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La paille dans les murs de Paris deviendrait-elle monnaie courante ? A en croire le foisonnement de projets qui émergent ces dernières années, peut-être. C’est au 132 rue de la Convention, dans le 15e arrondissement de la capitale, qu’elle est en ce moment même employée en isolation thermique par l’extérieur (ITE) d’une résidence de 14 logements sociaux en R+7.
« A ma connaissance, il s’agit d’une première en France », souligne Jacques Baudrier, adjoint à la maire de Paris en charge notamment de la transition écologique du bâtiment. La paille avait déjà atteint les huit étages à Saint-Dié-les-Vosges en 2014, mais il s’agissait d’une construction neuve où l’isolant biosourcé était enfermé dans des caissons bois.
L’objectif ici est de répondre aux ambitions du Plan Climat de Paris, qui sont de réduire de 35 % les consommations énergétiques dans le parc social d’ici 2030, moyennant 5000 rénovations par an. De quoi s’inscrire dans le futur PLU bioclimatique de la ville.
Deux murs pignons habillés de bottes de paille
Démarré cet hiver,le chantier devrait se terminer en octobre 2020. Les travaux ont été rendus possibles par la situation du bâtiment. « Donnant sur un vaste jardin, deux de ces murs sont des pignons de 10 m de large qui ne sont percés que de fenêtres de salle de bain », explique Laurence Malafosse, chargée d’opération à la direction territoriale sud-ouest chez Paris-Habitat, maître d’ouvrage de l’opération.
Cette partie de l’immeuble, construite dans les années 30 en moellon de pierres calcaires sur environ 50 cm d’épaisseur, sera entièrement revêtue de bottes de pailles. D’une section de 35 x 49 cm pour 115 cm de long, elles proviennent d’un agriculteur de Seine-et-Marne.
Leur densité de 100 kg/m3, qui est celle lorsqu’elles sortent de la presse, est suffisante pour la réalisation de l’ITE.
Des bottes sanglées par des bretelles
Les premières bottes ont été posées en juillet avec deux techniques de pose. La première, innovante, consiste à poser les bottes horizontalement et à les sangler avec des bretelles. Ces dernières sont en réalité des feuillards en plastique que l’on emploie pour cercler les emballages. Ils sont tendus et accrochés mécaniquement dans le mur. « La résistance à l’arrachement de ces bretelles est de 400 kg, pour une botte de paille et son enduit qui ne représente qu’une cinquantaine de kilos », détaille Volker Ehrlich, architecte de l’agence Trait Vivant.
« Les charges sont renvoyées dans la paroi existante, comme si elle portait un sac à dos », image-t-il. L’objectif de cette mise en œuvre est d’économiser de la ressource bois, là où la paille est abondante, avec une production de 50 millions de tonnes par an. Elle a été permise par le bureau de contrôle Apave, sur les huit premiers mètres de hauteur.
Dans les étages supérieurs, les bottes sont insérées verticalement dans une ossature bois selon la technique en épine, définie par les règles professionnelles éditées en 2012.
Un enduit chaux sable
« Les bottes sont ensuite recouvertes d’un badigeon de terre qui vient les protéger du feu et de l’humidité le temps du chantier, puis elles recevront un enduit chaux-sable sur 4 cm d’épaisseur dans le courant du mois de septembre. La résistance au feu sera de 2 heures », poursuit Benoît Rougelot, architecte de l’agence Landfabrik, associé sur le projet, .
La résistance thermique (R) de la paille et de son enduit s’élève à 7,5. Associée à celle du mur, la paroi devrait atteindre un R de 9, ce qui correspond aux exigences des constructions passives.
Bien que la matière première soit à un prix très bas, de l’ordre de 3 euros la botte, le coût de la main d’œuvre qui nécessite deux à trois personnes pour poser une botte reste élevée. Le budget de cette ITE par paille est de 243 euros/m², comparable a celui d’une ITE de qualité en laine minérale chiffrée à 220 euros /m².
Ce chantier mené par le Collect’IF Paille, Apij Bat et Depuis 1920 a aussi été l’occasion de soutenir la formation et l’insertion.
En parallèle, Paris Habitat, déjà surnommé "pailleur" social, mène actuellement des travaux employant le matériau biosourcé aux franges du 15e arrondissement, rue du Colonel Pierre Avia. Le projet, emmené par NZI Architectes, consiste à reconvertir un immeuble tertiaire de 4000 m² en une résidence étudiante. Le bâtiment sera isolé grâce à des caissons de paille.