0 of 5
Du haut des tours du quartier d’Etouvie à Amiens (QPV), les habitants assistent à une scène singulière. D’ici mars 2024, ils pourront flâner dans une médiathèque (915 m2 SP, 2,3 millions d’euros de travaux HT) que l’on peut qualifier de frugale et engagée. En attendant, en ce mois de novembre, ils scrutent les compagnons de l’entreprise Pi-Œuvre, basée à Chanu dans l’Orne, s’affairer avec de drôles de lances. Alors que se termine le clos-couvert, ces derniers projettent actuellement l’isolation. L’équipement conçu pour être frugal en construction comme en exploitation par l’agence lilloise Béal Blanckaert Architectes bénéficie d’une isolation en béton de chanvre projeté. Ce mélange de chènevotte (paille de chanvre) et de lait de chaux vient remplir les murs à ossature bois. « Pour un projet de cette ampleur, nous utilisons une projection mécanique. La pâte de chaux et le chanvre se rencontrent dans la lance à air comprimé », explique Raphaël Giralt, DG de Pi-Œuvre. Trente centimètres sont ainsi déposés dans les murs à ossature bois puis dressés à la règle, le panneau Fermacell de 18 mm servant de fonds de coffrage d’un côté, et de finition à l’intérieur. De quoi limiter la quantité de matière utilisée. S’ensuit entre trois et six semaines de séchage pour appliquer, in fine, trois centimètres d’enduit chaux-sable qui assurera résistance mécanique aux chocs et étanchéité à l’air de la paroi. « Une garde d’eau en pied de façade, par un muret béton, préserve le mélange biosourcé des remontées d’humidité tandis qu’un large débord de toit protège de la pluie battante », détaille Florine Wallyn, architecte, elle-même formée « Construire en chanvre ».
À lire aussi
Faible impact environnemental
Dans les Hauts-de-France, la filière chanvre se structure doucement à la faveur d’expérimentations comme celle du bailleur Maisons & Cités qui réhabilite 80 maisons en béton de chanvre.
A Amiens, la chènevotte provient des cultures de Champagne-Ardenne, première région productrice de chanvre. Bien qu’encore peu utilisée, la mise en œuvre du béton de chanvre projeté ne présente pas de surcote pour l’assurance du maître d’ouvrage. « Nous sommes conformes aux règles professionnelles reconnues par le CSTB et elle ne nécessite pas d’avis technique particulier », énumère la maître d’œuvre qui loue le chanvre, « matériau biosourcé à faible impact environnemental et renouvelable à l’infini. Naturel, il retournera à la terre en fin de vie ». « Puis, c’est le seul matériau thermo-hygro régulateur, capable d’absorber et de désorber jusqu’à quatre fois son volume d’eau », corrobore Raphaël Giralt. Ce qui joue sur le confort intérieur et le système de ventilation, moins sollicité.
A Amiens, les restes de projection sont ici récupérés et revalorisés sous forme banchée pour constituer l’absorbant acoustique de la salle d’action culturelle.
Pédagogie
Ici, exit pare-pluie, pare-vapeur et autres vides techniques. « C’est assez nouveau pour les compagnons des autres corps d’état, poursuit Florine Wallyn. Il faut être pédagogique pour expliquer l’ensemble de notre démarche et les répercussions des actions des uns et des autres, notamment lors des passages des divers réseaux ». Une conception qui place cette médiathèque en véritable vitrine régionale. Le recours au chanvre a d’ailleurs permis l’obtention d’une subvention de la région Hauts-de-France, au titre de l’usage de matériaux biosourcés