Fiche pratique

Le bail réel solidaire d'activité, un nouvel outil

Afin que les opérations des organismes de foncier solidaire (OFS) gagnent en mixité, la loi 3DS du 21 février 2022 leur a permis de réaliser et de céder, à titre subsidiaire, des locaux d'activités, dans des conditions similaires à celles du bail réel solidaire (BRS). Dans le prolongement, l'ordonnance n° 2023-80 du 8 février 2023 a créé le cadre législatif du bail réel solidaire d'activité (BRSA), aux articles L. 256-1 et suivants du Code de la construction et de l'habitation (CCH).

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L'objectif de ce nouvel outil est de favoriser l'installation de certaines entreprises ou activités, dans des conditions économiques durablement maîtrisées. Comme le BRS, le BRSA repose sur un bail de longue durée avec un caractère rechargeable après chaque cession, la prise en charge par le preneur de tous les travaux et de toutes les charges, et la faculté de pouvoir céder les droits réels sous certaines conditions. Toutefois, si le régime du BRSA emprunte quelques caractéristiques au BRS, il présente également certaines spécificités.

Qui sont les parties au contrat ?

Le BRSA est consenti par un OFS, soit directement à une microentreprise (au sens de la recommandation 2003/361/CE de la Commission du 6 mai 2003, c'est-à-dire une entreprise qui emploie moins de 10 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel ou le total du bilan annuel n'excède pas 2 millions d'euros [1]), soit à un opérateur qui s'engage à louer ou à vendre les droits réels attachés au local à une microentreprise.

S'agissant des microentreprises, l'ordonnance prévoit la possibilité pour l'OFS d'exiger le respect par ces sociétés de critères complémentaires. Ces conditions spécifiques d'éligibilité pourront notamment être fondées sur le chiffre d'affaires, le statut ou le type d'activité. Elles seront fixées par un décret en Conseil d'Etat.

S'agissant de l'opérateur, il pourra être soit celui retenu au titre du BRS, soit un établissement public ou une entreprise publique locale (2) constituée à l'initiative des collectivités.

Quel que soit le montage retenu, le choix de l'occupant du local sera effectué après une publicité préalable qui devra être réalisée soit par l'OFS, soit par l'opérateur (), dans des conditions de délais et de forme qui seront définies par un décret.

Le titulaire du bail doit-il occuper le local personnellement ?

Lorsque l'OFS consent un BRSA à une microentreprise, le local doit être occupé personnellement par le titulaire du bail. La sous-location est interdite (). Le preneur peut céder ou transmettre ses droits à une autre microentreprise, sous réserve du respect d'un plafond de prix et de l'agrément préalable de cet acquéreur par l'OFS ().

Quid des droits et devoirs de l'occupant lorsque le BRSA est consenti à un opérateur ?

Quand le BRSA est conclu avec un opérateur qui s'engage à louer, l' prévoit un contrat d'occupation spécifique dérogatoire au bail commercial. L'occupant ne peut ni céder le contrat d'occupation, ni sous-louer le bien.

Ce contrat d'occupation doit notamment reproduire les dispositions des articles à du CCH et mentionner la date du terme du BRSA et son effet sur le contrat d'occupation. A défaut, l'occupant peut demander l'annulation du contrat ou la réduction du loyer. Afin d'assurer l'information de l'occupant, il est également prévu que le preneur lui remette la copie du BRSA.

Pour quelle durée un BRSA peut-il être conclu ?

L'ordonnance fixe la durée du BRSA entre douze et quatre-vingt-dix-neuf ans (). En revanche, aucune durée n'est fixée pour le contrat d'occupation conclu par l'opérateur. L'article L. 256-3 prévoit simplement que « le contrat d'occupation s'éteint de plein droit au terme du bail réel solidaire d'activité ». Celui-ci pourrait donc être conclu pour la durée du BRSA ou pour une durée moindre. Reste qu'au regard de l'objectif poursuivi, la durée du contrat d'occupation devra être suffisamment longue pour permettre la création d'une activité économique.

Des droits et obligations proches du bail réel solidaire…

Comme en matière de BRS, le preneur d'un BRSA est tenu de toutes les

charges(). Il peut ainsi avoir l'obligation de construire ou de réhabiliter des constructions existantes. Il doit maintenir en bon état d'entretien et de réparation les constructions exis-tantes lors de la conclusion du bail et celles qu'il réalise pendant la durée de celui-ci. Il est tenu des réparations de toute nature. Il n'a toutefois pas l'obliga-tion de reconstruire les locaux s'il prouve qu'ils ont été détruits par cas fortuit, force majeure, ou qu'ils ont péri par le vice de la construction antérieur au bail.

On notera que l'ordonnance ne précise pas que le preneur doit supporter toutes les charges de copropriété.

… mais pas identiques

Empruntant au bail commercial, l'ordonnance prévoit la possibilité, dans le cadre d'un BRSA, de contrôler la destination des lieux et des activités exercées par le preneur et de moduler la redevance en fonction de la situation de ce dernier ().

L'OFS peut ainsi déterminer la destination des lieux, la ou les activités autorisées et, le cas échéant, les activités accessoires qui peuvent être exercées dans les locaux régis par un BRSA. Tout changement de destination des lieux ou des activités est subordonné à l'accord préalable du bailleur, qui devra être sollicité dans un délai d'un mois avant ce changement.

Contrairement à un bail commercial, d'une part, le bailleur du BRSA n'a pas à justifier son refus d'un changement de destination, d'autre part, il n'est prévu ni la faculté d'adjoindre des activités connexes ou complémentaires sans autorisation du bailleur, ni la possibilité d'obtenir en justice la transformation totale ou partielle de l'activité en cas de refus du bailleur.

Le preneur doit verser un prix de cession et une redevance. La méthode de fixation des plafonds de prix de cession des droits réels doit être définie par décret en Conseil d'Etat, l'ordonnance prévoyant uniquement la prise en considération des prix du marché constatés pour des biens comparables et la possibilité pour l'OFS d'appliquer des seuils inférieurs, en fonction de ses objectifs et des caractéristiques de chaque opération ().

S'agissant de la redevance prévue au titre du BRSA, elle pourra être constituée d'une part fixe (le cas échéant indexée sur une référence de prix) et d'une part variable qui pourra être modulée en fonction de l'évolution de la situation du preneur et notamment des gains tirés de l'exploitation du local (). Les modalités d'application de ces dispositions doivent être fixées par décret en Conseil d'Etat. Par rapport à un bail commercial, les textes ne prévoient pas la possibilité pour le preneur du BRSA de demander la révision de la redevance.

De quelle façon la transmission des droits est-elle encadrée ?

Comme en matière de BRS, la vente ou la donation de droits réels afférents au bien objet du BRSA est subordonnée à l'agrément de l'acquéreur ou du donataire par l'OFS ().

Outre la vente, l'ordonnance prévoit les hypothèses de transfert du patrimoine, d'apport en société, de fusion et de

scission de sociétés, de transmission universelle de patrimoine et d'apport d'une partie de l'actif (). Elle est, toutefois, muette sur les consé-quences d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire du preneur.

En cas de décès du preneur, de transfert du patrimoine professionnel de l'entrepreneur individuel ou de transfert du patrimoine affecté de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, les droits réels afférents au local objet du BRSA sont transmis à l'ayant-droit. Dans l'hypothèse où l'ayant-droit ne serait pas éligible au bail, il aura douze mois pour céder ces droits réels à un acquéreur éligible et agréé par l'OFS. À défaut de cession dans ces délais, le BRSA sera résilié et l'ayant-droit sera indemnisé par l'OFS ().

La valeur du fonds de commerce est-elle prise en compteen cas de transmission des droits ?

Si l'ordonnance prévoit un encadrement du prix de cession, le BRSA se distingue du BRS par la prise en compte du fonds de commerce développé par le preneur. Les éléments relatifs à ce fonds figurent dans le dossier que doit transmettre le cédant au titre de l'agrément lorsque la vente porte à la fois sur le BRSA et sur le fonds.

Ainsi, en cas de refus d'agrément lors d'une cession ou d'une donation, l'acquéreur désigné par l'OFS doit racheter le fonds faisant l'objet de la même cession ou donation (). En l'absence d'accord entre les parties au bail dans les six mois suivant la demande du cédant, le BRSA peut être résilié conventionnellement et le preneur est indemnisé, dans les conditions prévues par le bail, non seulement de la valeur de ses droits réels immobiliers, mais également du fonds existant. Cette indemnisation porte notamment sur sa valeur marchande, déterminée suivant les usages de la profession.

Une indemnisation au titre de la valeur du fonds, que le preneur aura créé et développé au sein des locaux, est également prévue en cas d'exercice par l'OFS du droit de préemption ou en cas de résiliation du BRS ().

Quels sont les textes d'application attendus ?

L'ordonnance prévoit un décret d'application afin de préciser la méthode de fixation des plafonds de prix de cession () ; les critères d'éligibilité des microentreprises (art. L. 256-2) ; les modalités de fixation des plafonds et d'évolution des loyers (art. L. 256-3) ; les délais et les formes des publicités préalables (art. L. 256-5) ; les modalités d'actua lisation de la valeur initiale en cas de mutation (art. L. 256-6) ; et les modalités de calcul de la redevance (art. L. 256-8).

Ce qu'il faut retenir

  • Le bail réel solidaire d'activité a été créé sur le fondement de la loi 3DS par une ordonnance du 8 février 2023. Objectif : favoriser l'installation de certaines entreprises ou activités, afin de développer la mixité au sein des opérations des organismes de foncier solidaire.
  • Ce dispositif permet la prise en charge par le preneur de tous les travaux et charges.
  • D'une durée de douze à quatre-vingt-dix-neuf ans, il est rechargeable après chaque cession. Il s'adresse aux microentreprises, soit comme titulaires des baux, soit comme occupantes d'un preneur tel qu'un établissement public ou une entreprise publique locale.
  • L'ordonnance prévoit la possibilité de contrôler la destination des lieux et des activités exercées par le preneur et de moduler la redevance en fonction de la situation de ce dernier. Elle encadre également les modalités de transmission des droits réels.

(1) Voir l'article 2 (effectif et seuils financiers définissant les catégories d'entreprises) du titre I de l'annexe de la recommandation de la Commission du 6 mai 2003 concernant la définition des micro, petites et moyennes entreprises (2003/361/CE) N° C(2003) 1422. (2) Société d'économie mixte locale (SEML), société publique locale (SPL) ou société d'économie mixte à opération unique (Semop).

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