« La maîtrise du foncier est la principale contrainte de la chaine de production de logement » expose Damien Botteghi, directeur de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP), au ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires à l’occasion du colloque organisé par le Conseil d’Etat le08 novembre 2023 sur le thème « La norme, frein ou moteur pour le logement ? ». C’est aussi le sens du propos du vice-président du Conseil d’Etat, Didier-Roland Tabuteau, qui observe que « la limitation du foncier complique l’atteinte des objectifs de production de logements ».
Le ZAN : un épouvantail
Dans ce contexte, le ZAN aurait pu faire office de coupable idéal, le DHUP reconnaissant d’ailleurs qu’il rendra l’accès au foncier « encore plus concurrentiel ». Mais de nuancer aussitôt : « La tension foncière actuelle n’est pas d’abord due au ZAN, la volonté et la nécessité de sobriété existait déjà. D’ailleurs, pour les grandes villes et les villes moyennes, le ZAN n’est pas une difficulté ; en revanche, c’est plus compliqué dans les zones rurales et péri-urbaines ».
Constat similaire par Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse (01) et président de Grand Bourg Agglomération : « C’est essentiellement l’étalement périurbain qui sera concerné par les efforts ». L’élu y consent mais exhorte à ce que la norme soit prévisible et applicable, or « sur le ZAN, le compte n’y est pas ». Il déplore ainsi les atermoiements et les modifications successives du texte, rappelant au passage que les décrets d’application ne sont toujours pas définitifs. Il regrette aussi qu’ait été retenu le Sraddet comme première strate d’intégration des objectifs (avant d’être décliné aux échelons inférieurs). Cela crée des incertitudes, car « pour connaître la règle, il faudra attendre que le Sraddet soit mis en comptabilité », et ce d’autant plus lorsque son président de région a fait part de sa volonté de « sortir du ZAN ». Autant de facteurs d’inquiétudes dommageables s’agissant d’une norme qu’il estime « indispensable et vertueuse ».
Démembrer et préempter
Qui dit raréfaction dit aussi augmentation du prix, c’est l’analyse d’Eric Lombard, directeur général du groupe Caisse des dépôts, et de Boris Cournède, chef par intérim de la division de l’économie publique à l’OCDE. Face au risque de spéculation sur le foncier et alors que, comme le relève Damien Botteghi, « l’appropriation des terrains peut devenir conflictuelle », la solution pourrait résider dans les mécanismes de démembrement foncier/bâti. Le DHUP constate qu’ils sont de plus en plus plébiscités, à l'instar du bail réel solidaire (BRS). L’occasion pour Damien Botteghi de rappeler que la DHUP travaille actuellement sur les décrets d’application du BRS d’activité (BRSA), créé par la loi 3DS de 2022 et qui ouvre le BRS aux secteurs commerciaux et professionnels. Et de constater que beaucoup d’aménageurs publics commencent à réfléchir à recourir au bail plutôt qu’à la cession, les foncières privées s’organisant elles aussi sur ce sujet.
Autre piste pour contrer la hausse du prix : consacrer un droit de préemption à objet exclusivement foncier. Jean-François Debat l’appelle en tout cas de ses vœux : « Le droit de préemption urbain tel qu’il est encadré aujourd'hui n’est plus adapté à la situation actuelle dans laquelle des promoteurs privés se jettent sur des terrains avec l’objectif d’en constituer des réserves avant de les revendre à prix d’or ». Côté DHUP, on ne ferme pas la porte. « Nous pouvons avoir cette réflexion d’un droit de préemption en contestation de prix » indique Damien Botteghi, qui rappelle que ce mécanisme existe déjà dans le droit français : les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) peuvent préempter un terrain agricole pour « éviter la surenchère des prix ».