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Soixante ans après la création de l’entreprise à Pau par Henri-Edgard Mas, ingénieur TP, sur quoi repose la stratégie du groupe ?
Sa volonté de pérenniser son indépendance. Il s’agit de conserver une structuration économique patrimoniale, notre héritage historique est un marqueur fort du groupe. Tout ce que nous mettons en œuvre vise à assurer de très hauts niveaux de capitaux propres au sein de la société. Afin de nous garantir de coups conjoncturels, comme la pandémie par exemple, et nous permettre d’envisager des rachats d’entreprises détenant des capitaux propres de manière importante. Aujourd’hui, nous sommes en complète indépendance financière ; nous n’avons pas de dettes.
Comment parvenez-vous à ce résultat ?
Nous faisons des choix commerciaux forts avec des opérations qui correspondent à nos savoir-faire. Historiquement, nous faisions du gros œuvre mais aujourd’hui, nous nous orientons vers des marchés plus globaux : des marchés d’entreprise générale en conception-réalisation dans le domaine hospitalier et des marchés globaux de performance. C’est une évolution dans notre carnet de commande. La cohésion dans l’entreprise est également un axe fort… Nous visons, d’ailleurs, pour juillet 2023 la triple certification 9001 (management de qualité), 14001 (management environnemental) et 43001 (santé et sécurité au travail).
La transition numérique fait-elle partie de vos nouvelles orientations ?
Nous l’avons démarrée il y a quatre ans avec les réalisations des plans d’exécution pour la réalisation de nos opérations au sein de notre bureau d’études, mais nous souhaitons l’accélérer. Notamment grâce au programme régional Usine du Futur avec un audit en 2021 destiné à améliorer nos outils numériques et notre efficacité dans ce domaine. Nous travaillons à la mise en place d’un logiciel qui mutualise les données de tous nos services pour avoir un pilotage plus efficace ; à la création d’outils numériques pour l’implantation des bâtiments ; nous avons un partenariat avec une start-up toulousaine pour faire intégrer la réalité augmentée dans la formation ; et mettons en place les premiers développements liés à robotique. Cette démarche est essentielle pour attirer les jeunes talents. Et demain, il y aura deux typologies d’entreprises : celles qui auront pris le virage numérique et les autres qui risquent d’être frappées d’obsolescence. Et des groupes indépendants comme le nôtre, ainsi que les majors du BTP, doivent être leaders dans cette démarche pour accompagner les entreprises partenaires.
Historiquement, Mas BTP s’est constitué via le rachat d’entités dans différentes activités (Saniclim, EEE, Peintures d’Aquitaine, Bigorre Construction, Montessuit, Maisons Lara, AWF et Copalex). De quelle manière envisagez-vous de renouer avec cette politique aujourd’hui ?
Nous souhaitons nous inscrire dans une démarche durable. Pour cela, nous nous sommes adossés à la Banque publique d’investissement (Bpi) afin d’y voir clair dans notre démarche. Qui sommes-nous ? Vers quoi allons-nous ? Quels sont les enjeux ? Les implantations ? Activités connexes ou nouvelles activités ? Exploration de nouveaux mondes : matériaux recyclés, biosourcés...
Beaucoup d’entreprises sont aujourd’hui proposées au rachat : une fois la clarification faite, nous irons. Nous ouvrirons peut-être notre champ d’action géographique, mais il n’y a pas une recherche effrénée d’aller sur d’autres territoires. Nous ne voulons pas perdre le rapport que nous avons avec nos clients fidèles aujourd’hui, sur nos territoires. Et nous ne voulons pas créer de tensions sur de nouveaux territoires et générer des problématiques de recrutement. Nous souhaitons concrétiser ce projet de croissance externe en 2025.
Le recrutement est effectivement une problématique dans le BTP aujourd’hui, vous rencontrez également des difficultés ?
Nous avons un besoin de main d’œuvre : de compagnons, de postes d’encadrement, etc. Toutes les strates sont touchées par cette problématique. Rapporté au nombre de nos salariés, notre chiffre d’affaires est bas car nous avons peu recours à la sous-traitance et à l’intérim. Il faut renforcer notre action sur le terrain du recrutement. Nous avons également une démarche permanente de formation d’apprentis et d’alternants que nous maintenons. A l’issue de leur contrat, nous essayons d’être en capacité de leur proposer un projet sans les effrayer… Nous devons mettre en place une rhétorique pour nous adapter aux codes des jeunes aujourd’hui.
La question du sens donnée au travail est également importante aujourd’hui…
Oui, nous avons une nouvelle logique de management : nous consultons les salariés. Nous avons mis en place des groupes de travail sur la cohésion avec des compagnons : nous communiquons pour dire où va l’entreprise ; répondons aux besoins d’autonomie, via le télétravail, notamment ; travaillons sur l’équilibre vie privée/vie personnelle en évitant les réunions trop tôt ou trop tard. Et nous accordons une grande attention à l’équité entre les salariés.
Avec l’inflation, la baisse du pouvoir d’achat… il est également suggéré que la solution réside dans la hausse des salaires. Quelle est votre politique sur ce point-là ?
Effectivement, des compagnons évoquent les difficultés à faire les courses, mettre du carburant… Et il ne s’agit même pas des niveaux de salaires les plus bas. Nous tentons de nous adapter à notre secteur qui est concurrentiel, nous devons être sur un niveau de propositions équivalent à nos concurrents. Nous y travaillons également via le déploiement des véhicules de fonction, une prime liée à la hausse du carburant… Sur le terrain des salaires, nous sommes aussi confrontés à une logique inflationniste. Mais, nous subissons aussi la hausse des coûts, des matériaux, notamment. Il est difficile d’anticiper cela et il est important de maintenir les équilibres pour pérenniser notre entreprise.
Comment gérez-vous les problèmes liés au contexte : hausse de prix, difficultés d’approvisionnement, etc. ?
En préférant les marchés publics aux marchés privés, en raison de la clause de révision des prix. Cela nous permet de réduire l’impact de la hausse des coûts de matériaux. Pour les marchés privés, nous menons des discussions avec les maîtres d’ouvrage en leur expliquant l’impact subi, afin d’obtenir réparation. Un de nos gros maîtres d’ouvrage privés a accepté une formule de révision. Quoi qu’il arrive, nous n’abandonnons pas nos chantiers.
Est-ce que vous refusez certains chantiers sachant qu’il y aura une problématique de prix ou de matériaux ?
Non, mais dans le cadre de notre structure de construction de maisons individuelles Maisons Lara, nous avons une problématique d’approvisionnement sur les menuiseries extérieures, notamment. Le dirigeant nous a précisé que les délais d’exécution avaient augmenté de 20 à 30 % ces derniers temps. Il y a quelques temps, 10 mois étaient nécessaires pour la réalisation et maintenant il faut compter 12 à 13 mois. C’est tendu sur les autres activités, mais nous n’avons pas de défaut d’approvisionnement.
Mas BTP, une histoire de famille
Au décès d’Henri-Edgar Mas, c’est sa fille Brigitte Ganier qui a repris les commandes du groupe. Une succession naturelle, car elle accompagnait son père dans l’entreprise depuis 1999. En 2014 également, Valérie et Hannaëlle Ganier, les filles de Brigitte Ganier, entrent au conseil d’administration en tant que directrices générales déléguées. 100 % de l’actionnariat de l’entreprise est familial.