Avez-vous, en Belgique, contrairement à la France, des dispositifs financiers spécialement dédiés au soutien de la construction passive ?
La région flamande et la Wallonie ne donnent pas de subventions spécialement dédiées aux bâtiments passifs. Par contre, la région bruxelloise offre aujourd'hui 100 euros/m², plafonnés à 200 000 euros et 1 000 000 d' euros pour les établissements recevant du public, pour la construction de bâtiments labellisés passifs. Et étrangement, on compte autant de projets passifs en Wallonie qu'en région bruxelloise.
Aussi, au niveau fédéral, il existe une déduction d'impôts de 1500 euros sur 10 ans pour les particuliers occupant un logement « zéro énergie » (consommation de chauffage entièrement comblée par une production locale).
Jusque-là, les dispositifs étaient incitatifs, mais bientôt des sanctions vont être mises en place. Un accord du gouvernement de la région bruxelloise prévoit qu'à partir du premier janvier 2011 tous les bâtiments publics devront être passifs, et à partir de 2015 toute nouvelle construction, sous peine d'une amende de 62 000 euros et 5 mois de prison. Si cette clause est indicative et ne sera sans doute jamais effective, elle est néanmoins dissuasive.
Vu de la France, ces subventions et ces amendes paraissent énormes.
Effectivement. Le monde du bâtiment belge les a aussi trouvées « énormes ». A l'époque des votes, ça avait gueulé. Si ces dispositifs ont pu être mis en place, c'est notamment grâce à la ministre de l'environnement du gouvernement de la Région de Bruxelles Capitale, issue du parti écolo, Evelyne Huytebroeck.
Comment évolue la construction passive en Belgique ?
On compte une cinquantaine de projets labellisés et 1500 en cours de labellisation. Mais la majorité des projets passifs ne demande pas la labellisation.
Avant, il s'agissait de gens engagés, maintenant on voit les promoteurs s'apercevoir de l'intérêt qu'ils peuvent y trouver. De plus, on construit aujourd'hui des bâtiments tertiaires passifs au prix de bâtiments standard ou moins cher encore. Le cimentier Holcim construit actuellement son siège aux standards passifs, à Nivelles, pour un coût de construction de 1000 euros HT par m².
Pour les opérations de logements, c'est plus difficile. Néanmoins, la ville de Bruxelles construit actuellement 30 logements passifs, en conception - réalisation, pour près de 10% moins cher que la moyenne du prix de construction en Belgique, 1030 au lieu de 1200 euros HT/m².
Le coût de conception de ces projets n'est pas, lui, plus élevé ?
Non, si les architectes et bureaux d'études demandaient plus cher, les maîtres d'ouvrage nous enverraient au diable.
Et le coût des matériaux dits passifs ?
En passant de quelques illuminés sympathiques à un marché structuré, on a vu les prix des « matériaux passifs » changer. Aujourd'hui, on trouve du triple vitrage moins cher que du double. Mais ce n'est pas vrai pour les équipements. Pour une VMC double flux en maison individuelle, il faut compter entre 7000 et 12 000 euros.
Que change, selon vous, pour le monde de la construction, l'émergence du passif ?
Je dirais qu'avec la construction de bâtiments passifs, on a arrêté de construire comme des croyants. Aujourd'hui, grâce à la combinaison du test à la porte soufflante et de la thermographie infrarouge, on vérifie notre travail.
Il y a d'autres labellisations ou certifications qui croissent aussi de façon exponentielle en Belgique ?
La certification anglo-saxonne Breeam connaît aussi un développement important.
Cela s'explique aussi du fait que le standard Breeam, le plus exigeant, se combine très bien avec une labellisation passive.
Pourquoi pas la certification américaine Leed ou française HQE ?
On voit des bâtiments certifiés Leed Platine, certification américaine la plus exigeante, qui sont des catastrophes énergétiques inouïes. Et la certification française HQE est, contrairement au Breeam qui ne fixe que des cibles, un système prescriptif . De plus, il y a l'implantation internationale de la certification anglo-saxonne Breeam qui joue en sa faveur. Vous pouvez parler Breeam avec un Australien ou un Japonais.
Vous êtes amené à travailler en France ?
Nous avons eu l'occasion de travailler avec Norpac, filiale de Bouygues. Ils étaient venus nous trouver pour les aider à répondre à un cahier des charges fixé par la région Nord-Pas-de-Calais pour la construction de 2500 logements sociaux aux normes BBC. Pour être sûr d'être sélectionnés, ils nous avaient demandé de concevoir des bâtiments passifs. Je trouve cela génial que Norpac s'intéresse au passif. Ils ont même réussi à proposer du passif au prix du BBC ! Malheureusement le maître d'ouvrage n'a pas voulu suivre en passif et a préféré rester sur du BBC. Il est très important, comme dans cet exemple, que l'initiative vienne du marché.