Depuis plusieurs mois, la vie politique et économique de la région est dominée par trois lettres : LGV. En effet, le montant colossal de la participation demandée aux collectivités locales pour la construction des lignes Tours-Bordeaux, Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Sud Aquitaine fait débat entre tous les décideurs.
Économie régionale
A l’instar de la météo des vacances et des chiffres en demi-teinte du tourisme, le climat économique de cette année est plutôt maussade. L’agriculture et l’agroalimentaire, piliers de l’activité de la région, n’affichent pas un franc sourire : les millésimes de Bordeaux et des autres appellations seront juste dans les normes de qualité et de quantité, les cours du maïs se sont effondrés et, pour la première fois, la consommation de foie gras par les ménages baisserait de 4 % après des décennies de progression. Dans l’industrie, toute l’attention se porte vers Blanquefort, en Gironde, où 2 000 emplois directs sont menacés si Ford ferme sans aucun repreneur, vers la fonderie FumelD en sursis jusqu’en décembre avec plus de 300 emplois à la clé, et vers Cuzorn, en Lot-et-Garonne, où près de 300 départs ont été nécessaires en septembre pour assurer la rentabilité et la survie des Parquets Marty, marque emblématique du département. Des crises qui éclatent sur un fond de remontée du chômage supérieure à la courbe nationale.
Des embellies locales
Dans cette grisaille, quelques zones connaissent une légère embellie tel le sud de la région avec l’arrivée de deux usines métallurgiques près de l’Adour (300 emplois dans les deux ans) et la bonne tenue du secteur de l’aéronautique (système embarqué en Gironde et motorisation avec Turboméca), des filières aux salaires plus élevés que la moyenne.
Économie du BTP
Les élus locaux devraient laisser, durant encore quelques mois, les ciseaux à inaugurer dans leur étui. Comme dans tout le pays, les mois de campagnes électorales de 2007 et 2008 ont différé les projets d’équipements et les dossiers de construction, tant de bâtiments publics que de logements sociaux, commencent tout juste, en novembre, à être discutés au sein des nouveaux conseils municipaux ou intercommunaux.
Avant la reprise des commandes publiques locales, les conseils régionaux et généraux assurent tout de même un bon volant d’activité. Le conseil régional va ainsi poursuivre sa politique de rénovation et de restructuration des lycées. A l’approche de l’échéance de 2010, les fonds débloqués poursuivent leur hausse : ils sont passés de 107 millions d’euros en 2007 à 112 millions en 2008 et, pour 2009, l’enveloppe devrait atteindre 120 millions d’euros. Dans certains départements, les budgets alloués à la construction ou la rénovation des collèges progressent eux aussi notablement (21 millions dans les Pyrénées-Atlantiques). Mais la tendance générale 2008 serait plutôt orientée à la baisse (- 2 %): les collectivités régionales, départementales, les 42 plus grosses communes et les intercommunalités pourraient avoir passé des commandes pour un montant global de 1,424 milliard d’euros.
Des projets suspendus à la LGV
L’autre motif de réflexion et d’attentisme chez les élus tient en trois lettres : LGV. La construction de la ligne TGV Tours-Bordeaux, puis son extension vers Bayonne et Pau, domine les débats depuis un an et devrait encore peser longtemps sur les décisions. Car, pour le sud de la région, les chiffres sont impressionnants : le chantier reviendrait à plus d’un milliard et demi d’euros. Contrairement aux règles de financement passées, les collectivités locales devraient mettre la main au porte-monnaie. Dans les discussions particulièrement âpres qui animent toutes les institutions, des chiffres impressionnants circulent : 138 millions pour le conseil général de la Gironde, 230 millions pour celui des Pyrénées-Atlantiques. Pour la Communauté d’agglomération de Bayonne, une contribution de 65 millions obligerait à un emprunt remboursé pendant 50 ans à raison de trois millions d’euros par an. Si la Région n’annonce pas de hausse d’impôt pour 2009, certains conseils généraux en prévoient de substantielles et des maires ont déjà décidé de ramener les investissements à un niveau plus compatible avec la crise et les enjeux du futur. Cependant, en filigrane de ce projet, se profilent des réalisations d’ampleur exceptionnelle : un afflux de population dans le sud de la région et, autour de la gare Saint-Jean de Bordeaux, le futur quartier Euratlantic avec ses (premiers) 2 000 logements et ses 300 000 m2 de bureaux.
Six mois d’attente pour la rénovation
Pour les logements, la fin de l’année voit un effondrement des transactions (- 30 % selon la chambre des notaires) et une forte baisse des prix (- 10 %) sauf sur le littoral basque et dans quelques grandes villes comme Bordeaux ou Pau. « Avec le déstockage actuel auquel se livrent les promoteurs, l’ancien n’a pas la cote, sauf à Bordeaux, car les prix du neuf chutent. Mais dans six mois, au rythme de ralentissement des mises en chantier et si le taux de TVA est maintenu à 5,5 %, nul doute que les acquéreurs vont se tourner vers les logements anciens et se lancer dans la rénovation », estime Vincent Destruhaut, président régional de la Fnaim. Une période qui va paraître longue à la filière, d’autant que le marché de la rénovation souffre également de la désaffection des Britanniques pour l’immobilier de la région. Anticipant la crise des subprimes, cette clientèle a quitté l’Aquitaine pour d’autres cieux : certains agents immobiliers du Lot-et-Garonne ou de Dordogne ont vu la part anglaise passer de 70 % à 30 % dans leur portefeuille.
Un bon rythme de croissance du parc commercial
Si l’activité dans l’immobilier et le bâtiment a sensiblement ralenti, les accords pour des extensions ou des créations de surfaces commerciales spécialisées en matériaux ou bricolage représentent, selon les chiffres des différentes commissions départementales d’équipement commercial, un bon niveau avec plus de 30 000 m2 durant les trois premiers trimestres de l’année. La Dordogne arrive en tête avec 12 200 m2, suivie de la Gironde avec 9 500 m2, les Landes (6 300 m2) et les Pyrénées-Atlantiques (4 000 m2).
L’industrie espagnole mise sur la région
Au rang des évolutions de la profession, les négoces indépendants du sud de la région assistent à l’arrivée de nouveaux fournisseurs – dans le secteur des plaques notamment. « Avec la crise immobilière qu’ils connaissent depuis plusieurs mois dans leur pays, des industriels espagnols essaient actuellement de développer des marchés localement et sont de plus en plus présents ici », explique Jean-Marc Larrouy, directeur de Bâtiland-Larrouy à Oloron-Sainte-Marie.
Pour les négociants en bois, « il y a eu arrêt de quelques grands chantiers, qui ont généré une inquiétude certaine. Depuis le printemps, c’est plutôt calme », explique Olivier Bouney, négociant à Anglet. Quant à l’émergence ou la montée en puissance d’une filière bois landaise, le sentiment dominant dans la profession est que « tout donne l’impression d’avancer au ralenti ».
Des mesures pour anticiper la baisse
Pour les négociants en matériel électrique, la cassure d’août (- 10 %) n’empêche pas un cumul annuel positif de 2,2 %, meilleur qu’au plan national. Mais les sociétés anticipent une baisse d’activité en entamant des regroupements d’agences afin d’ajuster les ressources. Reste à savoir si ce ralentissement va également toucher les entreprises indépendantes qui, dans les Pyrénées-Atlantiques surtout, avaient ces trois dernières années investi dans des centrales à béton, voire des ateliers de charpente. La baisse du coût des transports pourrait, paradoxalement, réduire la rentabilité de ce type d’investissements.