0 of 7
Sur les hauteurs de Notre-Dame, l’incendie fait rage depuis plus d’une heure, ce lundi 15 avril 2019, quand, à 96 mètres du sol, la pointe de sa flèche incandescente chancèle. Il n’est pas tout à fait 20 h et l’œuvre de plomb et de bois, dressée au XIXe siècle à la croisée du transept par Eugène Viollet-le-Duc, se brise et s’effondre sous les yeux de Paris effaré. Pendant une bonne partie de la nuit, près de 800 pompiers venus de toute l’Ile-de-France continuent de se relayer avant que l’on puisse officiellement affirmer, vers 3 h 45, que le sinistre est maîtrisé. Au petit matin, la capitale se rassure, l’un de ses édifices les plus emblématiques a perdu sa toiture mais il est « toujours debout ». Et tandis que les promesses de dons affluent, déjà la course est engagée pour lui rendre sa splendeur.
Vives critiques
Au sommet de l’Etat, on a en effet décidé remettre en état le monument blessé au plus vite. Dès le 16 avril, dans une allocution télévisée, le président de la République, Emmanuel Macron fixe l’ambition : Notre-Dame devra être rebâtie «d’ici à cinq années». Le lendemain, le Premier ministre, Edouard Philippe, annonce lui qu’un concours d’architecture sera lancé pour dessiner une nouvelle flèche. D’ailleurs, le gouvernement ne perd pas de temps et présente, lors du conseil des ministres du mercredi 24 avril, un projet de loi visant à faciliter le futur chantier. Le texte prévoit notamment qu’il sera permis de déroger à certaines règles d’urbanisme ou de la conservation du patrimoine.
Cette volonté suscite rapidement de vives critiques. Se présentant comme les garants d’une longue pratique de restauration du patrimoine français, les contempteurs accusent l’Etat, propriétaire de Notre-Dame, de confondre vitesse et précipitation, tandis que le texte fait l’objet d’une âpre bataille parlementaire, entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Il est finalement adopté au mois du juillet. Il institue la création d’un établissement public spécifique qui, placé sous la tutelle du ministère de la Culture, est présidé par l’homme qu’Emmanuel Macron a choisi pour assumer la mission et les délais : l’ancien Chef d’état-major des armées, le général Jean-Louis Georgelin.
Causes inconnues
Se pose aussi rapidement la question de l’origine du sinistre. L’enquête préliminaire, qui a démarré alors même que l’incendie faisait rage, écarte rapidement l’hypothèse criminelle. Les personnels des entreprises qui interviennent sur la cathédrale sont, eux, entendus. En effet, au moment du drame, Notre-Dame est en chantier depuis un an et un gigantesque échafaudage est en cours de montage autour de la flèche dont la restauration est programmée. Le parquet de Paris ouvre, au mois de juin, une information judiciaire «contre X, du chef de dégradations involontaires par incendie par violation manifestement délibérée d'une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, intervenues dans des conditions de nature à exposer les personnes à un dommage corporel». Dans un communiqué, il est précisé que s’il n’est pas encore possible de déterminer les causes exactes de l’incendie, certaines hypothèses sont envisagées comme un dysfonctionnement électrique ou une cigarette mal éteinte.
L’opération de sécurisation et de diagnostic du monument a, elle, débuté dès le lendemain de l’incendie. Les éléments les plus fragilisés ont été stabilisés en urgence. En divers points de la cathédrale, les ouvriers purgent ou ceinturent les pierres et les pièces de bois qui ont été endommagées par les flammes. Et avec soulagement, on constate au fil des mois que si Notre-Dame a perdu sa fantastique charpente en bois, surnommée la « Forêt », sa couverture en plomb et sa flèche, en revanche la structure tient. Le chantier bute cependant sur un obstacle de taille.
L’échafaudage de la flèche, par bonheur, a résisté à l’incendie mais ce Meccano de 40 000 pièces s’avère complexe à démonter. Non seulement, il bloque la vérification de l'état des voûtes qui se trouvent en-dessous mais il faut absolument éviter qu’il ne s’effondre sur lui-même. Après avoir été consolidé, il est fin prêt à être déposé début mars. Les premiers mètres ont même été ôtés quand est survient la crise du Covid-19.Le 16 mars, le général Georgelin décide l’arrêt du chantier pour ne pas mettre en péril les compagnons. Un coup dur, d’autant que l’été précédent, les travaux ont déjà été suspendus trois semaines en raison du risque de contamination au plomb.
Débat architectural
Début avril, aucune date n'est avancée pour la relance des travaux. Néanmoins, on assure que l'objectif de rendre Notre-Dame à Paris et au monde en 2024 sera tenu. Pendant ce temps-là, Philippe Villeneuve, l’architecte en chef des monuments historiques qui est en charge de la cathédrale depuis sept ans, poursuit les études. Pour le maître d’œuvre, il s’agit notamment d’évaluer toutes les hypothèses de reconstruction de la charpente, de manière scientifique et de poser ainsi les bases d’un débat architectural serein. Au lendemain du sinistre, le monde de l’architecture et de la construction avait commencé à s'écharper au sujet du matériau le plus approprié, les tenants du bois s’opposant à ceux du béton ou du métal. Les experts seront appelés à se pencher sur la question dans les prochains mois mais, in fine, l’Etat aura le dernier mot, ainsi que sur la future flèche. Un an après l’anéantissement de l’ouvrage, les modalités de la création de la nouvelle pointe de Notre-Dame ne sont pas connues.