Cela fait tout juste une semaine que le gros œuvre est achevé pour l’immeuble B6, qui sera, en 2026, le dernier livré de l’écoquartier GreenCity à Manegg au sud de Zurich. Une étape importante pour ce site de 8 ha, ancienne friche industrielle, qui a fait l’objet d’une démarche de régénération urbaine complète en l’espace de 12 ans. Aujourd’hui, le site compte une quinzaine de bâtiments, dont une école, des logements en accession, d’autres en location, des commerces, un hôtel et trois immeubles de bureaux. « Nous nous sommes adaptés pour convertir cet ouvrage initialement alloué à du tertiaire en logement », indique Lilia Barkaoui, ingénieure en génie civil et cheffe de projet travaux du site pour Losinger Marazzi (filiale suisse de Bouygues Construction).
Le logement, moteur de la construction
« Le marché suisse est en effet fortement porté par le logement, du fait d’un solde migratoire positif, qui génère lui-même des besoins de main d’œuvre », détaille Pascal Bärtschi, directeur général de Losinger Marazzi. La production de logement constitue même le principal moteur du secteur de la construction, qui pèse 70 milliards de Francs suisses (CHF), soit 10 % de la performance globale de la Fédération helvète. Pour la filiale du groupe Bouygues, la régénération de bâtiments à transformer en logements représente même 50 % du chiffre d’affaires.
Construction en zone dense
L’attractivité du pays n’est pas la seule responsable. La Suisse est aussi un petit pays déjà densément peuplé. « Actuellement, obtenir un permis de construire prend 20 % de temps en plus par rapport à 2015 », constate Pascal Bärtschi. En cause : la construction en zone de plus en plus dense implique des réponses techniques complexes. En outre, les habitants ne souhaitent pas voir leur quartier se densifier, c’est le syndrome du « not in my backyard » (Nimby) avec des recours contre les projets plus fréquents. « Pour éviter les faux pas, les autorités instructrices approfondissent l’étude des dossier, ce qui rallonge encore les délais », ajoute le directeur général.
Dans ce contexte, la stratégie de l’entreprise repose sur deux axes : tout d’abord, répondre à des appels d’offres en entreprise générale. Dans ce cas, la conception est achevée et le client dispose déjà du permis de construire pour son projet. Si les délais sont alors plus courts, la marge de manœuvre réduite. Un pilier qui représente environ 40 % de l’activité de l’entreprise. Les autres 60 % du chiffre d’affaires sont réalisés grâce aux projets en conception/réalisation, à l’instar du quartier GreenCity. « Nous identifions un terrain ou une zone avec un fort potentiel et nous développons un projet adapté au contexte, puis nous cherchons un investisseur. Si ce dernier acquiert le terrain et passe un contrat avec nous, c’est parce qu’il a identifié un rendement », détaille Pascal Bärtschi
Réduire l’empreinte carbone des projets
Et, pour que ces opérations soient rentables, l’entreprise met l’accent sur trois éléments: se concentrer sur les usages et les besoins des utilisateurs finaux tout d’abord, pratiquer la régénération urbaine et prendre en compte les enjeux climatiques. « Nous cherchons à la fois à réduire l’empreinte carbone des projets et à les adapter au changement climatique », indique Stéphane Bezille, directeur de la région Zurich et Suisse centrale chez Losinger Marazzi, avec des évolutions qui s’inspirent parfois de la RE 2020, en l’absence de réglementation équivalente. Ainsi, les logements mono-orientés sont de toute façon assez rares car ils se louent ou se vendent moins bien », explique Philippe Mallez, responsable travaux pour la région de Zurich chez Losinger Marazzi. Et la réglementation suisse interdit jusqu’à présent les mono-orientations nord pour des questions d’économie d’énergie en hiver. « Mais le changement climatique nous oblige à questionner cette interdiction » reprend Pascal Bärtschi.
Vision patrimoniale de long terme
L’adaptabilité des logements tient aussi compte des besoins futurs afin que les constructions affichent toujours une rentabilité dans dix ou vingt ans. « La croissance démographique oblige à anticiper les surélévations, donc nous cherchons à renforcer les fondations pour accueillir des niveaux supplémentaires et à prévoir des connecteurs au dernier étage pour anticiper ces évolutions ». Comment faire accepter ses surcoûts aux maîtres d’ouvrages ? « S’ils sont anticipés en amont, ils sont absorbables », constate Lilia Barkaoui qui a suivi l’ensemble du projet GreenCity. Et la plupart des investisseurs ont une vision patrimoniale qui les rend sensibles à ces arguments. Des concepts qui ne rencontrent pas l’adhésion des spéculateurs, en revanche.
5% de croissance annuelle
Cette stratégie se traduit par une croissance de 8 %/an depuis 2021 pour le groupe avec un chiffre d’affaires de 750 millions de Francs Suisse en 2024. Celle-ci doit être raisonnable et maîtrisée, pour le directeur général, ce qui devient délicat au-delà de 5 %, un niveau auquel devrait revenir la filiale de Bouygues Construction pour 2025.