de 37 ans, Tristan Lheure, qui, à la différence de ses aïeux ingénieurs, a suivi une formation en école de commerce, développe ses propres idées. « Cette année, l'objectif est de se positionner sur le marché de la rénovation via la croissance externe », explique-t-il. A cela s'ajoutent une nouvelle gamme de chalets issue de sa R&D, le développement du réemploi, de futurs investissements dans son outil industriel, etc. Tristan Lheure fait partie de cette génération de dirigeants qui se risque à de nouveaux marchés et promeut un nouveau modèle d'entreprise : « Nous avons ouvert notre capital à nos salariés (8 %) ainsi qu'à BPI France et au Crédit Agricole (41 %). » Une démarche qui doit accompagner une forte croissance : le chef d'entreprise ambitionne de devenir une ETI générant 80 M€ de chiffre d'affaires, contre 50 M€ pour l'heure.

« Nous devons former les architectes et les entreprises générales à penser en bois. Jusqu'à présent, nous nous contentions de suivre. Désormais, nous voulons proposer des projets », résume Frédéric Carteret. Son groupe, MMC, qui a enregistré 30 M€ de chiffre d'affaires en 2022, vise 50 M€ d'ici cinq ans.

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