3. Trois retours d'expérience concluants

Construction -

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L'intérêt multiple des montages contractuels complexes s'illustre dans des domaines variés. Ils traduisent les investissements massifs qui sont à la charge des collectivités, notamment dans le secteur du traitement et de la valorisation des déchets ou encore, de façon plus originale, dans l'appui aux entreprises et à l'activité économique. Si des expériences concluantes fleurissent au niveau local, l'intérêt procuré par des montages associant le secteur public et le secteur privé n'a pas non plus échappé à l'État.

Construire un centre de traitement des déchets

Près de 88 % de la population française est rattachée à un groupement intercommunal ayant une compétence pour la collecte ou le traitement des déchets. Ces groupements doivent faire face à une réglementation de plus en plus stricte en matière de collecte et de retraitement des déchets ménagers. En conséquence, les structures intercommunales doivent prévoir de lourds investissements dans ce secteur. Il s'agit typiquement d'opérations qui présentent un caractère hybride, associant plusieurs contrats à objets multiples qui s'insèrent dans un ensemble contractuel indivisible. C'est le cas des montages classiquement retenus pour la réalisation d'un centre de traitement de déchets ménagers. Pour construire et exploiter un centre de traitement de déchets, il est possible d'envisager deux scénarios majeurs.

L'option traditionnelle

Il s'agit de construire l'ouvrage en concluant un marché de maîtrise d'œuvre, puis les marchés de travaux subséquents, l'exploitation de l'ouvrage étant organisée sous la forme d'une délégation de service public. Ce montage n'est pas satisfaisant pour plusieurs raisons. D'abord, il demande un investissement initial très lourd pour la collectivité, investissement qui prendra la forme d'un décaissement financier immédiat. Ensuite, le succès de l'opération repose sur deux contrats juridiquement et économiquement distincts. Ces deux contrats sont pourtant nécessairement liés, l'exploitation de l'équipement ne pouvant être garantie qu'à condition d'associer en amont, au stade des études techniques, le futur exploitant. Or, dans ce cas de figure, cela revient à conférer au candidat-exploitant un avantage évident dans la compétition future, avantage sanctionné par une exclusion de candidater ou un risque pris par la collectivité concédante.

L'option alternative

Elle consiste à construire et à organiser l'exploitation de l'équipement à l'aide d'un BEA, d'une convention d'exploitation détachable et d'un crédit-bail. Pour construire l'ouvrage, la collectivité peut, dans un premier temps, choisir de faire reposer le montage sur la conclusion d'un bail emphytéotique administratif avec l'exploitant. Elle conclura, avec le même cocontractant, une convention indivisible du bail organisant la mise à disposition des ouvrages réalisés pour la collectivité. Cette mise à disposition comportera un loyer financier, versé par la collectivité, qui sera calculé en fonction du coût de réalisation des installations. De surcroît, la collectivité pourra également conclure, toujours avec la même personne exploitante, une convention d'exploitation. De son côté, l'exploitant conclura un contrat de crédit-bail pour financer l'ouvrage, contrat dont la garantie proviendra d'une convention tripartite engageant la collectivité, le crédit-preneur et le crédit-bailleur.

Dans ce scénario, la construction et l'exploitation ne sont plus isolées mais totalement liées. L'investissement public est lissé sur plusieurs années, sous la forme d'un loyer. L'inconvénient du montage demeure cependant l'impossibilité actuelle d'inscrire la dépense d'investissement au fonds de compensation de la TVA (FCTVA), donc de compenser une partie de la charge de cette dernière. Cette contrainte est susceptible d'évolutions, une proposition de loi modifiant les conditions d'éligibilité au FCTVA ayant été déposée en ce sens (voir l'encadré « Focus »). Le centre de traitement des déchets par cocompostage du syndicat mixte de la région Ouest Calvados est une illustration de cette option alternative.

Renforcer l'attractivité économique d'un territoire

Comment encourager le potentiel économique d'une commune ? C'est une question que la plupart des élus se posent s'ils souhaitent développer le potentiel fiscal de leur territoire. Si les montages complexes sont volontiers envisagés pour construire des équipements publics, le recours à un contrat complexe peut aussi offrir un intérêt pour dynamiser un territoire. Par exemple, la Vefa peut présenter une solution intéressante pour construire une pépinière d'entreprise. On peut ainsi citer le projet de pépinière d'entreprise en Vefa publique réalisée par la ville du Touquet-Paris-Plage.

Les avantages

Rappelons que la vente en l'état futur d'achèvement présente trois avantages majeurs :

1. Les droits sur sol et des constructions existantes sont transférés dès la signature de l'acte de vente, et non à la réception de l'ouvrage.

2. La propriété de l'ouvrage fait l'objet d'un transfert progressif, au fur et à mesure de l'exécution des travaux. Le paiement étant lié au transfert progressif de la propriété, le prix est versé par l'acquéreur au fur et à mesure de l'avancement des travaux.

3. Le vendeur conserve seul le rôle et les fonctions de maître d'ouvrage jusqu'à la livraison de l'ouvrage.

Du point de vue du maître d'ouvrage public, la Vefa présente des avantages certains. Elle leur permet principalement d'éviter d'assumer la maîtrise d'ouvrage. Dans le cas d'une pépinière d'entreprises, le projet peut s'insérer dans une construction réalisée par un promoteur privé. Ainsi, la personne publique se dote d'un équipement public en évitant la lourdeur des procédures nécessaires pour la maîtrise de l'assiette foncière (expropriation notamment). En effet, il appartient au promoteur privé de s'assurer de la maîtrise du foncier puis de l'exécution des travaux.

Opposée aux rigueurs de la loi MOP, dont le principe est d'interdire à la collectivité d'abandonner la maîtrise d'ouvrage, cette solution séduit plus d'une collectivité. La plupart des maires sont placés devant le dilemme actuel : composer avec la contrainte d'un foncier très coûteux, voire inexistant, mais attirer les entreprises, sources de rentrées fiscales et signes d'un certain dynamisme.

En combinant les avantages de la Vefa, une collectivité locale peut inscrire la création d'une « ruche » d'entreprises dans un projet immobilier d'ensemble mené par un promoteur immobilier privé. Elle peut aussi avoir recours à la Vefa dans l'hypothèse où elle n'a plus la qualité d'acquéreur, mais celle de vendeur. Dans ce montage, la collectivité réalise et vend un ouvrage à une entreprise qui souhaite s'implanter sur son territoire. Il s'agira d'un achat sur plan par lequel la mairie construit un bâtiment selon des plans établis dans un contrat préliminaire. L'entreprise réserve le bâtiment et en règle le prix au fur et à mesure de la réalisation de l'ouvrage.

Les freins

La principale difficulté du montage d'une pépinière d'entreprises en Vefa publique demeure le cadre normatif des aides à l'immobilier d'entreprise. Comme l'y autorise l'article L1511-3 du CGCT, les collectivités locales peuvent vendre un bâtiment à une entreprise privée pour favoriser le développement économique et la création d'emploi. La vente doit se faire au prix du marché, voire avec un rabais. Il faut rappeler que la loi du 13 août 2004, n° 2004-809, a modifié le régime des aides à l'immobilier (autrefois appelées aides indirectes). Ces aides, prévues au nouvel article L1511-3, pourront toujours être librement consenties par les collectivités territoriales et leur groupement, mais sont davantage encadrées par la loi.

Ces aides pourront prendre la forme de « subventions, de rabais sur le prix de vente, de location ou de location-vente de terrains nus ou aménagés ou de bâtiments neufs ou rénovés ». Elles donneront lieu à l'établissement d'une convention et seront versées soit directement à l'entreprise bénéficiaire, soit au maître d'ouvrage, public ou privé, qui en fait alors bénéficier intégralement l'entreprise. Le montant des aides doit être calculé par référence aux conditions du marché, suivant des règles de plafond et de zone déterminées par décret en Conseil d'État. Ces aides devront respecter le schéma régional de développement économique, lorsqu'il sera adopté, et feront l'objet d'une évaluation annuelle au même titre que les aides économiques.

Le paiement progressif de l'ouvrage permet quasiment à la collectivité de préfinancer l'ouvrage. Avantage évident, elle ne supporte pas intégralement et dès l'origine le coût de la construction. La collectivité locale répond à un besoin spécifique en minimisant le risque de se retrouver au final avec un bien dont elle ne sait que faire. Il est d'ailleurs possible - et conseillé - de prévoir la remise d'un dépôt de garantie pour contractualiser l'intérêt de l'entreprise candidate, celle-ci s'engageant par la même occasion à acquérir l'ouvrage construit par la commune sous peine de perdre son dépôt de garantie.

Générer des recettes annexes

Le recours aux montages complexes permet également d'envisager la production de recettes annexes. En effet, l'article L1414-12 d du CGCT autorise le titulaire du contrat de partenariat à recevoir des recettes tirées de l'exploitation des ouvrages ou des équipements « pour répondre à d'autres besoins que ceux de la personne publique contractante ». Cette faculté offerte au maître d'ouvrage et à l'exploitant s'inscrit dans un contexte de gestion optimale de l'équipement construit. En l'état, l'article L1414-12 ne fixe aucune limite au montant des recettes annexes qui seront éventuellement perçues par le partenaire privé. Juridiquement, et à l'avantage du partenaire privé, on pourrait imaginer un montage dans lequel les recettes annexes ont un niveau très élevé. Les recettes annexes présentent un intérêt évident pour la personne publique : elles permettent de réduire le loyer payé au partenaire privé. Cette déduction peut être traitée suivant plusieurs schémas :

1. La personne publique déduit intégralement les recettes annexes du loyer versé au partenaire privé. Le système est peu motivant.

2. À l'inverse, la personne publique peut choisir de ne pas déduire les recettes annexes du loyer, donc d'en faire bénéficier intégralement le partenaire privé. Le système devient peu intéressant pour la personne publique.

3. Contractuellement, il faut choisir une solution intermédiaire : déduire la majeure partie des recettes annexes du loyer payé par la personne publique tout en versant au partenaire privé une partie de ces recettes annexes. Cette proportion fera l'objet d'une clé de partage définie au cours du dialogue compétitif.

Ce dispositif conduit le partenaire privé à maximiser le niveau des recettes tirées de l'exploitation de l'équipement, et pose les bases d'un système gagnant-gagnant relativement vertueux.

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