« Le dialogue au service des projets » est le thème central des Rencontres de l’ingénierie. Pourquoi accorder une telle importance au dialogue ?
Nous voulons faire de ces Rencontres autre chose qu’un rendez-vous dans lequel les ingénieurs parlent aux ingénieurs. Nous voulons parler à tous nos partenaires qui concourent à la réussite des projets. Et en particulier à nos clients pour leur dire que le dialogue est dans chaque pro-jet au cœur d’une démarche de qualité.
Ces Rencontres sont évidemment un lieu d’écoute des maîtres d’ouvrage publics et privés, pour prendre en compte leurs nouvelles attentes. Elles sont également l’occasion pour nous de leur dire nos propres souhaits lors de la remise du Grand Prix national de l’ingénierie 2007 et du Prix de l’ingénierie du futur aux lauréats.
Quels souhaits exprimerez-vous ?
Dans un contexte où les projets sont rendus plus complexes, l’intervention de l’ingénierie est de plus en plus nécessaire. Il faut davantage d’études, d’intelligence et de savoir-faire dans les projets. Nous soulignons la nécessité de reconnaître à sa juste valeur ce rôle de la maîtrise d’œuvre et de l’ingénierie en particulier, et d’ajuster la rémunération à des études plus poussées. L’ingénierie ne s’achète pas comme n’importe quel produit de consommation. Elle intervient très en amont des projets et travaille à leur optimisation tout au long de leur réalisation. La sélection d’un ingénieriste doit se faire sur sa capacité à innover pour répondre aux nouvelles attentes, notamment environnementales.
Comment ces attentes environnementales modifient-elles le travail de l’ingénierie ?
A côté du délai, du budget et de la qualité, le développement durable introduit une quatrième dimension dans tous les projets : l’environnement. Cela nécessite des études plus poussées que par le passé pour mesurer à l’avance l’impact socio-économique, technique et environnemental d’un projet. Il s’agit également de nourrir le débat public par l’apport de données techniques qui éclairent les élus, les donneurs d’ordres, les associations et les citoyens sur les choix possibles… et cela en amont de la réalisation d’un projet. Le dialogue ingénieriste-maître d’ouvrage est l’un des fondements de la qualité environnementale.
Quelles actions menez-vous pour faciliter l’évolution des pratiques dans ce sens ?
Syntec-Ingénierie travaille à des propositions qui seront présentées lors du Grenelle de l’environnement en octobre. Nous proposons l’élaboration, avec les parties prenantes, d’un guide sur l’évaluation de la qualité environnementale d’un projet aux moyens d’indicateurs spécifiques qui prennent en compte les trois piliers du développement durable. S’inspirant de méthodes déjà utilisées à l’international, il permettra une plus grande information des acteurs et des utilisateurs d’un projet, un débat public structuré avec des spécialistes et des généralistes en mesure de proposer des synthèses. Il vise à mettre en place une véritable traçabilité des projets.
Enfin, nous élaborons un livre blanc sur l’innovation que nous achèverons début 2008 et ferons des propositions pour améliorer la situation. Rappelons que l’amélioration de la compétitivité des entreprises passe par l’innovation.
500 élèves sont attendus grâce aux partenariats noués avec 35 écoles d’ingénieurs. Quelle est la situation du recrutement ?
Nos besoins en salariés qualifiés sont importants. La pénurie d’ingénieurs est le principal frein au fort développement de nos entreprises. Cela ne s’est pas arrangé depuis l’an dernier. Plusieurs milliers d’ingénieurs manquent dans le bâtiment, le génie civil, l’industrie et le conseil en technologie.
Quelles solutions peut-on apporter à cette pénurie d’ingénieurs ?
Nous voulons élargir la base de recrutement, participer aux formations et communiquer. Les écoles doivent former davantage d’ingénieurs et notamment des femmes qui ne représentent que 20 à 25 % des effectifs d’étudiants. Il faut ouvrir nos recrutements aux architectes, universitaires, techniciens… Ensuite, nous devons nous impliquer dans les formations : les directeurs d’écoles sont aujourd’hui ouverts à des formations montées avec nous et qui préparent à nos métiers, comme le management de projet. Enfin, nous devons encourager les jeunes ingénieurs qui ont choisi nos métiers à rencontrer leurs cadets pour leur parler de leur expérience.
L’ingénierie ne souffre-t-elle pas d’être surtout constituée de petites sociétés ?
L’ingénierie ne sera jamais un secteur ultra-concentré comme peut l’être celui des entreprises de BTP, avec 3 majors. Notre secteur a également des métiers de niches. Plusieurs regroupements ont néanmoins eu lieu récemment dans l’ingénierie de construction : OTH et Séchaud ingénierie, (Iosis) puis Coteba et Thales Engineering and Consulting, dans l’ingénierie industrielle Akka Technologies et Coframi, Alten et Idestyle… Cela renforce les positions de l’ingénierie française. Il y en aura certainement d’autres car, c’est indispensable pour aller sur les grands projets à l’international et, pour intervenir sur certains projets en France (PPP, innovation).
Votre action en faveur d’une assurance construction plus juste a-t-elle abouti ?
Nous continuons notre combat pour qu’on n’impose pas dans nos marchés des contraintes en matière de responsabilité difficilement assurables. Cela pèse aujourd’hui sur notre compétitivité. Concernant les marchés publics, nous attendons de voir ce que sera le nouveau CCAG PI. Concernant le plafonnement des montants d’assurances dans les grands projets par le comité technique de l’assurance construction, nous voulons que la question du plafonnement des responsabilités ne soit pas oubliée.
Que proposez-vous ?
Une idée sur laquelle presque tout le monde est d’accord : que le maître d’ouvrage prenne, pour les grands projets, une assurance complémentaire de groupe qui vienne en complément des assurances des différents intervenants. Si un sinistre dépasse un certain montant, l’assurance complémentaire prend le relais. C’est du bon sens. Cela devrait même être obligatoire.
Nous réfléchissons également à des systèmes à mettre en place entre adhérents de Syntec-Ingénierie : une certaine forme de mutualisation du risque au sein de la profession, comme un contrat de groupe qui serait négocié avec les assureurs par Syntec-Ingénierie.
Dans le bâtiment, les infrastructures et l’industrie, il n’y a pas de pays qui ait des savoir-faire ou des compétences que n’aurait pas l’ingénierie française.


