Amérique latine Vers un redémarrage de la construction

-Les indicateurs du BTP sont au beau fixe dans la plupart des pays d'Amérique latine, tirés par les marchés en concession.

Au Mexique, le secteur a progressé de 11,4 % en 1996 et la croissance de la production en volume devrait atteindre 10 % cette année. La Colombie table sur 6 % en 1997. Une étude récente de Santander Investments annonce + 12 % en 1997 en Argentine et 8,2 % en 1998. Même Cuba participe à la relance avec + 30 % l'année dernière. Certes, le Pérou et le Venezuela ont affiché des baisses en 1996, mais le BTP à l'échelle de la région a augmenté de l'ordre de 4 à 5 % en 1996 et une progression similaire est attendue cette année.

Comment expliquer un tel redémarrage, alors que la plupart des économies de la région connaissent encore une situation fragile ? C'est la conséquence d'abord de la généralisation des concessions d'infrastructures. Les Etats ne pouvant plus investir, faute de moyens financiers, le secteur privé est appelé à la rescousse. Cette nouvelle stratégie a mis du temps à se mettre en place mais c'est désormais une réalité dans les télécommunications, les routes, l'eau, les ports et l'électricité. Du coup, les nouveaux adjudicataires, pressés de rentabiliser au plus vite leurs concessions, accélèrent les investissements, ce qui profite à l'industrie de la construction.

La manne des concessions et de la gestion déléguée

Les routes constituent un excellent exemple de cette situation nouvelle. En Colombie, quatorze routes ont été concédées au secteur privé, ce qui a induit une relance des investissements que l'Etat ne pouvait plus entreprendre (il n'y a plus d'entretien du réseau routier depuis plusieurs années). L'Argentine a développé un vaste programme de concessions. Et les autres pays s'y mettent, comme le Brésil. Fait significatif, le Venezuela a signé à la fin de l'année dernière son premier contrat de concession : l'autoroute Caracas-La Guaira (17 km), pour laquelle l'adjudicataire, un consortium piloté par le groupe mexicain ICA, s'est engagé à investir 214 millions de dollars (1,3 milliard de francs).

En matière d'eau et d'assainissement, un grand tournant a été pris dans la région avec le développement des modes de gestion déléguée. L'Argentine est en pointe avec les adjudications de Buenos Aires et de la province de Santa Fé (toutes deux remportées par des consortiums pilotés par la Lyonnaise des eaux) et Tucuman (Générale des eaux). La Colombie suit le même chemin. Au Chili, la nouvelle législation de l'eau doit sortir prochainement. Compte tenu du retard accumulé et faute de moyens financiers publics, d'énormes investissements doivent être réalisés. Ils comportent des travaux pour les entreprises de construction.

A cela s'ajoute l'impact des grands projets d'intégration : Pacte andin (Bolivie, Colombie, Equateur, Pérou, Venezuela), Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay), G-3 (Colombie, Mexique, Venezuela), etc. La forte augmentation des échanges entre ces pays rend nécessaires la modernisation des routes, voire la création de nouveaux axes. Les lenteurs bureaucratiques pour concrétiser les projets ont encore accru l'engorgement, mais aujourd'hui les politiques sont confrontés à la nécessité d'agir.

Le vaste réseau autoroutier du Mercosur

Le problème a atteint une telle gravité que c'est leur crédibilité même qui est désormais en question. D'où une série de projets destinés à créer un vaste réseau d'autoroutes à l'échelle du Mercosur afin de faciliter les échanges. Il est question de créer une « autoroute du Mercosur », sorte de grand axe nord-sud à quatre voies, qui irait de Sao Paulo, la capitale économique du Brésil, jusqu'à la frontière uruguayenne, en passant par les villes du sud du Brésil (Curitiba, Porto Alegre). Ce projet est évalué à 1,4 milliard de dollars (plus de 8 milliards de francs). Il serait complété par un axe transversal est-ouest, destiné à faciliter l'exportation des marchandises vers l'Asie via le nord du Chili.

Les projets fusent. Lors d'une récente visite à Paris, en février 1997, le gouverneur de l'Etat du Parana, Jaime Lerner, a expliqué sa volonté de créer un « noeud multimodal » : cet Etat du sud du Brésil se trouve à la jonction d'une liaison ferroviaire transversale pratiquement achevée entre les deux océans et du grand axe fluvial Parana-Paraguay, dont les travaux d'aménagement ont commencé.

Mais le projet vedette est sans conteste le pont sur le Rio de la Plata, entre la ville uruguayenne de Colonia et Buenos Aires, capitale de l'Argentine. Ce serait le plus grand jamais construit à ce jour dans le monde, puisque sa longueur serait de 50 km. Un accord politique entre l'Argentine et l'Uruguay a permis de lancer le projet, qui en est au stade des pré-qualifications. Le coût est estimé à 1 milliard de dollars et le financement se fera sous forme de concession avec péages. La préqualification des entreprises pourrait intervenir en juin prochain. D'ores et déjà, GTM-Entrepose s'est allié en consortium avec l'italien Impregilo (Impregilo était partenaire de Dumez pour la construction du barrage de Yacireta) et des entreprises locales, face au groupement formé par l'américain Bechtel, allié à l'allemand Hochtief.

Ces projets à vocation régionale se réalisent pour la plupart dans le cadre de concessions, ce qui suppose la mise en place de financements privés. En fait les schémas de concession s'accompagnent de la mise en place de solutions financières originales destinées à financer les investissements inclus dans les cahiers des charges. Les adjudicataires de contrats de concession peuvent emprunter, notamment à l'étranger. La Banque mondiale, à travers la Société financière internationale (SFI), et la Banque interaméricaine de développement (BID) jouent un rôle clé pour assurer la concrétisation des projets. Ainsi, au Mexique et au Pérou, les premières centrales électriques privées vont voir le jour grâce à des financements qui ont été « sécurisés » grâce à des prêts de la BID. La Lyonnaise des eaux a bénéficié de financements multilatéraux en Argentine : SFI pour Aguas Argentinas ; BID pour Aguas provinciales de Santa Fé. La Banque interaméricaine de développement peut maintenant accorder des prêts à des entreprises privées, sans garantie souveraine, sous certaines conditions.

Des besoins de financement à hauteur de 360 milliards par an

Les besoins d'investissements en infrastructures ont été évalués à 60 milliards de dollars (360 milliards de francs) par an au cours des prochaines années. De l'avis des experts, il faut s'attendre à une bonne croissance de la construction au cours des années à venir.

Mais cette reprise concerne surtout la branche travaux publics, car le logement demeure toujours aussi déprimé. Et le déficit s'aggrave. Au Venezuela, il manque plus de 2 millions de logements et ce chiffre augmente de 80 000 unités chaque année. Faute de moyens financiers, l'Etat vénézuélien est incapable de faire face aux besoins et la moitié de la population continue à vivre dans des bidonvilles. Seul le Chili a réussi à relancer réellement le logement. A l'échelle de l'Amérique latine, seul l'immobilier haut de gamme tire son épingle du jeu, mais il s'agit d'un créneau étroit.

CARTE : Faute de moyens financiers publics, le secteur privé

est appelé pour financer de grands projets de télécommunications, d'infrastructures de transport, d'assainisssement d'eau, d'énergie, etc., qui se développent notamment dans le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay).

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !